Leïla Slimani

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Une chanson douce' de Leïla Slimani.

Le cadeau de l’ingénue

Puis Louise est arrivée. Une jeune femme belle comme un ange, avec une expression poupine, debout devant l’entrée. Son dos face à Paul. Elle ne s’est pas encore rendu compte qu’il avait déjà ouvert la porte. Elle portait des oreillettes et d’une voix aiguë, elle accompagnait Maurice Chevalier sur son MP3 : « Every little breeze seems to whisper Louise, birds in the trees seem to twitter Louise .. I love you, love you ». Paul l’a tapotée sur l’épaule pour attirer son attention. Aucune excuse de la part de la jeune femme. Il était difficile de lui donner un âge. Vingt ans ? Trente ans ? En tout cas, elle s’est redressée de toute sa hauteur et les deux se sont retrouvés coude à coude à l’entrée de l’appartement. Elle s’est glissée à l’intérieur, toute souriante. Elle s’appelait Louise. Jeune, elle était fluette, d’un teint pâle. Sa tenue rose était impeccable, jupe plissée, chemise en broderie anglaise, collier en or en forme de cœur, cheveux blonds, bouclés, sourire radieux. Ses chaussures vernies étaient embellies d’un petit lapin. Entre ses mains, un paquet transparent, décoré d’un ruban bleu, blanc, rouge, de la pâtisserie renommée du quartier. À l’intérieur, une religieuse et un pain au chocolat.

« Un petit cadeau pour les enfants, a-t-elle expliqué. Les enfants adorent les surprises ».

Myriam a invité Louise à s’installer sur la chaise qu’elle lui offrait. Elle lui a demandé deparler de son expérience. Elle avait hâte de comprendre cette curieuse fille, d’écouter son histoire. Louise a raconté que sa maman était morte dix ans plus tôt. C’était à Louise d’élever ses frères et ses sœurs. Elle avait rêvé devenir assistante maternelle mais sans succès, à cause de ses responsabilités au foyer. Donc, elle a appris sur le tas, chez elle. Elle a consacré sa jeunesse à sa fratrie. Mais maintenant elle était libre. Elle voudrait juste continuer à être au service des autres, des enfants en particulier : chanter, jouer aux puzzles, se promener, faire de la balançoire, préparer de bons repas. On a trouvé la nounou parfaite, a murmuréMyriam.

Mais il y avait un secret derrière cette façade si innocente et ingénue. L’œil de Louise brillait.

PAR ROSE CHENEY

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Le premier entretien

L’interphone a sonné , Louise est arrivée.
Elle était petite, forte et ses vêtements étaient traditionnels mais convenables.
Elle portait un manteau et une écharpe contre le vent de février. Elle était jeune,
elle avait vingt-cinq ans, les cheveux marron avec une queue de cheval.
Elle était polie, et elle donnait des réponses claires et succinctes. Elle disait que sa vie était très triste, elle était née à Amboise dans la Loire, mais après la mort de ses parents, elle avait habité avec une tante. Malheureusement elle était malade, et Louise a dû déménager dans un foyer pour jeunes filles. Elle a travaillé après comme assistante dans une école maternelle. Maintenant elle voudrait améliorer sa situation et devenir nourrice.
Elle avait un beau sourire et elle riait comme une petite gosse.

Myriam était touchée de voir Louise avec les enfants, elle participait aux jeux, elle jouait à cache-cache avec Mila et elle chatouillait Adam. Paul hésitait encore, toujours prudent !!

Mais après l’entretien et les discussions concernant les conditions d’emploi, le logement, parce que leur appartement était petit, le salaire et les jours de congés, Paul a dit qu’il lui offrirait le poste à l’essai pendant trois mois, et s’ils étaient satisfaits, ce serait permanent.
Quel soulagement pour Myriam, surtout de savoir que Louise était française !!

Louise s’est levée, elle est sortie, la main dans la poche, prête à avaler sa prochaine dose.

PAR ANN B

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Louise

Puis Louise est arrivée. Elle a frappé doucement à la porte. Paul a ouvert et l’a invitée à entrer.

Louise portait une jupe bleu marine jusqu’aux genoux, un chemisier rose en coton et des chaussures confortables mais à la mode. Bien coiffée, elle était légèrement maquillée : un peu de fard à paupières et juste une touche de rouge à lèvres. Elle était arrivée exprès avant de l’heure prévue. Elle s’était attablée dans un café en face de l’immeuble. Cela lui a donné le temps de se composer pour ne pas présenter le moindre indice de l’abîme qu’elle ressentait parfois, y compris cet après-midi.

Ils ont posé à Louise les questions de la liste. En répondant, Louise leur a expliqué son expérience, elle leur a parlé de son passé. Elle leur a donné les coordonnées de ses anciens employeurs de manière calme, avec un sourire chaleureux aux moments appropriés et un équilibre attirant.

Ils étaient en train de discuter quant Mila est entrée dans le séjour, sa poupée sous le bras. Elle venait de se réveiller de la sieste. En voyant la scène inconnue, elle était au bord des larmes. Calmement, Louise s’est présentée, ella lui a dit qu’elle avait une très belle poupée, et elle lui a demandé le nom de sa poupée. D’abord Mila était hésitante. Louise lui parlait de manière rassurante et peu à peu elle s’est approchée de la chaise de Louise. Bientôt, heureuse comme un petit pinson, Mila a raconté à Louise les aventures de sa poupée.

C’était la fillette qui avait choisi la nounou.
C’est cette nounou qui mettra fin à la vie de la fillette.

PAR CM

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La nounou parfaite

Puis Louise est arrivée.

Elle frappe à la porte à seize heures précises. La trentenaire, vivante, avec des cheveux blonds et bouclés qui tombent jusqu’aux épaules. Elle serre la main de Paul et Myriam chaleureusement et les regarde droit dans les yeux. Elle porte une blouse blanche, un pantalon noir et des ballerines rouges. Elle cramponne à la main un dossier de références et un CV, et elle porte un sac rempli de jouets .

« Une nounou diplômée en puériculture et en premiers secours, avec une grande expérience ! La seule cet après-midi, chuchote Paul discrètement à Myriam. Enfin une candidate de qualité. »

Louise demande poliment à voir les enfants et l’appartement. Elle examine la sécurité installée pour protéger les petits; un barreau contre l’entrée de la cuisine; une serrure contre les produits chimiques et les médicaments; et les objects dangereux cachés. Elle note dans un cahier les heures des repas, du bain, les livres et les jeux favoris des enfants. Elle demande à Myriam si le médecin, l’hôpital, et l’école sont proches de la maison. Elle demande à Paul les heures de travail, les responsabilités prévues et le salaire . Ils se regardent et en faisant un signe de la tête, ils embauchent Louise. « Professionnelle, disponible et aimable, que demander de plus, ils pensent ».

La fin de l’après midi se passe dans la cuisine. Café pour eux, jus d’orange pour Mila, et Adam dort dans sa poussette. Louise parle de sa vie, elle habite dans le quartier. Petite, elle habitait à Lille. « Quelle coïncidence ! Moi aussi je viens de Lille, dit Paul, sans doute on a des points en commun ? ». Myriam remarque sa fille. Peu à peu, elle s’approche de Louise. Elle a un livre à la main. Doucement, Louise tourne la page et commence à lire. Les deux sont plongées dans un conte de fées. Ainsi, elle gagne sa confiance. « On ira au manège chaque jour et tu me liras tous les livres de l’étagère » crie Mila.

Elle part à dix-sept heures. À la porte, elle se penche pour prendre son sac. Dedans, il y a la photographie d’une rangée d’élèves, usée par ses doigts pendant toutes ces années d’attente. École Primaire Pasteur, Lille 1980, avec les noms imprimés au-dessous.
Dans la première rangée, Pierre Dubois et elle… Louise Sauvage.
Dans la deuxième rangée, Martine Blanchard et enfin lui, son nouvel employeur, Paul Massé.

PAR CHRISTINE AUSTIN

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La nounou idéale

Puis Louise est arrivée……

Louise était parfaite. Française, mince et blonde, plus fraiche que les 33 ans indiqués dans son C.V.. Paul était impressionné par son air de confiance. Elle avait travaillé pour une bonne famille à Toulouse. La lettre de recommandation était bonne, écrite à la main. Myriam aimait bien sa voix douce et son français correct. La couple a décidé de l’embaucher immédiatement pour commencer la semaine prochaine.

Quand elle est arrivée pour son premier jour de travail, elle était sur le seuil à l’heure, elle portait un jeans propre, une chemise blanche et des escarpins plats en cuir rose, très pratique. Son pull rose assorti était drapé sur ses épaules. Elle a dit bonjour aux enfants, a fait glousser Adam en le chatouillant sous le menton. Elle a laissé Mila examiner son bracelet en or, une chaine avec une petite serrure en forme de coeur. Après quelques minutes, Myriam a donné un bisou à chaque enfant, et tous les trois ont dit « Au revoir, maman. » . Même le petit Adam l’a saluée d’un signe de la main. Le coeur de Myriam se serrait un peu, mais quand elle se dirigeait vers le métro, les talons cliquant sur le trottoir, avec sa jupe courte et son sac à dos en cuir, son coeur se réchauffait. Elle avait envie d’être une adulte de nouveau. Elle a donné un coup de fil dans l’après-midi. Louise a dit que les enfants faisaient leur sieste. Elle lui a raconté les mots drôles que Mia a tenté de prononcer. Myriam est rentrée à 17h 30. Les deux enfants étaient nickel, ils sentaient bons, en pyjamas, assis avec Louise sur le canapé, à écouter un conte de fée. Myriam a apporté les provisions à la cuisine. Tout était propre, le souper fini. En mettant les courses sur le banc, le porte-feuille de Louise est tombé au sol – le bracelet en or était là, cassé en trois, et le porte-feuille s’est ouvert révélant une photo de Louise avec un très petit bébé. Le visage du bébé avait été complètement effacé. Myriam a replacé les choses sur le banc tout de suite.

La routine était vite établie. Louise arrivait à l’heure. Myriam disait au revoir à tous. Elle passait un coup de fil après le déjeuner, Louise racontait les petits détails précieux de la journée avec les enfants. Après son retour Myriam laissait les enfants, en pyjamas, jouer sur le tapis. Mila avec sa poupée, Adam au ballon, les autres jouets rangés sur les étagères. Jusqu’à l’heure du retour de Paul, pour dire « Bonsoir avant que Myriam n’aille les couche.. Myriam buvait un verre de vin pour se détendre. Mila gazouillait une histoire imaginaire à sa poupée. Ce jour-là, Paul est arrivé, plein de bonhommie. Adam agitait les bras et poussait des cris heureux pour attirer l’attention de son Papa qui donnait un bisou à Myriam sur le canapé. Du coin de l’oeil, elle a vu Mila secouer violemment sa poupée en prononçant une phrase claire pour une fois. « Non, non. Tu es méchante. »

PAR ANGELA LOW

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Louise

Puis Louise est arrivée. Paul est heureux. Cette candidate n’est ni obèse, ni vieille, ni en retard. Myriam est accueillante. La fille est présentable, polie et à la peau claire. Après des présentations minimales, Paul commence l’entretien. Où est-elle née ? Quel âge ? Mariée ? Louise s’est assise de l’autre côté du bureau. Elle regarde le jardin par la fenêtre. Un petit sourire traverse son visage. Aux yeux du couple, elle semble totalement à l’aise. Née à Vierzon. Agée de vingt-cinq ans. Elevée à la ferme. Parents morts. Pas de frères ni de sœurs. Célibataire. Louise parle d’une voix molle, avec l’accent du Berry. Elle a des papiers d’identité. Elle a travaillé comme nounou pendant un an pour une famille canadienne qui vivait à Châteauroux. Elle attend la lettre de recommandation promise avant leur retour au Canada. Les enfants ont deux ans et dix mois. « Je les adore et ils me manquent ». Paul et Myriam se regardent. « Donnez-nous un moment ». Louise attend hors de la salle.

Paul est convaincu. Myriam dit : « Oui, elle semble parfaite ». Paul demande : « Un peu trop sérieuse, peut-être ? » Sa femme répond : « Je cherche une nounou. Tu veux embaucher une comédienne ? » Déjà Myriam imagine un futur où, chez elle, à la fin de la journée, la maison sera mise en ordre, les enfants heureux, propres, nourris et prêts à se coucher. Au milieu de ce scénario, il y a la figure solide, rassurante de Louise. Elle parle de sa voix molle, avec l’accent acceptable, même charmant, du Berry. La voix évoque la tranquillité du beau paysage, la terre fertile, les animaux féconds. Pour Myriam, Vierzon, le lieu de naissance de Louise, n’est pas sans distinction. Après tout, et tout près, se trouvent la forêt de Sologne et les mémoires du Grand Meaulnes. Dans le couloir, Louise se détend. « Le passé est le passé ». Le sang commence à couler dans ses mains où ses ongles ont percé la peau. « Personne ne doit savoir ».

Les stigmates restent cachés.

PAR CARMEL MAGUIRE

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La nounou idéale

Puis Louise est arrivée.

Paul prend son manteau et le met sur un crochet. Myriam s’approche et invite la candidate à s’asseoir dans le salon en face d’eux. D’âge mûr, blonde, elle porte un tailleur brun et des chaussures plates. Elle regarde autour d’elle. Ses yeux passent rapidement sur les meubles, les objets divers, les estampes japonaises et s’arrêtent sur les photos des deux petits. Ils y restent quelques secondes. Les parents ne font pas l’effort de la mettre à l’aise. Paul pose la première question « Avez-vous déjà travaillé avec des bébés ? » Ses yeux bleus fixés sur Myriam, elle récite son parcours professionnel. D’une voix douce et mélodieuse, elle énumère ses postes précédents, les enfants de ses différentes familles, son désir profond d’en trouver une prochaine. Sa réponse dure quelques minutes, sa voix presque hypnotique. Paul remarque qu’elle ne parle pas de son dernier travail.

Les cris du bébé interrompent l’entretient. Myriam sort et revient avec Adam serré dans les bras. Louise se lève et tend les mains pour prendre le bébé. Myriam hésite un moment mais Louise insiste d’une façon autoritaire. Un sourire satisfait s’épanouit sur le visage de cette femme qui commence à parler tendrement au bébé et à caresser ses joues rebondies. Adam répond à son tour avec des babillements. La rencontre se déroule comme un script théâtral, elle sera la nounou idéale.

« Ma seule requête, c’est que ce soit moi seule qui m’occupe du bain des enfants. C’est un instant sacré. ».

PAR KAREN BRYANT

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Louise

Puis Louise est arrivée.

A l’heure exacte, elle a frappé. Myriam lui a ouvert la porte . Une femme maigre, chaudement vêtue, avec un désordre de cheveux ivoirins qu’elle essaie de recoiffer de la main. Elle s’est excusée d’une voix haletante, qu’il y avait des rafales de vent et qu’il était difficile d’avancer. C’était les yeux qui ont bouleversé Myriam. Des yeux aussi bleus que le cobalt, aussi profonds que l’abysse. Difficile de dire son âge – une bonne quarantaine peut-être. Elle n’était pas française mais elle parlait le français couramment, avec un petit accent. Anglaise ? Irlandaise ? Si Myriam et Paul étaient d’accord, elle parlerait en anglais avec les gosses de temps en temps. Elle serait disponible tous les jours, sauf le dimanche. Elle leur a tendu quelques papiers et les références des employeurs précédents. Paul y a jeté un oeil brièvement. Plus tard, il donnerait des coups de fil pour tout vérifier. Souriant, il lui a dit « On vous rappellera bientôt. Merci. » Quelle aubaine, pensaient-ils.

C’était bien prémédité, selon le médecin. On les a drogués d’abord et puis étouffés avec un oreiller, paraît-il mais ça, c’est pour les examens médico-légaux. Ni l’un ni l’autre n’a souffert, a-t-il constaté. C’était bizarre, c’était comme un rituel, avec des petites croix posées sur la poitrine.

La meurtrière continue à souffrir : elle a essayé de se pendre avec la corde à sauter de Mila dans la salle de bains. Pendant le procès plus tard, le concierge dirait que souvent il a vu la nounou quitter le bâtiment toute seule pendant la journée et la voisine du quatrième étage ferait le remarque que cette femme hurlait souvent à tue-tête avec les enfants. Un avocat lirait la lettre que Louise avait laissée et qui énumérait une longue liste de peines.

Myriam est entrée dans l’appartement, suivie de Paul. Silence. Ils s’attendent à entendre Louise faire le clown et les éclats de rire des petits. Coucou, où est vous ? Tout d’un coup, ils entendent un cri étouffé. Ils se précipitent et ils la voient : pendue comme une poupée de chiffon, bredouillante. Ils se lancent, terrifiés, vers la chambre des enfants. Chacun dans son lit, enveloppé dans une couverture comme un suaire, leurs petits visages pâles, les yeux cernés. Ils semblent dormir. Puis l’enfer les emporte. Il y a d’effrayants cris d’orfraie. Les deux parents affolés, les coups de griffes, absolument fous. Le concierge apparaît. Il doit empêcher Paul d’attaquer la nounou. Les pompiers arrivent.

Mila voudraient que ses parents rentrent à 17h ce jour là. Un petit spectacle aurait lieu. Un secret ! Ils avaient décidé que tous les cinq iraient à la pizzéria après. Myriam souriait et elle était très soulagée. Les enfants étaient contents et ils adoraient leur nounou. Elle avait le talent de prévenir la moindre crise entre les deux enfants. Paul était ravi en rentrant le soir, d’être accueilli par : « Bonsoir Daddy, my name is Mila. » Et Adam faisait de progrès de langage et c’était amusant de le regarder essayer d’imiter sa grande sœur.

Louise semblait contente mais il était difficile d’en être sûr car elle était souvent si taciturne. Une fois, Mila a fait le signe de la croix avant de dormir, un geste jamais pratiqué dans leur foyer. Quand Myriam l’a mentionné en passant à Louise, son visage est devenu pâle, puis écarlate, ses yeux ont lancé des éclairs. Ceux-là mêmes qu’elle avait déjà remarqué quand ils lui avaient parlé de son passé.

Les petits ne respireraient plus.

PAR DC

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Louise, la nourrice

Puis Louise est arrivée. C’était une femme d’une beauté frappante. Grande, bronzée, pleine de grâce, la démarche souple, le corps parfaitement proportionné, les bras longs, les mains larges, les doigts effilés, les ongles faits et vernis rose pâle. Myriam était bouche bée. Diane chasseresse leur rendait visite. Paul a tout de suite commencé l’interview. Systématiquement, il a posé les questions préparées. Son expérience précédente, la durée de chaque emploi, l’âge des enfants, les raisons de son départ dans chaque cas, sa famille, ses loisirs, ses goûts alimentaires … Cet interrogatoire a été abruptement interrompu par une voix plaintive suivie par des cris stridents. Les enfants s’étaient réveillés. Paul est allé les chercher. Myriam, assise en face de Louise, examinait les yeux gris de son Sauveur.

Quelques moments plus tard, le père est revenu, un bébé pleurnichant dans les bras et une fillette cramponnée à la jambe. L’odeur de couche sale a envahi la salle. « C’est toujours un moment délicat, après la sieste, » a expliqué la mère. La femme a hoché la tête, compatissante. « C’est normal. » Ensuite, spontanément, elle a commencé à chanter. « Une chanson douce/ Que me chantait ma maman/ En suçant mon pouce / J’écoutais en m’endormant. » Fascinés, les enfants ont cessé de geindre. « Maman, Maman, elle connaît notre chanson, » a crié Mila. Les parents ont éclaté de rire. « Nous la chantons chaque soir dans le bain, a expliqué Myriam. Les enfants adorent prendre leur bain ». A ces mots, Mila a disparu. Elle a rapporté son chiot et l’a placé sur les genoux de Louise. « C’est Milou. » La nouvelle nounou de ses longs doigts a pressé fort sur le jouet, en le faisant couiner. La petite s’est esclaffée de joie. « Encore, encore ! » La nourrice a obéi. « Viens, viens, un bain. » Mila tirait sur la jupe de la nounou. « Car ta peau est douce/ Comme la mousse de bois/ La petite biche est aux abois/ Dans le bois, se cache le loup. / Ouh, ouh, ouh, ouh !»

« Bain, bain » a bêlé Adam. Comme un agneau, un agneau pour l’abattoir.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Marionnettes

Puis Louise est arrivée. Elle n’était pas bien habillée mais portait une écharpe artisanale de cachemire. Elle n’avait pas de maquillage. Sa peau paraissait sèche et ridée. Ses cheveux n’étaient pas très soignés non plus. Elle portait un joli sac ouvert, rempli de jouets multicolores. Myriam s’est présentée. Louise a souri, n’a rien dit et lui a tendu un CV. Paul l’a lu. Tout semblait en ordre. En regardant le salon, Louise s’est mise à fredonner tout bas. Puis ses yeux se sont fixés sur ceux de Myriam.

Myriam et Paul se sont entretenus avec Louise autour de la table. Elle leur a dit qu’elle connaissait bien le quartier, où se trouvaient les jardins, la bibliothèque et la piscine. Toutes ses réponses leur ont suggéré qu’elle était une nounou très expérimentée. Mais Myriam était intriguée par le sac de jouets que Louise a maintenant posé sur la table. Paul a remarqué ce regard. Il lui a dit « Regarde chérie, des marionnettes à gants ! Les jouets préférés des enfants. »

En regardant Myriam, Louise les a tirées du sac et les a mises sur les mains. Les marionnettes ont vu le jour et se sont mises à chanter avec des voix aigus. « Pie Jesu Domine, dona eis requiem, dona eis requiem…». Myriam et Paul ont reconnu les fameuses paroles rassurantes de la messe requiem du Fauré, ils ont commencé à chanter tout bas « Dona eis requiem, sempiternam requiem, sempiternam requiem… » Les larmes leur montaient aux yeux et ensemble ils répétaient « Sempiternam requiem… »
Les marionnettes, elles, avaient déjà cessé de chanter.

PAR JOHN

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