Marcel Aymé

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Le passe-muraille' de Marcel Aymé

M. Dutilleul et son pouvoir extraordinaire

Un samedi, profitant de la semaine anglaise, M. Dutilleul se trouva dans le sixième arrondissement à la recherche d’un petit magasin qui vendait des timbres d’intérêts spéciaux. Marchant le long de la rue Vaneau, il passa devant une grande maison derrière une très grande muraille. Au-dessus, il vit un chat, un grand chat noir qui lui sourit comme le chat du Cheshire dans Alice au pays des merveilles. M. Dutilleul était particulièrement friand de chats et il lui retourna le sourire, mais le chat descendit de la muraille et disparut. Sans réfléchir, passant à travers la muraille, M. Dutilleul se trouva dans un jardin privé. C’était un autre monde par rapport à Montmartre, plein de grands arbres, de jolies fleurs aux parfums doux, les oiseaux chantant. 

M. Dutilleul appela doucement le chat mais il ne pouvait pas le voir. Soudain une fenêtre au deuxième étage de la maison s’ouvrit et une femme laide apparut, habillée de chiffons et d’un grand chapeau pointu. Sa voix rauque demanda à M. Dutilleul ce qu’il faisait dans son jardin. Très perturbé, M. Dutilleul enleva son chapeau melon, balbutia et expliqua son pouvoir insolite, le durcissement hélicoïdal de la paroi strangulaire du corps thyroïde, le médicament prescrit de poudre de pirette tétravalente, mélange de farine de riz et d’hormone de centaure, dont il négligea de prendre la deuxième dose. La femme gloussa qu’elle savait déjà tout ça mais elle demanda encore une fois ce qu’il faisait dans son jardin. Peut-être eût-il planifié un cambriolage. Choqué, M. Dutilleul nia avoir commis un crime, mais la femme caquetant, menaça de le livrer à la police s’il ne faisait pas ce qu’elle voulait. 

Le chat réapparut en haut d’un arbre, toujours en souriant. Mort de peur, M. Dutilleul accepta de faire tout ce qu’elle demandait. Grâce à son pouvoir de passer à travers les murailles, et en utilisant les connaissances surnaturelles de la vieille dame, ils formèrent une équipe hors la loi invincible. Ainsi commença la vie criminelle de M. Dutilleul, sous la direction de la sorcière de la rue Vaneau.

PAR ANGELA LOW

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Un héros malgré lui

Après l’occupation allemande, le 14 juin 1940, la vie de Dutilleul continuait sans tremblement de terre. L’année précédente, à la demande de l’armée française, il s’était présenté devant un médecin qui l’avait jugé ‘inapte au service militaire’. Il se vexa pendant un bref moment quand le jeune médecin ajouta, ‘totalement’, devant le mot ‘inapte’ sur le document officiel. Dutilleul était toujours un homme solitaire qui ne laissait pas infiltrer dans sa conscience les perturbations de l’imagination. En route chaque jour de son appartement à Montmartre vers le bureau du ministre de l’Enregistrement dans le 15e, il détournait les yeux de ce qui pouvait être désagréable, par exemple, les posters affichés par les envahisseurs. En effet, il sourit presque à l’autobus, en appréciant l’ironie, sous l’affiche qui assurait : ‘Faites confiance au soldat allemand’. En général, la vie continuait ; les courses hippiques avaient lieu à Longchamp, l’élite culturelle dans sa grande majorité, fréquentait les cabarets et les bars. L’occupation, préparée méticuleusement pendant dix ans, n’admettait rien de fortuit. La vie quotidienne, bon an mal an, continuait. Dutilleul, comme d'habitude, évitait le Métro et ses voisins, pour rester invisible et n’être remarqué de personne. Tout cela jusqu’au 16 juillet 1942.

Peut-être eût-il écouté plus soigneusement les ordres de la police, qu’il considérait comme des fonctionnaires illégitimes ou encore peut-être eût-il jugé le temps trop orageux pour une promenade, si un évènement extraordinaire n’était venu soudain éclaircir son existence.
Le jeudi 16 juillet, à 08h30 en route vers son bureau, Dutilleul, tentant de passer à côté du Vélodrome d’Hiver, rencontra une foule de gens de tous âges, pourchassés par un grand nombre de policiers. Une femme s’arrêta à côté de lui et lâcha un juron. À ce moment, une petite fille aperçut la police et bondit de la colonne des prisonniers dans les bras ahuris de Dutilleul, et sa voisine lui cria immédiatement d’une voix forte, ‘Fais attention, grand-père. C’est ta petite fille, soigne-la’. Ainsi commença la grande aventure de sa vie où Sandrine, sa voisine, assurait que le bouleversement de son existence était permanent. Avant la fin de la journée, Dutilleul avait fait la connaissance des officiers du Comité d’action militaire, c’est-à-dire, de la Résistance, mais aussi il avait appris son nouveau rôle pour s’occuper d’une fillette de quatre ans.

Au ministère de l’Enregistrement durant le régime de Vichy, suivant des ordres obtenus, Dutilleul produisait beaucoup de cartes d’identité de citoyens qui n’existaient pas, ni en France ni dans d’autre pays. Sandrine le nomma son Don Quichotte. Son expertise en timbres lui permettait de discerner toute fausse ligne à la gravure. Même plus importante, l’authenticité de ces documents était garantie au niveau le plus haut grâce à l’accès de Dutilleul aux documents dans tous les immeubles occupés par les Allemands. En cas de mésaventure, quel officier du Reich pourrait dire qu’il avait vu un passe-muraille ?

PAR CARMEL MAGUIRE

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L’erreur de Dutilleul

En sortant un matin de son appartement, verrouillant la porte, Dutilleul sentit soudain la même sensation inhabituelle, celle d'un courant électrique passant à travers son corps. Il tomba au sol qui, tapissé d'un motif croisé marron et noir, lui permit d'atterrir doucement et tranquillement sans déranger ses voisins. Il laissa tomber sa mallette, la clé glissa de sa main et le chapeau melon roula vers l'appartement n°44 d’à côté. Il se leva avec difficulté, ramassa les papiers éparpillés de sa mallette et la clé, tout sauf le chapeau melon qui se trouvait à un pas ou deux. Il se leva pour le récupérer. Tout à coup il vit la silhouette de son voisin sortir de son appartement en passant à travers la muraille.

Dutilleul connaissait vaguement son voisin, qui s’appelait Clavel, mais cette personne n’était pas Clavel.
Clavel était un homme grand et mince qui portait toujours un béret et une canne. Mais cette personne était plus petite, légèrement corpulente, il portait des vêtements plus foncés, un binocle, une petite barbiche noire et, oui, le chapeau melon. Après avoir terminé son transit, il sourit à Dutilleul. Dutilleul

était abasourdi, il se voyait, non, pas lui-même, mais une copie de lui-même. Il avait lu dans le journal un article sur le clonage d'êtres vivants, que des salamandres jumelles avaient été créées en divisant un embryon en deux embryons viables et distincts… Mais dans son cas, c’était impossible, impossible, car il était maintenant loin du stade embryonnaire, étant dans sa quarante-troisième année.
Pris de panique, s’éloignant de « Clavel », il tomba à travers la muraille de son propre appartement. Des pensées, des conjectures couraient dans son esprit, quant à ce qui était arrivé à son voisin, ce clone, peut-être eût-il tué Clavel, et était-ce ce courant électrique qui avait causé cette horreur ? Y aurait-il d’autres clones ? Et que se passerait-il au travail, "Clavel", Clonel, peut-être lui prendrait-il la place ?
Il avait un sentiment angoissant parce qu’il n’avait pas absorbé le second cachet de poudres prescrites et d’hormone de centaure. Il était assis sur la chaise, immobile et pétrifié, attendant de voir "Clavel" passer à travers la muraille et...

PAR MARGARITA

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Le Pare-feu

Un jour, un incident inattendu bouleversa la vie de Dutilleul.
C'était le début de la belle saison et Dutilleul profitait du temps magnifique, faisant le trajet de son bureau jusque chez lui à pied, jouissant de l'odeur des fleurs et la chaleur du soleil, le silence seulement interrompu par les chansons des oiseaux.
Tout d'un coup, le son de sirènes d'incendie, dans la direction de la rue d'Orchampt où il habitait, le fit sursauter et alors qu'il arrivait dans sa rue, le bruit devint de plus en plus insupportable. Il se trouva face aux flammes qui sortaient furieusement de la maison no 2, au début de la rue.

Étant une créature d'habitude, il fut dépité de constater que sa routine était perturbée et d'abord il tenta de continuer son trajet, mais il s'arrêta pour observer la scène, les flammes ressemblant à un dragon qui soufflait. Il y avait beaucoup de pompiers qui avaient mis des barricades autour de la maison et Il vit une dame qui pleurait, tremblant de façon incontrôlable, indiquant la deuxième porte sur le côté de la maison où sa fille dormait.

Il remarqua que les flammes avaient englouti la plus grande partie de la maison mais elles n'avaient pas encore atteint la chambre.
Soudain, quelque chose d'inexplicable l'envahit, et une voix intérieure lui dit qu’il était temps de sortir de sa zone de confort et que c'était le moment juste d'utiliser son don de passe-muraille, que jusqu'à présent il avait choisi d’ignorer.
Sachant qu'il devait agir vite, passant outre les cris des pompiers, il poussa la barricade et il s’approcha du côté de la maison. Il faisait atrocement chaud et l'odeur était accablante mais il persévéra.
En arrivant à la seconde porte, il traversa le mur, arracha la petite fille de son lit et la ramena en sécurité. Ce jour-là bouleversa sa vie.

À partir de ce moment, il devint un héros, sa photo était à la une de tous les journaux et même la presse attendait devant sa maison pour obtenir des interviews. Ses employeurs le regardèrent avec une nouvelle révérence et il obtint le code numéro 2 qui lui permettait d'utiliser les toilettes des patrons au lieu de faire le trajet jusqu’aux toilettes extérieures, attribuées aux inférieurs. Étant donné qu'il avait un problème de prostate qui l'obligeait à uriner au moins 10 fois par jour, c'était une excellente consolation. Néanmoins, cette nouvelle vie de célébrité ne lui plaisait pas et il avait envie de retourner à sa vie anonyme.

PAR AMANDA

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Vers une vie moins ordinaire 

Vendredi, 30 octobre à 18 heures, Dutilleul rentra chez lui en autobus, descendit à l’arrêt devant la pâtisserie, monta les escaliers de son immeuble juste en face et, comme d’habitude, entra dans son vestibule par la porte. En entrant dans le salon, il était étonné d’y trouver un parfait inconnu assis confortablement, comme si c'était son droit, dans le fauteuil près de la fenêtre. Cet homme portait un costume gris foncé, une cravate rouge et un chapeau melon. Il se présenta sous le nom de X et invita Dutilleul à s'asseoir. Bêtement, Dutilleul s'exécuta et ainsi, par ce simple geste, céda son autorité de propriétaire de son petit appartement à celle d'un intrus indésirable.

Ensuite, X expliqua, d’une manière assez professionnelle et bureaucratique, son rôle en tant qu’examinateur du niveau de compétence pour aspirants, membres de la prestigieuse « Société des passants à travers les murs » (SPTM). D'un ton quelque peu désapprobateur, X exprima son inquiétude face à l'échec de Dutilleul de mettre en pratique les compétences que la société lui avait conférées.

En choisissant d'écouter cet intrus impertinent, Dutilleul se laissa entraîner dans les récits sur les exploits héroïques et audacieux de membres célèbres de cette société : Moreau qui livra une pilule suicide à un prisonnier politique en attente de torture ; Joubert, qui prit aux riches pour donner aux pauvres ; et Aubert, qui vola un Degas au Jeu de Paume. Rapidement, Dutilleul tomba dans le piège de s'imaginer en train de réaliser des exploits similaires. Il écouta l’énumération des trois spécialités parmi lesquelles il pourrait choisir pour remplir les conditions d’adhésion requises avant la date limite.

L'activisme politique exigerait de l'audace, du risque et de la bravoure et il faudrait beaucoup de temps pour réaliser 3 exemples distincts de ses réalisations dans ce domaine. La quête de justice sociale, même au niveau individuel, est également apparue comme une spécialité avec peu de perspectives de succès à court terme. Dutilleul décida de dépasser ses principes et d’utiliser son don pour poursuivre son intérêt personnel. Cela lui donnerait les plus grandes chances de succès.

PAR MAUREEN S

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Henri et Véronique

Le premier mai 1942 allait être l’un des plus beaux jours de la vie de Henri Dutilleul. Quand il arriva à son bureau au ministère de l’Enregistrement, son supérieur lui demanda de venir le voir immédiatement. Henri était anxieux mais plein d’espoir, il était un travailleur assidu, jamais absent et rarement malade. Le supérieur lui remit une lettre. Henri marmonna ses remerciements et partit. Ayant retenu son souffle pendant au moins une minute, il ouvrit l’enveloppe : il avait reçu une promotion en deuxième classe. Il était fou de joie. Maintenant il pourrait quitter son bureau sombre avec une machine à écrire partagée et plein de courants d’air. Désormais son bureau serait au premier étage avec des grandes fenêtres et il aurait une vue sur la ville. Lorsqu’il arriva dans son nouveau bureau, en déballant sa serviette, il découvrit que, outre sa propre machine à écrire, il avait sa propre secrétaire. Ses nouveaux collègues semblaient aimables et accueillants. Il ressentit une connexion immédiate avec une jeune femme, Madame Véronique Bardin.

Ce jour-là, le Directeur du ministère tint une réunion avec tous les employés. Cette réunion bouleverserait l’existence d’Henri. 
Le Directeur cherchait des volontaires pour apprendre une langue étrangère. Henri et Véronique s’inscrivirent dans le même cours d’allemand, qui avait lieu après leur journée de travail à 18 heures. Il n’avait jamais eu d’amie, les femmes le rendaient nerveux, mais Véronique était différente.
Elle était mariée et son mari était voyageur de commerce. De plus, elle habitait elle aussi près de la rue d’Orchampt à Montmartre.

Au départ, ils partagèrent le voyage de retour après les cours. Puis ils commencèrent à s’arrêter pour prendre un café ou un verre dans un bar. Le baiser amical sur les joues devint vite une étreinte passionnée. Un soir, elle invita Henri à passer la nuit chez elle. Sûr de son amour pour elle, il lui confia son secret. Quand il lui montra sa capacité à passer à travers les murailles, elle pensa que c’était magique comme une version de cache-cache. Il prit soin d’utiliser son don unique quand le mari de Véronique arrivait soudain à Paris. Maintenant il était au paradis sans penser à l’avenir.

PAR ANN B

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