Nancy Huston

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Nord perdu' de Nancy Huston.

Un séjour en Provence

Ma fille m’a dit « Mama, tu parles français, n’est ce pas ? Des vacances en famille en France cet été, qu’en penses-tu? ». Je lui ai répondu « Oui, c’est une bonne idée ! ». Mais je me suis dit « Ça fait vingt ans que je ne parle plus français ! ». Selon Nancy Huston dans son livre ‘Nord Perdu’ « Aller dans un pays étranger, c’est souvent intéressant mais c’est aussi, déstabilisant. Angoissant. Déboussolant ». Néanmoins, j’ai trouvé une maison en Provence et je l’ai louée pour deux semaines.

Le premier jour, après avoir mangé un bon repas, on a rangé la vaisselle dans le lave-vaisselle. J’ai appuyé sur le bouton de démarrage et… rien ; Encore un fois – mais il ne marchait pas. Imaginez ce qui se passait dans ma tête : deux semaines sans lave-vaisselle ! Bon sang : Il faut qu’on appelle l’agence de location tout de suite ! Je paniquais ! Quel est le mot français pour cette machine ? Peut-être sauront-ils me comprendre ! Avec un souffle profond, j’ai décroché le téléphone et appelé l’agence de location. La femme du bureau m’a demandé si tout allait bien. J’ai essayé de lui expliquer le problème, mais elle disait : « Pardon, encore, pardon ? ». Vous ne pouvez pas imaginer la situation, les enfants riaient, mon mari riait, la femme et moi riions. C’était amusant mais en même temps cela m’a beaucoup gênée. A la fin, la situation est devenue claire pour elle. Elle m’a dit qu’un mécanicien viendrait le lendemain matin.

Tôt le matin un homme est apparu. J’ai commencé à lui parler en français, mais j’avais perdu ma confiance pendant la nuit. Je bâillonnais, balbutiais, bégayais. Le mécanicien était horrifié, désarçonné devant ce mur opaque. J’ai redoublé mes efforts, sans effet ! « Eh, eh», une toux polie de l’ombre…. mon mari est sorti en indiquant que nous devrions le suivre vers la cuisine. En montrant la machine, il l’a pris des yeux et lui a dit …« Eh voilà, c’est kaput’’ ! Le mécanicien s’est occupé de la machine et l’a réparée. Et avec un sourire de complicité à mon mari… il est parti.

PAR PH

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Les Voyages ouvrent l’esprit

On dit que les voyages ouvrent l’esprit : s’il en est ainsi, par conséquent, plus de gens devraient se déplacer ! Quand une touriste arrive dans un pays étranger, n’importe dans quel coin du monde, c’est toujours intéressant, souvent énervant, oui, mais on se débrouille avec un sourire, un simple bonjour et merci, minimum, et tout le monde semble content.

Mais, une fois en France, surtout à Paris, tout change ! Subtile. Souvent manifeste. Je ne me démarque pas dans la foule, je n’ai pas l’air menaçante et ma peau est blanche. Dieu merci ! Je suis une bonne citoyenne. Irréprochable. Exemplaire. J’ai le droit de rester et de travailler ici. Je paie mes impôts. Je ne suis pas invisible. Au fil des ans, j’ai appris à tenir ferme et à garder ma place dans la file d’attente !

C’est curieux cette méfiance envers les étrangers, quand on y pense. Avec leur histoire d’exploration : leurs anciennes colonies et leurs immigrés qui parlent leur jolie langue. On a toujours ce sempiternel sentiment d’angoisse latente. On entre dans un magasin, la boucherie-charcuterie par exemple : en souriant, bonjour Monsieur, deux côtelettes, s’il vous plaît. Puis tout commence. Les regards singuliers. Les ricanements. Même quelques murmures audibles de « étrangère ». Pourquoi ? Le boucher sent mon malaise et me demande « d’où vient ce petit accent ? » A chaque fois, c’est « ce petit accent » qui nous trahit. Bel et bien. En répondant, d’Australie, l’atmosphère s’allège légèrement et ils font un effort finalement et je deviens un kangourou ! Quelques petits rires nerveux suivent.

Et ils n’ont pas aimé ma mauvaise prononciation du « mug » mais le haussement d’épaules et le roulement des yeux, est-ce que c’était vraiment nécessaire ? Après tout le ciel n’est pas tombé sur nos têtes. Mais si telle est la pire chose qui leur soit arrivée, alors ils sont à plaindre. Pas moi. Vive la différence ! Si le mug n’est pas votre tasse de thé, prenez un bol d’air frais et vous serez dans votre assiette.

Et si vous associez mon nom de famille à la soupe en boîte, laissez tomber ! Sauf si vous êtes Andy Warhol !

PAR DC

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Les gaffes en français

Les Australiens adorent voyager, peut-être parce que nous vivons à l’autre bout du monde ; ainsi beaucoup de jeunes voyagent de l’Australie à l’étranger (en Europe et en Asie). Maintenant les jeunes voyagent à un âge précoce avec ou sans leurs familles. Moi aussi, quand j’étais jeune, je suis partie avec mes amies après la fin de nos études collégiales.

Au fil des années, malgré mes études de langue française, je suis toujours pleine de remords à propos des erreurs et les gaffes stupides que j’ai faites. Je me rappelle un incident particulier en France, même si cela fait près de trente ans que l’histoire malheureuse est arrivée !

Comme Madame Huston, « Je suis une femme mûre maintenant ». Cependant je me souviens clairement que j’étais embarrassée. Mon mari avait réservé une table pour le déjeuner dans un restaurant très célèbre à Roanne. Nous avions reçu une lettre d’introduction d’un ami commun aux propriétaires du restaurant. Le menu dégustation proposait un choix de cinq plats mais le serveur nous a offert deux plats supplémentaires, un amuse-bouche et un dessert. J’ai un petit appétit et je ne pouvais pas finir chaque plat. Je ne voulais pas être impolie. Tout ce que à quoi je pouvais penser était que j’étais rassassiée et que je n’en voulais plus ! J’ai dit : « J’en ai marre ». Horreur ! Mauvais contexte. Ah, je venais de réaliser ce que j’avais dit, et je voulais disparaître dans un trou. Le maître d’hôtel est resté poli mais plutôt distant. Mon mari est resté inconscient de ma gaffe et il a continué à siroter son vin.

PAR ANN B

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Un jeu sérieux

Comme la plupart des gens en Australie, rejetons de parents australiens, je suis pratiquement monolingue. C’est un fait fâcheux ! Je ne parle qu’anglais. Mais je joue avec le français, un jeu sérieux. Ecrire, en français, un sonnet avec des rimes prescrites, des alexandrins et une chute, un sonnet dans le style d’Arthur Rimbaud mort en 1891, c’est sérieux, non ? Mais pourquoi le faire ? Par plaisir, par défi, par jeu ? Oui, c’est ça ! Pour me connaître, pour me trouver ? Ah, oui ! Les idées pour mon sonnet surgissent : choisis-moi ! choisis-moi ! Je veux revivre. Quel méli-mélo ! Une vraie pagaille, les archives dans ma tête. Soudain, une photo se présente : des femmes à la peau claire sous une cascade. Mais si. Puis, un poème de mon enfance : « the song is gone, the dance is secret… ». (1) Je reconnais mon histoire et l’histoire de mon pays. C’est comme ça. Puis-je récréer, en français, ces échos, ces rythmes qui me hantent ? Ma langue, c’est l’anglais, n’est-ce pas ?

Non, personne ne possède une langue, même pas sa propre langue. La langue appartient à tout le monde. Les écrivains francophiles peuvent arranger bien ou mal les mots français dans des combinaisons originales. Pour ce faire, on peut consulter ces cercueils de mots morts, les dictionnaires avec leurs définitions précises qui ressemblent aux inscriptions sur les pierres tombales d’un cimetière. Utiles, fixes et stériles. Mais quand une écrivaine en sélectionne quelques-uns et crée un texte riche et vivant, elle leur permet de ressusciter, de danser, de prendre une forme unique qu’un lecteur compétent peut réanimer. Un tel lecteur fait du bouche-à-bouche à un texte et un tel écrivain fait du bouche-à-bouche à une langue. Rimbaud est un tel auteur. Son œuvre a nourri des générations de lecteurs et d’écrivains. Il fait partie d’une tradition classique. Par ses poèmes, le français vit.

Même les gens qui ne parlent pas couramment le français peuvent composer un sonnet à l’instar de Rimbaud et ainsi récolter beaucoup de bénéfices. Sur-le-champ ils s’aperçoivent de la pauvreté de leur vocabulaire et du besoin de fouiller pour dénicher des expressions appropriées. Il n’y a pas de solutions faciles : toutes les banalités quotidiennes ont disparu. Votre propre langue vous trompe. Vous commencez à parler… Non, cherchez un autre mot. Votre langue maternelle, habitée par une foule de « faux amis », vous abandonne aussi bien que votre calme, votre aplomb et même votre politesse. C’est déroutant ! Vous perdez votre maîtrise : vous devenez un autre être. Mais en contrepartie vous retrouvez les yeux et les oreilles d’un enfant ; vous voyez différemment. Tout est flambant neuf !

(1) Judith Wright (1915-2000) « Bora Ring » The Bulletin February, 1944.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Sortir de la zone de confort

J’arrive à la frontière française et je laisse ma zone de confort. J’entre dans un monde où je suis l’étrangère. Un monde déstabilisant où je suis voyageuse qui voudrait être du coin. Une femme mûre australienne transformée en femme déboussolée en France. Nord perdu. Je parle suffisamment français ; j’ai des amis en France ; j’ai une connaissance des mœurs françaises et de son mode de vie. Mais, une immersion totale dans cette culture et dans ce pays me fait défaut.

Les Français. Ils parlent si vite. Si couramment ! Même à dix ans ! C’est une chose différente pour les étrangers. On pose des questions mais on ne comprend pas toujours les réponses. La vie quotidienne est un véritable terrain miné ! Gare à vous ! Ne touchez pas aux produits ! N’étalez pas la terrine ! Les Français sont les maîtres des règles. On met les mains sur la table et pas sur les genoux. On doit se souvenir de ne pas trop sourire, de ne pas couper la laitue, de comment découper le fromage. Et les faux-amis ? Quelle horreur ! Ils s’approchent silencieusement et attendent l’occasion pour vous piéger : à quoi pensais-je quand, au supermarché, j’ai répondu à la vieille dame que sa boite de haricots verts était pleine de préservatifs ?

Vous arrivez à la frontière. Vous êtes étranger qui ne parle pas couramment français. C’est à vous de décider si votre état d’esprit est positif ou négatif, fermé ou ouvert. Si la frontière est une barrière ou le début d’un chemin. Ah oui, un seul mot et vous vendez la mèche. De temps en temps, vous parlez en balbutiant, prononcez les mots laborieusement, écorchez la langue et provoquez des éclats de rire. Les autochtones remarquent vos faux-pas et en même temps ils apprécient le fait que vous faites un effort. Peu à peu, en maîtrisant la langue, vous étendrez votre zone de confort. Et vous serez prêt pour le prochain défi – l’écriture inclusive

PAR MAUREEN S

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La vache qui écrit

« Les gens vous disent : Oh ! Lisez plus de romans et les mots vont arriver couramment à votre langue et à votre plume. Non ! C’est mieux de lire des journaux, Le Monde ou La Libération, parce que les sujets couverts sont semblables dans le monde entier. Ce n’est pas ça ! Lisez des contes.

En dépit de tous les avis, mon vocabulaire est maigre, même si les circonstances où j’ai acquis certains mots et phrases restent mémorables. Je me souviens, par exemple, la fois où j’ai rencontré ma première vache espagnole. A la gare d’Austerlitz, le train est parti avec ma sœur et notre déjeuner : une autre sœur et moi et les bagages, nous l’avons raté ; l’employé de la SNCF s’est absous de culpabilité à cause des empreintes de l’animal laitier susmentionné dans mon accent. Après quelques incidents un peu moins sérieux, bien que sérieusement embarrassants, je pense seulement à bien écrire la langue de Voltaire et de Macron. Aspiration olympique.

Tout le monde – rarement le meilleur poteau indicateur à la vérité – sait que si l’on veut bien écrire français, on doit imiter la prose des maîtres. D’accord. La novice doit-elle commencer, peut-être, avec des contes de Maupassant et de Daudet ? On peut épuiser un dictionnaire dans la chasse au vocabulaire nécessaire. Difficile de suivre le fil de l’histoire. Quand on arrive à la fin, des déceptions quelquefois nous attendent. On peut pleurer au dénouement de La chèvre de monsieur Seguin, en dépit du langage riche et imagé. La tragédie ne se trouve pas dans la mort de la petite chèvre, mais dans la morale de la fable. D’accord, la chèvre était heureuse et protégée par le monsieur, mais elle cherche la liberté. Ingrate, stupide, même féministe ! D’après La Fontaine, « en toute chose, il faut considérer la fin ». Ainsi, le liseur, qui veut bien écrire, reconnaît son besoin de lire plus pour amasser le vocabulaire nécessaire pour exprimer les émotions évoquées par la lecture. Une chasse sans fin.

L’amélioration est très proche. Si vous aspirez à écrire bien français, assistez aux cours ded’une notre professeure énormément douée chez qui les aspirants apprennent à écrire et à apprécier les œuvres des uns et des autres.

PAR CARMEL MAGUIRE

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