Marcel Pagnol

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'La château de ma mère' de Marcel Pagnol.

Les Cerises de Céret

Estelle et moi, nous décidâmes de marcher à pied de Céret à La Preste pour explorer quelques petits villages médiévaux nichés sur les collines des Pyrénées. Après notre promenade par monts et par vaux pendant des heures, nous étions à bout : c’était le moment de nous reposer et de nous rafraîchir.

Nous étions en juin, il faisait beau – chaud en plein soleil mais plutôt frais sous les arbres des vergers et des forêts. « Regarde cette clairière de l’autre côté de la cerisaie ! Nous pouvons nous étendre à l’ombre des cerisiers et en même temps grignoter quelques cerises mûres, bien rondes et pleines de saveur. Personne ne peut nous apercevoir à cette distance de la ferme. » Donc, nous ramassâmes des cerises dans nos chapeaux. Estelle drapa des poignées de fruits rouges sur ses oreilles et le jus lui dégoulina le long du menton. Quel spectacle ! Nous nous sentîmes comme des gosses et bien sûr, nous éclatâmes de rire.

Tout d’un coup nous entendîmes quelques cris, des sifflements et enfin une meute de chiens surgit de la forêt, suivi d’un homme un peu particulier. Un chasseur ou un fermier, nous ne savions pas. Notre culpabilité était claire et nette avec l’évidence de nos actes exhibée sur nos visages et nos mains. Attrapées en flagrant délit après avoir dérobé les fruits du labeur d’un agriculteur ! Imaginez-vous notre honte ! « Il faut que nous fassions quelque chose » Estelle chuchota à mon oreille.

Cependant, ce monsieur ne se comportait pas du tout comme un propriétaire traditionnel. Mais il ne manquait pas d’allure. Malgré sa tenue correcte de garde forestier – il portait une casquette de chasseur de cerfs et un veston complet en laine, il ne s’approcha pas de nous d’une manière menaçante. Au-dessus de sa barbe grise, bien taillée, des yeux étincelants, et un sourire aimable qui nous salua avec chaleur. « Ne vous en faites pas ! Je suis chercheur au CRNS et ce sont des biens communs. » Notre première impression était erronée. Soulagées donc, nous invitâmes ce type bien à nous rejoindre sur l’herbe afin qu’il puisse partager le pique-nique de notre pause de midi : pain, fromage, saucisson, eau fraîche du ruisseau – et bien sûr, les cerises que nous avions déjà cueillies.

PAR ROSE CHENEY

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La compagnie d’assurance

Une femme apprend à conduire. Après avoir pris quelques leçons d’une auto-école à Sydney, elle veut pratiquer les techniques dans le calme relatif de la campagne avant de passer l’examen de conduite. Pour cela, un dimanche, elle prend le train à destination du petit village où habite son amie. Elles ont l’intention de parcourir les ruelles de la campagne et de faire un pique-nique quelque part. D’abord, elles s’arrêtent à la boulangerie, derrière quelques grosses motos stationnées d’affilé au bord du trottoir, pour acheter des sandwichs. Maintenant, c’est le tour de la débutante au volant. Alors, en route !

Sentant un soulagement d’être hors de la circulation de Sydney, elle mit la voiture en marche avant.
Mais… en démarrant doucement du bord du trottoir, son véhicule accrocha la première moto de la rangée. L’une après l’autre, elles tombèrent comme des dominos – au ralenti. Figée, les mains agrippant le volant et la bouche bée, mon amie regarda la scène devant nous. Tout à coup, nous entendîmes une voix tonitruante : « Hé, bon sang, qu’est-ce que vous faites ! »

Nous vîmes un homme se détacher d’un groupe rassemblé sur le trottoir. Il vint vers nous à toute vitesse. Vêtu de cuir noir, comme tous les autres du groupe, c’était un homme musclé : les épaules larges et un cou si court qu’il ressemblait à un joueur de rugby. Il avait les cheveux en queue de cheval et il y avait un tatouage qui couvrait la moitié de son visage. Ce brute s’arrêta à la portière, côté conducteur, manifestement très en colère. Mon amie baissa la vitre avec une main mais l’autre resta serrée sur le volant et les yeux restèrent fixés droit devant elle sur l’horreur du tas de motos endommagées. Mon amie était visiblement bouleversée, voire en état de choc, tandis que la voix, forte et furieuse, de l’homme continuait à crier.

Soudain, de nulle part, comme dans un rêve, apparut une jeune femme. Bien coiffée, vêtue d’un tailleur rouge, un chemisier blanc, et les chaussures à talon hauts, elle portait un porte-bloc dans les mains. Elle nous dit, en souriant : « Heureusement que vous êtes assurées chez AAMI ! »

PAR CM

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L’Ami des chiens

Chaque année la famille Gilbert loue une petite maison charmante avec une vue imprenable, au bord de l’océan Pacifique. Leurs séjours dans ce coin tranquille sont toujours calmes et revitalisants. Cette fois, le cher chiot, Max, accompagne la famille, bien que les chiens soient interdits dans ce logement qui appartient à un couple bobo de Sydney. Le gardien, qui est menuisier, habite dans un village proche.

Nous arrivâmes au bord de la mer à midi après un voyage confortable et détendu. Nous déchargeâmes la voiture volontairement, mon père ouvrit toutes les fenêtres pour aérer la maison qui avait été vide pendant des mois. Mes parents défirent les bagages, rangèrent nos provisions et mon frère et moi, nous installâmes dans notre chambre partagée. Le chiot explora la maison en s’arrêtant de temps en temps pour renifler et sentir l’air frais et salé. Ennuyés de nos tâches banales, nous commençâmes à le pourchasser en criant et en riant. Max essayait de nous échapper mais notre jeu fut interrompu par un coup de sonnette et le son de quelqu’un qui toquait à la porte. Nous nous figeâmes comme des joueurs de chaises musicales. Le chiot continuait à aboyer et mon père, assez effrayé, fit signe aux enfants de l’emmener sur la terrasse. Par une fenêtre, mes parents virent la camionnette d’« André Dubois Menuisier de proximité » sur la voie.

En ouvrant la porte, mes parents découvrirent un homme mal rasé, déchevelé, habillé d’une salopette, qui battait la semelle. Son visage caché par un chapeau de paille décoloré, il s’arrêta de faire les cent pas, d’un air menaçant se tourna vers mes parents et vint parler sous le nez de mon père. Comme le chiot continuait à aboyer plus fort qu’avant, mes parents s’attendirent à être mis en cause par cet homme qui avait l’air peu amical. Cependant, des mots chaleureux tombèrent de sa bouche : « Soyez les bienvenus dans notre hameau ! dit-il. Je suis le gardien de la maison depuis six mois, je suis venu pour vous accueillir et pour vous donner mon numéro portable, en cas d’urgence ».

Il expliqua qu’il travaillait ce jour-là dans le voisinage et qu’il décida de passer par la maison. Il eut sans aucun doute entendu le bruit distinctement audible de tout le monde. Inopinément, il regarda vers sa camionnette et il cria « Brutus ! Où es-tu ? » Tout d’un coup, la tête énorme d’un chien apparut à la vitre. « Bon chien ! dit-il, il faut rentrer chez nous ! » Il dit au revoir à mes parents, retourna à la camionnette et partit rapidement. Soulagés, mes parents revinrent à l’intérieur où ils s’assirent dans des fauteuils dans le salon et éclatèrent de rire. Subitement le chiot entra et sauta sur les genoux de ma mère. Nous suivîmes le chiot et trouvâmes nos parents dans un état perplexe, reconnaissants que le gardien soit en réalité un ami des chiens.

PAR KAREN BRYANT

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Quand nous étions ados

Un après-midi d’été, pendant les vacances, deux copines font de la bicyclette le long d’un chemin désert à la campagne. En passant devant une voiture de sport abandonnée, une MG rouge, elles s’arrêtent pour la regarder de près.

Sur le siège avant, nous découvrîmes un casque, des gants et des lunettes de protection et, comme il n’y avait personne dans les parages, nous les empruntâmes, juste pour un bref moment, pour nous photographier devant cette belle voiture sportive. Suzanne s’adossa à la voiture d’un air séduisant. Ensuite, elle s’assit sur le capot, le bras étendu langoureusement le long du pare-brise. Elle était en train de s’installer à la place de conducteur quand nous entendîmes des hurlements féroces.

Un homme énorme fonçait sur nous, les bras tournant comme un moulin, un moulin au cœur d’un tourbillon. Impossible de nous enfuir à toutes jambes car nous avions laissé nos bicyclettes au bord du chemin à côté de Monsieur Moulin, le furieux qui s’approchait de nous aux pas de course. Soudain, il s’arrêta net, en dérapant devant la voiture, les yeux exorbités. En un clin d’œil, Suzanne évalua la situation : à l’âge de16 ans, elle manipulait parfaitement les armes de la séduction. En bombant, presque imperceptiblement, la poitrine, et en faisant onduler les boucles blondes d’un mouvement brusque de tête, elle sourit d’un air mignon au moulin hyperactif. « Bonjour Monsieur ! Quelle belle journée ! Et quelle voiture magnifique ! C’est à vous ? » ronronna-t-elle, les fossettes jouant à cache-cache au coin de ses lèvres.

L’effet fut électrisant. Sous nos yeux, Monsieur Moulin, cet homme d’une cinquantaine d’années, en costume de tweed et à bonne mine, se métamorphosa en gentilhomme agréable au sourire séduisant. « Je suis enchanté, mes jeunes demoiselles, que ma voiture vous plaise. Souhaiteriez-vous prendre plus de photos ? Je peux vous prendre en photo toutes les deux, si vous voulez… devant votre voiture. » Pendant un court instant, nous étions médusées, ensuite, subitement, nous nous esclaffâmes, tous les trois; et nous finîmes par prendre nombre de photos – de lui, de nous et de notre voiture. C’était hilarant. Il était incroyablement chic : « Il est bien dommage que je ne puisse vous raccompagner au village en voiture. Vous avez vos bicyclettes, malheureusement. » Nous le regrettions aussi. Ces fichues bicyclettes. Nous n’entrerions pas en grande pompe dans le village. Quel dommage ! Nous devions nous contenter de nos photos. La seule preuve de notre rencontre avec Monsieur Moulin et la MG rouge abandonnée.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Une cabane en bois

Nous venions de construire une cabane en bois en haut d’un arbre dans mon jardin. C’était un travail écologique, afin de minimiser l’impact sur l’environnement, une habitation suspendue dans un arbre, faite de nos propres mains. Avec l’aide de quatre amis, Woody, charpentier, son frère Gabriel, mon frère Léo et moi ; mon rêve d’enfant était réalisé.

Il y avait un seul hic : la nécessité d’un permis de construire. Nous échappâmes aux procédures, en passant outre les lois grâce à l’accord du maire, qui était passionné des principes écologiques et dont Woody avait fait la connaissance.

Nous nous y installâmes, émerveillés par notre nid et la symbiose avec la nature, imbibant les saveurs des parfums de la flore, une oasis parmi les oiseaux et l’orchestre des sons de la nature. Tout d’un coup, une barbe longue et pointue apparut à la clôture au fond du jardin, appartenant au visage du voisin, Monsieur Sauvage. Suivies de ses bras longs et velus, les ailes d’un aigle chasseur cherchaient sa proie. Il sauta par-dessus la clôture, il avança vers notre havre, il arracha une branche de l’arbre, l’agitant comme un gourdin.

« Qu’est-ce -que vous faites là ? » Sa voix grinçante perçait à travers notre jardin de paix, une brusque interruption à nos célébrations. Nous étions tous assis à la petite table perchée sur le plateau octogonale, suspendu en haut de l’arbre. « Vous devez démonter cette habitation affreuse et vous devez payer une amende ! » hurla-t-il, se mettant en position d’attaque, brandissant son glaive noir.

Gabriel, terrorisé, toujours craignant les implications légales, descendit de l’arbre comme un singe. Il fuit, prenant ses jambes à son cou. Mon frère se cacha derrière moi. Woody et moi, nous restâmes assis à la table, devant notre havre précieux, sans dire un mot.
Nous savions qu’il valait mieux que nous restassions calmes. Nous avions le privilège de la puissance du silence.

PAR AMANDA

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Les Belles et la Bête

En fin matinée, après avoir travaillé ensemble sur un cas difficile, deux jeunes avocates veulent assister à une petite fête pour l’enfant d’une de leurs collègues, dans la banlieue de l’est de Sydney. Pour y aller, il suffit de traverser le centre ville en plein après midi et elles voulaient éviter l’heure de pointe.

C’était un vendredi, la fin de la semaine, et le soleil brillait, avec la promesse d’un beau week-end à venir. Désireuses d’arriver aussi vite que possible, nous partîmes rapidement mais en respectant la limite de vitesse. Quelques minutes plus tard, ma copine vit dans le rétroviseur, une lumière clignotante, bleue : un agent motocycliste, nous faisant signe d’arrêter la voiture.

Il descendit de son énorme moto ; il marcha vers nous de façon arrogante, poussant ses lunettes de soleil sur la tête ; il nous déshabilla du regard, de haut en bas, tout en fléchissant ses muscles bien évidents sous sa chemise bleue de service ; ses bottes ressemblaient à celles d’un officier SS. Son flingue, son bâton, ainsi que d’autres accessoires de travail autour de la taille. Il se craqua les doigts, et puis quoi encore ?

Cette bête se planta devant nous ; il nous dominait ; il devait mesurer près de deux mètres ; il se tenait si près que nous pouvions sentir son souffle sur nos visages ; nous devions nous pencher en arrière pour l’éviter. C’était désagréable.

« Bonjour, mes deux belles, où allez-vous, si pressées cet après-midi ? Trop occupées à rigoler pour vous rendre compte que vous aviez ignoré un panneau Stop ? dit-il, d’un ton assez menaçant. Avez-vous consommé de l’alcool ou des drogues récemment ? Il faut que vous subissiez à un test pour cela. Et toi, mademoiselle la chauffarde, ton permis de conduire, s’il te plaît. »

Ma copine se raidit, des perles de sueur sur le front.
« Ne dis rien », siffla-t-elle entre les dents.
Puis, en se tournant vers moi, elle dit d’une voix bien audible : « Madame le Juge, nous sommes en retard pour le tribunal cet après-midi. Devrions-nous téléphoner pour leur faire savoir ? »

Le jeune flic, étonné, se redressa et son comportement changea rapidement.« Mesdames, n’oubliez pas les règles de la route, dit-il, doucement, tout en brandissant la notice de l’infraction et en la froissant sous son nez. Suivez-moi ! »

Avec un si joli sourire, ma copine répondit, « Merci, vous avez raison, Monsieur l’agent, mais juste un petit rappel, la prochaine fois ne soyez pas si familier avec les personnes que vous ne connaissez pas. »

Une fois de retour dans l’habitacle, nous eûmes du mal à garder notre sérieux ; plus tard, nous éclatâmes de rire, pliées en deux ; nous n’en croyions pas notre chance. Donc, nous partîmes à toute vitesse, la sirène du moto hurlant devant nous.

PAR DC

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La Route barrée

Nous passions nos vacances en Corse. Cette île magique est essentiellement faite de montagnes qui se jettent dans la mer, de belles plages sur les côtes et d’un centre sauvage ; des vallées encaissées parmi de fortes inclinaisons. Nous séjournions dans un hôtel sur la côte Ouest. Avec une voiture de location, nous avons sillonné l’île de haut en bas. En fin d’après-midi, nous nous trouvions sur la côte Est et nous voulions faire le chemin du retour via Corte , la capitale du centre. Mais la route était barrée.

Un homme portant des vêtements de travail sales creusait le bord de la chaussée. « C’est barré, dit-il dans une voix bourrue. Passage interdit. Travaux sur la route. Faites le détour. » Ses paroles étaient courtes et brusques. Mais pour le détour il fallait que nous prenions la route au sud, quatre fois plus longue – et le soleil n’allait pas tarder à se coucher. Les routes étaient étroites et dangereuses avec peu de barrières contre les forts bas. « Est-il possible de passer par ici ? » demanda mon mari. L’homme haussa les épaules. « Le travail s’est arrêté à 16 heures. L’infrastructure routière n’est pas complète mais vous pourriez essayer. » Il haussa les épaules encore une fois, étendant les mains devant. Il n’assumait aucune responsabilité pour la décision. Néanmoins nous enlevâmes la barrière et nous partîmes sur la route. Derrière nous, l’homme remplaça la barrière et nous fit au revoir de la main.

La route était rocailleuse et pleine de virages. A chaque petit ruisseau que croisait la piste, on faisait des travaux en remplaçant les ponts. Les grandes machines, les bulldozers, les autochenilles, étaient garées négligemment partout comme des jouets de géants. Il fallait que nous les contournions. Si nous avions trouvé un pont enlevé sans un remplacement, il aurait été nécessaire de revenir au commencement. Nous continuâmes ; à gauche les montagnes montant vers le ciel, à droite les falaises abruptes descendant vers les vallées inhabitées. Les ombres s’allongeaient. Un mouvement au bord de la route attira notre attention mais ce n’était qu’un grand bouc au poil hirsute, avec des grandes cornes, qui disparut vite. Les montagnes prenaient des couleurs superbes contre un ciel de saphir, mais la route sinueuse ne s’arrêtait pas. Enfin nous arrivâmes à l’autre bout, une autre barrière, et nous sortîmes indemnes parmi les villageois de Corte. Riant, nous nous félicitâmes pour la persévérance sur cette route périlleuse.

PAR ANGELA LOW

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Un détecteur électronique

Un jour, comme nous sortions d’un grand magasin, sans trop nous presser, portant des sacs remplis d’achats, un détecteur électronique commença à hurler un son aigu, et clignota une lumière perçante et rouge. Nous nous regardions terrifiés en nous serrant les mains. Tous les yeux étaient sur nous et nos cœurs battaient violemment contre nos poitrines comme s’ils voulaient s’échapper.

Nous vîmes un garde chargé de la sécurité, un homme d’une trentaine d’années, habillé en costume noir bien boutonné et avec une brillante cravate étroite, qui s’élançait vers nous. Il était grand et musclé et il avait les cheveux courts et gominés. Sa main droite était placée contre son oreille droite, pour mieux entendre la voix qui crépitait dans l’écouteur, et il faisait geste de nous arrêter avec la main gauche. Le craquement de ses chaussures en cuir verni résonnait sur le sol ciré.

Le garde s’avança jusqu’aux pieds de mon amie, qui tremblait de partout, et demanda avec une voix basse et menaçante : « Mademoiselle, ouvrez vos sacs s’il vous plaît.
– Mais, je viens de payer à la caisse !
– Ouvrez vos sacs, Mademoiselle, répéta-t-il. Il faut que vous me donniez le reçu pour vérifier la transaction. Suivez-moi. »

Le garde marcha à pas décidés à travers la foule qui se rassemblait autour du spectacle, la tête haute, le buste gonflé en avant, et un sourire satisfait sur les lèvres. Il ressemblait à un coq qui se pavanait dans un poulailler. Il appela le responsable tandis que nous cherchions les sacs pour le reçu.

Pendant le chaos, la vendeuse nous aperçut et déclara : « Pardonnez moi ! Ne vous en faites pas, c’est de ma faute… J’avais oublié d’enlever l’étiquette antivol attachée à la robe. »
Le responsable lança un regard furieux à la serveuse qui à son tour lança un regard furieux au garde qui se dégonfla visiblement comme un ballon éclaté. Puis, il respira profondément et annonça d’un air penaud : « Mesdemoiselles, le café vous est offert, avec nos compliments ! »

Le bras tendu, la paume ouverte et la tête penchée, il nous montrait la direction du café.

PAR CHRISTINE AUSTIN

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Le Premier Métro

Il y a bien longtemps. Je me rendais à Paris pour la première fois. Par hasard, Soisique, la femme du patron de ma sœur à Londres, s’y trouvait aussi. Elle était en route pour Reims, son lieu de naissance, pour rendre visite à ses parents. Elle me proposa de me familiariser avec les transports publics. J’étais ravie d’accepter et mon enseignement commença dans le Métro. A cette époque, il y avait deux classes dans les wagons. Au guichet, elle acheta deux billets de seconde classe.

Le train arriva et Soisique alla vers un wagon au côté duquel, inscrits en grandes lettres, on pouvait voir les mots Première classe. « Dépêche-toi » dit-elle, en me poussant brusquement. Ainsi nous entrâmes dans un wagon qui était presque élégant, un vestige du second empire. Nous nous assîmes et Soisique dit : « J’adore le risque. Nous n’avons pas de billets de première classe, mais nous sommes des gens de premier rang ». Un papillon voleta dans le ventre de son amie.

Presque immédiatement, une porte intérieure s’ouvrit et un homme, en uniforme impressionnant, arriva avec le cri de « Billets, s’il vous plaît. » Beaucoup plus de papillons atterrirent. « Tais-toi » dit Soisique, en pressant ma main. L’inspecteur s’avança rapidement vers nous, le visage très sérieux, le comportement impeccable. Il arriva vers nous et demanda : « Vos billets, s’il vous plait. Je ne peux pas attendre toute de la journée ». Soisique sourit et commença à dire en bégayant : « Voici, M…M…Monsieur. N…N…Nous avons acheté ces billets ». Il les regarda et hurla, « Madame, vous êtes en situation irrégulière ! « O Monsieur, comment, p…p…pourquoi ? ». Elle laissa une larme, bien contrôlée, qui s’échappa de ses yeux bleu vif et innocents comme ceux des anges. « Vous vous êtes assises dans un wagon de première classe avec des billets de seconde classe. Il n’y a pas d’excuses. Ici, et à l’extérieur, les pancartes indiquent clairement que ce wagon est réservé pour les voyageurs qui respectent la loi. ». Les larmes coulèrent comme la neige au printemps. Soisique bégayait de nouveau, entre des sanglots, « Monsieur, nous sommes australiennes. Nous ne parlons qu’un peu de français et ne savons pas le lire. Notre grand-père a été tué pendant la guerre de quatorze dix-huit, dans la Somme. Nous partons en pèlerinage sur sa tombe ».

Immédiatement, le serviteur implacable de l’Etat, l’esclave des règles, était transformé en un homme juste, un citoyen du monde, un avant-coureur de la paix sur terre. Les lépidoptères s’envolèrent, tout d’un coup. « Madame, calmez-vous. Je suis aussi issu des héros. Pour le reste de votre trajet, vous devez seulement demander de l’aide. » Et puis, il baisa sa main et partit, en souriant.

La vedette de ce drame rit et me dit « Quelle bonne blague ! » Mais fallait-il qu’elle invite les papillons ?

PAR CARMEL MAGUIRE

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Au sommet d’un grand cru

Paul était en visite en France. Il passait quelques jours à Lyon avec ses amis Jean-Gabriel et Corinne. Le week-end de son séjour s’annonça très estival. Alors ils ont décidé de faire une jolie balade en voiture le dimanche, avec pour objectif de trouver un bel endroit où ils pourraient pique-niquer en toute tranquillité.

Nous roulâmes à notre aise à travers la campagne. Après un virage au détour d’une colline, nous vîmes à gauche une petite route qui montait vers la colline. Nous criâmes joyeusement : « C’est le chemin vers notre pique-nique. » Mais il y avait un petit bémol. À l’entrée de la route un panneau artisanal annonçait Propriété privée, défense d’entrer. Or, il n’y avait aucun signe d’utilisation récente de la route, donc nous doutâmes qu’il y ait une chance de tomber sur quelqu’un.

La vieille bagnole grimpait lourdement avec beaucoup de bruit vers le sommet de la colline où nous garâmes le véhicule. Nous sortîmes les aliments et les bouteilles de vin et les posâmes sur une couverture au sol. Le silence du paysage fut brisé brutalement par le son d’un klaxon insistant. Puis un tout terrain apparut au loin, roulant vers nous à très grande vitesse, survolant presque la route. Le chauffeur, avec son bras à l’extérieur de la vitre, nous menaça du poing gauche pendant qu’il klaxonnait avec une rapidité féroce. En plus, il nous faisait fréquemment un appel de phares. Au milieu de tous ces coups sur nos sens, Jean-Gabriel remarqua avec sang-froid : « Évidemment cet homme possède beaucoup de savoir-faire en tant que pilote avancé de tout-terrains. » Au dernier instant, le chauffeur freina droit devant nous. Jean-Gabriel tenait bon, Corinne avait déjà ramassé les aliments pour fuir et Paul fit de même avec les bouteilles de vin.

Le chauffeur sortit du véhicule se moquant de nous sardoniquement avec un air de dégoût énorme : « Que c’est joli tout plein, votre sacré pique-nique dans la grandeur de la nature, au sommet de ma propre colline. » Les goulots des bouteilles de vin tremblèrent dans les mains de Paul et les bouteilles tintèrent dans le silence épouvantable. Le chauffeur s’approcha de Paul, puis il arracha une des bouteilles. Au lieu de l’écraser, il la caressa avec un long regard, les yeux exorbités, murmurant : « Château Neuf du Pape, 2000 ! Quel vin exceptionnel ! C’est un vin qui est au sommet des grands crus, il a des notes si surprenantes, si lumineuses, transcendantes, époustouflantes. Monsieur, vous êtes un grand monsieur avec des goûts raffinés, je suis ravi de vous trouver ici, puis-je avoir le grand honneur de déguster ce vin ? »

PAR JOHN

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Une escapade

Deux étudiants d’une école se spécialisant en sciences domestiques s’ennuyaient à cause des cours hebdomadaires sur la nutrition et les tâches domestiques. Elles décidèrent de s’échapper.

Juste avant la classe de nutrition, nous sortîmes – l’une feignant un mal de tête et l’autre un mal de ventre. Tout alla bien le long du couloir, quand soudain une voix perça le silence : « Margarita, Brenda, on vous cherche ! » Nous nous précipitâmes vers les toilettes par la porte proche de l’escalier et nous entrâmes dans l’une des cabines ; à l’intérieur, nous prîmes une décision rapide : l’une s’assit sur la lunette des toilettes et l’autre monta sur le siège et se tint derrière, sans oublier d’enclencher la porte.

Tout à coup, elle parut ! Elle força la porte, ses lunettes brillantes, ses yeux comme des poignards, ses cheveux blancs échappés du chignon voltigeant comme ceux de la valkyrie de Wagner. Elle se tint là, criant quelque chose. Nous nous raidîmes.
« Que faites-vous ici ?
– Elle a mal au ventre
– Et toi ? Que fais-tu debout derrière elle ?
– Moi ? Elle m’a demandé de l’aide… »

Réduites au silence, nous attendîmes que la hache tombe. Elle s’avança d’un pas vers nous, avec ses yeux qui louchaient, son index se dirigeant vers nous comme si elle visait pour tirer. Elle aboya une commande : « Sortez d’ici immédiatement et allez au bureau de la directrice, pour qu’elle vous punisse ! » Le pistolet cireux changea de direction pour indiquer le chemin du bureau.

Sous son œil vigilant, nous descendîmes du siège et sortîmes des toilettes. Nous courûmes à l’angle du bâtiment qui nous offrirait un répit temporaire ; mais elle pourrait être à notre poursuite !

Nous jetâmes un œil autour du coin – la voie était libre. Tout devint drôle ; elle était juste un dragon gonflé vieillissant, nous avions été prises dans une position compromettante, et l’idée d’avoir à raconter toute cette histoire à la directrice nous amusa… et nous nous effondrâmes de rire.

PAR MARGARITA

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L’Avocat maudit

Ma meilleure amie Janet m’a convaincue de l’accompagner derrière l’école, dans le jardin juste hors de vue du bureau de la directrice, où se trouvait un grand arbre plein d’avocats mûrs.

Les feuilles vert foncé tremblaient et nos cœurs aussi. L’arbre était au moins six fois plus haut que nous et il effaçait le ciel avec ses énormes bras guerriers, en murmurant en silence « Que faites-vous ici, minables ? ». Nous faillîmes battre en retraite mais les fruits étaient si verts, si luisants ; quelle dommage qu’ils fussent incontestablement si loin. Nous mîmes le siège. Les tâches avaient été divisées avant : Janet grimperait à l’arbre et jetterait les fruits vers moi, debout au-dessous. Elle se précipita vers le tronc massif. Toujours agile, elle sautait de branche en branche comme une jeune trapéziste, ou peut-être, plus correctement, un jeune opossum. Elle venait de tendre sa griffe préhensile vers un des fruits tentant quand une voix, fâcheusement familière, résonna à nos oreilles : « Que faites-vous ici, petites vilaines ? »

C’était la directrice ! Mains en l’air comme un saint horrifié par un péché exposé. Quel désastre ! Nous savions bien que nous étions entrées dans un terrain hostile mais nous ne savions pas que le général ennemi nous avait vues franchir la frontière.
« Qui ? Nous ? Euh, rien, Janet a balbutié d’en haut, cachée dans l’arbre.
– Descends de là immédiatement ! Avant que tu ne te casses le cou ! »

Vaincu, Janet tomba par terre avec un bruit lourd et, après elle, un, deux, trois, quatre grenades vertes tombèrent aussi devant nous toutes. Nous patientions en silence, tête basse, en attendant le peloton d’exécution.

Mais la directrice se pencha pour inspecter les fruits interdits sur sol et elle dit : « Ah, j’avais un œil sur eux depuis une éternité ! Que diriez-vous si nous les partagions ? »

PAR URSULA

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Une rencontre inattendue

Anna et David Foster avec ses filles, Sarah et Jane, ont loué une maison de vacances à Entreveaux (une ville médiévale avec une citadelle célèbre). Anna avait invité un autre couple, Judy et Julian Ross, à passer quelques jours avec leur famille. Anna et Sarah sommes allées à Nice pour les rencontrer à la sortie du train.

Julian proposa de conduire. C’était sa première expérience sur une route de montagne et malheureusement la route était très raide et étroite. C’était le crépuscule et les arbres (saules et platanes) qui faisaient des silhouettes contre le ciel étaient couverts de givre blanc. Il y avait aussi une légère averse qui ressemblait à de la neige. La route de montagne paraissait plus sinueuse, plus escarpée. Anna nota le signe Puget-Théniers, elle pensait, presque là.

Soudain le bruit d’une sirène et des lumières clignotantes pénétrèrent l’obscurité derrière la voiture. Anna dit à Judy et Sarah: « Ca va bien, ne vous inquiétez pas, Jules peut gérer la situation. »
Le gendarme était énorme, fort et imposant, sa main semblait prête à atteindre son arme. Julian parlait français très bien avec un accent australien. D’abord le gendarme dit : « Bonsoir, messieurs dames. Votre permis de conduire, s’il vous plaît! »
Julian était très calme et il lui remit le document.
« Ah, un permis international, vous êtes anglais ou américain ?
– Non, Monsieur, je suis australien.
– Vous n’avez pas vu le panneau ?
– Désolé, monsieur, quel panneau ? »
Le gendarme répondit que c’était interdit de dépasser une autre voiture à l’entrée d’un village.
Julian dit : « Oui, Monsieur, mais c’était difficile de voir la route avec tout ce grésil. »
Il nous montra une copie du panneau : « Regardez les images attentivement, ces routes sont traîtres en hiver, vous ne voulez pas être une statistique !!!
– Nous vous assurons que nous allons vérifier les panneau routier à l’avenir.
– D’ accord, ce n’est qu’un avertissement, pas une amende, cependant soyez prudent ! »
Il retourna à la voiture de police, Julian poussa un soupir de soulagement, et nous respirâmes à fond.

Nous retournâmes à la maison en silence. Puis Julian fit remarquer : « Je suis venu pour séjourner avec la famille Foster dans une maison de vacances, pas dans une prison ! » Enfin après notre inquiétude avec l’ incident bouleversant, nous pûmes rire de sa blague.

PAR ANN

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