Madame de Sévigné

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par les lettres de Mme de Sévigné.

Lettre à ma sœur, Anne du lundi 21 juillet, 1975

« Toi, ma chère soeur, tu ne vas pas croire la chose que je suis sur le point de te dire – la chose la plus incroyable, la plus agréable, la plus affligeante, la plus amusante, la plus désobligeante, la plus ravissante, la plus dégradante, la plus excessive, la plus naturelle, la plus anormale, la plus imprévisible, la plus certaine, la plus exceptionnelle, la plus ordinaire, la plus honteuse, la plus séduisante, la plus sensuelle, la plus provocante, la plus délicieuse, la plus digne d’envie : enfin une chose qu’on trouvera seulement dans les récits érotiques par Anaîs Nin ! Mais je suis sûre que tu ne devineras jamais ce que je sais, ce que je désire te dire. Maman dira : Je crois que c’est très facile de deviner. Tu m’écoutes bien, Anne. Ta soeur a toujours eu une imagination fertile. Sans aucun doute, elle s’est fait son cinéma à propos de sa vie en France pour nous divertir – sa famille philistine, ici en Australie ! – Ah, maman, tu diras. C’est toi maintenant, qui racontes des histoires. – Pas du tout, Anne. Ecoute-moi! Ta soeur croit que nous avons des manières provinciales. Tu n’as pas idée ! – Mais maman, tu n’es pas juste !

Et alors Anne, ma soeur bien-aimée, il faut donc t’expliquer, et je n’embellirai pas les faits. Je te le promets : hier soir, Camille, la maîtresse de maison, est venue dans ma petite chambre et elle m’a dit qu’elle me donnait l’autorisation, avec sa bénédiction, de faire l’amour avec son mari, Vincent. Mais alors, ce n’était pas tout ! Ensuite, Camille m’a proposé d’échanger de lit immédiatement : moi le sien, elle le mien. J’étais en état de choc. Je suis restée coite. Mais je sais tenir ma langue.

Grosses bises

PAR ROSLYN McFARLAND

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Lettre à Laetitia et Clothilde de Mézières de mardi 4 octobre 2016

Coucou Laetitia, Coucou Clothilde,

Je meurs d’envie de vous dire une chose absolument extraordinaire, une des plus piquantes, palpitantes, perturbantes, époustouflantes, épouvantables, une chose inouïe, rare et inattendue, une chose sensationnelle et la plus digne de prudence : enfin une chose unique dont on n’a jamais entendu parler dans la région ; une chose qui provoque des histoires, qui met fin à ma tranquillité et qui est en train d’être finalisée alors que je vous écris. Quelle est cette chose ? Devinez un peu ! Essayez ! Vous donnez votre langue au chat ? Eh bien ! Je vous la révèlerai. Vous êtes assises ? Avec un gin tonic ? Après avoir été possédé par la même famille pendant plus de trois cents ans, le domaine familial de la propriétaire actuelle, mon amie, ma bonne voisine, Marie de Rosnay, l’ex-femme de Monsieur, le comte, a été vendu, en bloc ! – A qui ? me demandez-vous. Donnez-moi un nom, mes sœurs. – Le percepteur ? – Oh Laetitia ! Tu es méchante ! – Son ex-mari ? – Lequel, Clothilde ? Réfléchis ! – Un Anglais ? Comme partout ! – Non, vous n’y êtes pas ! Il faut donc vous le dire : accablée par tous les problèmes d’entretien, de succession, de taxation, (et de vieillesse – chut !), la comtesse a vendu son domaine – le château, le manoir, l’avenue d’ifs âgés de 150 ans, les dépendances, les champs de fleurs – le tout à un homme, un entrepreneur très riche, un étranger bien connu, un type ambitieux qui convoite un joli petit château français ! Vous ne devinez pas qui ?! Je vais vous donner un ultime indice. C’est un Américain, vieillissant, un coureur de jupons aux mèches blondes… Si vous ne le croyez pas, si vous refusez de l’accepter, si vous dites que je mens, que je suis dérangée, que j’ai la berlue ; si enfin vous dites que je raconte une histoire à dormir debout : je proclamerai que vous avez raison : j’en ferais de même. Au revoir, mes sœurs. Voilà pour vous de beaux ragots !

Mille millions de mille bisous,

Alice

Mon bonne amie, ma voisine, Marie de Rosnay, l’ex-femme de Monsieur, le comte, a vendu, en bloc, le domaine familial, propriété de la famille de son ex-mari pendant plus de trois cents ans !

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Lettre à un professeur de piano au Conservatoire de Sydney

28 février 1980

Je viens d’entendre une histoire si étonnante, si extraordinaire, si incroyable, si imprévue, si étourdissante, si bouleversante et si choquante que je dois vous la répéter ; enfin une chose que personne ne ferait ; une chose qui laisse sans voix ; une chose inimaginable qui fait réfléchir sur la nature humaine encore et toujours ; une chose que seules les personnes extraordinaires peuvent faire ; une chose du domaine des dieux qui font tout ce qu’ils veulent.

Vous ne devinerez jamais qui est cette personne et ce qu’elle a fait. Mme… d’abord protégée par un célèbre professeur de piano au Conservatoire de Paris et qui est devenue son épouse. Mme … une pianiste à la technique superbe, reconnue à travers le monde comme la meilleure interprète des œuvres d’Erik Satie ; Mme… sollicitée par les nombreuses salles de concert en Europe. Mme P… aux longs cheveux blonds flottants. Non ? Je vous le donne en trois. Donnez-vous votre langue au chat ? Eh bien, donc je vous le dis : c’est Mme Eloïse Poussin qui a fait une chose étonnante.

Alors je vous le donne en mille. Entendu à la salle de concert à Versailles par mon ami Pierre Dupont : « elle jouait avec brio, comme jamais auparavant. – Un peu trop. – Mais elle n’a pas joué de bis et a quitté la scène précipitamment. – Un calendrier chargé ? Elle ne se sentait pas bien ? Sa robe trop serrée ? Le piano à queue pas à son goût? »

Vous n’y êtes pas. Elle a quitté la scène pour un rendez-vous avec l’Ambassadeur d’Uruguay, son nouvel amant, qui l’attendait dans sa loge et qu’elle allait présenter à son mari !

Voilà. Si vous pensez que je l’imagine, que je délire, que je vous trompe, que je me moque de vous, excusez-moi, mais les rumeurs vont bon train. Donc j’ai décidé de les partager avec vous. Sans doute vous l’entendrez des autres, peut-être d’autres versions, et vous saurez à coup sûr que je dis la vérité. Vraiment cette histoire scandaleusement séduisante m’a laissé sans souffle.

PAR MARGARITA

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Lettre aux vieilles biques de Clovelly, 7 octobre 2016

Très chères amies,

Avez-vous entendu les nouvelles, les plus étonnantes, les plus surprenantes, les plus éclatantes possibles ? Aussi miraculeuses que le retour de notre jeunesse ; plus incroyables que les images de l’univers vues du télescope spatial Hubble ? Plus intéressantes que tout le cinéma des Kardashians ou même de la royauté ? Plus émouvantes que les exécutions par la guillotine des arbres centenaires à Anzac Parade ?

La terre continue de tourner sur son orbite : les planètes se mettent en ligne, l’Univers s’étend sans limite. Mais en même temps, le monde entier a changé.

Il vous faut en deviner la cause !
Je vous entends ! « La mairie nous a probablement interdit de porter le burkini à la plage, dit Marie qui reste toujours dans les limites de la normalité. Non, non, répond Anne, l’artiste, le plus beau et le plus bleu des mérous s’est transformé en prince ».

La vérité est toutefois plus ou moins rare et bien plus importante !
Maintenant, aujourd’hui, au commencement de l’été, le café du kiosque est buvable !

PAR CARMEL MAGUIRE

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Lettre à mon amie Jo, samedi 1 octobre 2016

Je vais te révéler la chose la plus passionnante, la plus imprévue, la plus extraordinaire, la plus audacieuse, la plus dramatique, la plus frivole, la plus exceptionnelle, la plus irresponsable, la plus courageuse, la plus significative, la plus enviable, la plus téméraire, la plus aventureuse, la plus invraisemblable, la plus libératrice : bref, une chose que je n’ai jamais rêvé entreprendre, une chose qui va me bouleverser, une chose qui va étonner toute notre famille, une chose qu’il faut faire avant de devenir vieux et avant de changer d’avis.

Est-ce que tu veux que je te le dise ? Peut-être devrais-je te le dire ? Tu ne devineras jamais ce dont je parle, mais essaie de faire de ton mieux ! C’est si abracadabrant que tu ne devineras jamais ! Prends ton temps mais pas trop de temps ! Je parle de quoi ? Est-ce que tu donnes ta langue au chat ?

Je vais te le dire, c’est trop impitoyable de te taquiner, c’est trop injuste de t’embêter. Est-ce que tu penses que nous allons divorcer ? Pas du tout, il est hors de question ! Je veux te le dire : nous avons décidé de faire nos valises et de partir pour la France. En plus, nous allons y rester pour toujours ! Est-ce que je peux t’entendre te demander pourquoi et où nous allons habiter ? Je te le donne en trois.

« Tu as choisi Paris ? tu me demandes.
– Pas du tout, bien qu’habiter à Paris serait merveilleux.
– Ca doit être Bordeaux, dans la région du vin, tu adores le vin rouge et tu y as passé du temps récemment !
– Tu as tort ! C’est trop loin de Paris !
– Ca doit être dans le sud, Avignon, la vie culturelle est vive et le temps est vraiment agréable.
– Tu n’y es pas.
– Oh, j’en ai marre de ce jeu !

Je suis folle de joie de te dire que nous allons habiter à Lyon où nous avons passé un séjour splendide il y a dix ans. C’est un endroit parfait pour rendre visite à d’anciens amis. N’est-ce pas, Jo ?

PAR KAREN BRYANT

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De Ursula de Sydney à son amie Penny à Molong …

Je m’en vais te dire la chose la plus bizarre, la plus banale, la plus cruelle, la plus touchante, la plus contradictoire, la plus logique, la plus cachée, la plus évidente : enfin une chose qu’on ne peut trouver que dans notre époque lamentable et dans notre ville sans cœur. Une chose qui s’est passée hier ; qui s’est passée avant-hier ; qui se passera (on y croit – pourquoi pas ?) demain et après-demain et le surlendemain : en bref, une chose qui continuera jusqu’à la mort de l’une des personnalités concernées. (Je me doute de qui va mourir le premier …)

Qui était trouvé devant la porte de l’ancienne femme de ménage de notre Premier ministre ? Oui, exactement, sur le seuil de la porte d’une femme, comme tout le monde le sait bien, qui était très proche de la famille du Premier ministre avant sa mystérieuse chute de grâce ; une femme, on est tous d’accord, n’est-ce pas ? singulièrement belle et singulièrement chic ; si chic, il faut l’admettre, que c’est difficile de l’imaginer avec les mains dans l’évier en train de faire la vaisselle. Mais pardon, je digresse.

Alors, qui était là, à la porte de cette femme intéressante, pendant des heures, en pleurant presque sans cesse ? Des heures, je t’assure ! Qu’est-ce que tu dis ? Que je dois avoir la berlue ? Je te jure, je l’ai vu de mes propres yeux.

Qui était là ? Je te le donne en trois. Mais je n’entends aucune réponse. Parle plus fort, je t’en prie – le bruit de la circulation est terrible chez moi. Je te le donne en quatre, alors, en cinq. Ah, enfin. – Son mari, son compagnon ? – Elle est célibataire, voyons ! – Sa mère âgée, qui a perdu la clé ? – Non, vraiment, tu ne te rappelles pas qu’elle est devenue récemment orpheline ? – Le Premier ministre lui-même ? Quelle pensée scandaleuse, Madame, je suis choquée.

Plus d’indices ? Je peux te dire que c’est quelqu’un qui est très attaché, très collant, très ardent, très fervent, très constant et très fidèle à une certaine personne. Tu donnes ta langue au chat ?

C’est le…la…le…la… le…la… le Labrador de compagnie du Premier ministre !

Il faut se demander, exactement qui se trouve derrière la porte ? Ah, tu seras obligée de contrôler ta curiosité jusqu’à la lettre prochaine !

PAR URSULA

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