Jean-Paul Sartre

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés d'un extrait de 'Huis Clos' par Jean-Paul Sartre

Scène VI

Inès, Garcin et Estellel  sont sur les canapés dans la même pièce

Garcin
Si nous sommes obligés de rester ensemble pour toujours, nous devrions discuter du comment et du pourquoi nous sommes arrivés dans cet enfer.

Inès
Ah d’accord, mais pour moi, c’est assez ennuyeux. Je dormais. Puis tout est devenu noir jusqu’à ce que ce gentil jeune homme m’accompagne ici.

Estelle
Je me souviens d’avoir eu une très mauvaise toux : j’avais du mal à respirer !

Garcin
Mais avant ça… Nous savons que nous avons pêché, mais pourquoi sommes-nous dans cette pièce bizarre ?

Inès
Je me demande une chose : si Dieu est le patron au ciel, alors qui est le patron en enfer ?

Estelle
J’ai vu un film avec le diable une fois. Il avait un drôle de nom !

Garcin
Méphistophélès ! Est-ce que vous croyez qu’il nous observe tout le temps ?

Inès
Tu viens de nous dire que tout était prévu ! Comment le sais-tu ?

Garcin
Je ne suis pas sûr de ce à quoi je m’attendais, alors c’est une surprise. Je pensais qu’il y aurait du feu, quelque chose de plus traditionnel !

Estelle
Ils ont fait une erreur : j’étais malade, je devrais être au paradis ou au purgatoire du moins. Elle se jette face à terre sur son canapé.

Inès
Au début, je pensais que c’était un mauvais rêve mais maintenant je réalise que nous sommes en enfer, ensemble et pour toujours ! 

Estelle se met à gémir.

Inès
Quel est l’intérêt de s’apitoyer sur toi-même ? Tu as tué ton bébé, ton mari et ton amant ! 

Estelle
J’ai eu peur ! C’était une terrible erreur, j’étais folle après l’accouchement ; vous devriez comprendre tous les deux !

Garcin, se retourne vers la cheminée et il commence à caresser le bronze
Est-ce que ma femme savait que j’étais un lâche déserteur ? J’étais si cruel avec elle ! Si seulement elle pensait que je suis mort avec courageuse.

Inès
C’est trop tard pour s’en occuper maintenant. Rappelons-nous que l’enfer, c’est les Autres et que la mort est permanente, pour les siècles des siècles. Elle danse dans la pièce en agitant le couteau en chantant ‘Huis clos ! Huis clos ! Pas d’issue, pour toujours !’.

PAR ANN B

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Un Triangle Maudit


SCENE VI
Inès, Garcin, Estelle
Ils sont tous les trois rassemblés sur le canapé de style Louis XIV de forme circulaire. Pas de serpents, pas de feu.

GARCIN
Le miroir… Je le tiens dans ma main. (Il le contemple en riant.) A quoi bon ? Nous sommes aveugles, nous sommes morts ! Nous sommes en enfer et les autres seront nos miroirs. Aucun miroir ne sera plus fidèle. Ha ! nous sommes seulement trois ! Il rentre dans un long mutisme et cherche à observer les réactions des autres. Finalement, Il rompt son silence …Je veux que vous révéliez les vraies raisons de votre présence en enfer. Je suis envoyé ici pour un acte de lâcheté. Je ne pouvais pas assumer mes choix politiques et on m'a fusillé pour trahison. Sur terre, on me considère comme un lâche. Ici, je dépends de vous pour me rassurer : je ne suis pas lâche...

INÈS confuse, riant avec sarcasme
L'enfer, c'est les Autres. Quelles sont les règles de ce monde ? Je ne mérite pas d’être ici. On m'a condamnée pour mon homosexualité. J'entretenais une liaison avec Juliette, la femme de mon cousin. En découvrant ce ménage à trois, mon cousin ne pouvait pas supporter cette relation homosexuelle. Il s'est suicidé et on m’a considérée coupable. Juliette s'est vengée en me noyant dans un lac. Elle a tenu ma tête jusqu'à mon dernier souffle. Selon les écritures, l'homosexualité est considérée comme un péché, mais pas dans un monde sans Dieu.

ESTELLE
Dans un monde sans Dieu, l'avarice n'est pas un péché non plus. J'étais orpheline et pauvre. J'ai épousé un homme riche, un vieillard qui vient de mourir. Je suis choquée de me trouver ici. Je suis convaincue d’être en enfer par erreur, puisque je maintiens de n’avoir rien fait de mal. On m'a jugée meurtrière mais je ne suis pas coupable. L'enfer, c'est les Autres…
Ils se taisent, réfléchissant aux moyens d'échapper au regard des autres qui sont là pour leur rappeler leurs péchés. Ils se sentent piégés.
Tout d'un coup, le silence est interrompu par un ange qui entre à travers une porte cachée.

L'ANGE , s'adressant à Ines et Estelle
Je m'appelle Béatrice, je suis envoyée du ciel pour vous guider au paradis. Vous avez été condamnées à tort. L'accès au paradis vous est promis. Dans ce cercle de l'enfer, vous êtes pardonnées. 

La porte s’ouvre et Estelle et Inès quittent la pièce, suivies de l’ange. Garcin ne sort pas, désirant le silence et la solitude pour prendre du recul, être plus objectif et méditer sur sa vie.

PAR AMANDA

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Scène VI

Inès, Garcin, Estelle
Un salon style Second Empire. Un bronze sur la cheminée

ESTELLE, Elle s’approche de Garcin et s’accroche à son bras.
Mon amour ! La vieille harpie dort. Même en enfer, il est bon d’avoir des amis.

GARCIN,  Il se met debout d’un air morose et lui fait une brulûre indienne et Estelle pousse un hurlement.
C’est mon habitude de faire mal à celles que je désire. Ici tu as tout le temps qu’il faut pour t’y accoutumer.

INèS, Elle s’élève soudain et saisit Estelle à bras-le-corps et, d’un geste vif, elle essaie de lui arracher les cheveux.
Assassine… meurtrière… infanticide !

ESTELLE, Elle essaie d’échapper aux coups de son agresseur.
Garcin, Garcin, débarrasse-moi de ce démon, cette fille de Satan.

GARCIN
Calmez-vous, Mesdames ! Pourquoi ce brouhaha ? Il n’y a pas d’accès et pas d’issue. Allez… je vous implore…
(Les femmes hésitent.) Vous pouvez frapper à toutes les portes ! L’or ouvre toutes les portes, même celles de l’enfer, mais pour nous, les condamnés, l’entrée est libre et permanente, la sortie impossible. Abandonnez tout espoir et taisez-vous.

INÈS , Elle s’approche de Garcin.
Je peux comprendre sans difficulté pourquoi elle est arrivée ici. Et toi, tes péchés implorent au ciel la vengeance. Mais pourquoi moi ?

ESTELLE, Elle se situe entre Inès et Garcin.
Tu es insupportable ! Vivante, tu te consumais de jalousie face à tes amies qui avaient des amants. Ainsi as-tu rendu l’existence pénible à tous tes proches. Tu t’es acharnée contre tes rivaux jusqu’à la mort et au suicide. Les péchés de Rabelais sont absous parce qu’il a égayé le monde. Mais à cause de to, le monde est plus misérable et plus mécontent.

INÈS, Elle rit avec mépris.
Je ne peux pas y croire ! Écoute ce modèle de vertu maternelle et d’amour conjugal qui, dans une vie sans reproches, a noyé son enfant et a incité le père au suicide.

GARCIN, Il revient au canapé et s’y allonge.
J’anticipais le silence de la tombe. À sa place, je suis enterré avec le rire d’une idiote affolée, accompagné par les lamentations d’une mauviette.

INÈS,
Tu as mérité le soufre, le bûcher, le gril… Où se trouvent donc les tortures promises pour les condamnés ? En particulier, pour toi, qui avais développé une dextérité si admirable à torturer ta femme ?

ESTELLE, Marchant vers le devant de la scène.
On dit que nous sommes entrés par les trois portes de l’enfer : la volupté, la colère, et l’avarice. Mais dans cette éternité, nous allons réaliser encore, encore, et encore, que l’enfer, c’est les Autres.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Sous le tapis

Scène x
Tilly, Jean et Margot sont dans une salle de conférence. La salle est bien éclairée. Une seule porte. Sous le tapis, les oubliettes.

Jean (il est enragé)
Je suis enterré ici dans un cachot. Je comprends que je suis en enfer. Pourquoi ? Je ne possède que mon portable qui ne marche même pas dans ce cachot. (Il tape du pied). Allo ? allo ? Je vous vois là-haut. Et vous ici… Deux seulement ? Pourquoi ? Vos regards me mangent.

Margot
Ne vous inquiétez pas, M. Le Directeur. Je vous aiderai comme d’habitude.
Elle se penche au-dessus des oubliettes.

Tilly
Ah ah ! M. le Directeur. Comme toujours ‘le chouchou de la maitresse’ va vous aider. Maintenant, peut-être commencerez-vous à comprendre le vrai sens de l’isolement ou de l’exclusion dans lequel vous m’avez plongée. Pour en échapper, il reste un seul moyen… la mort, la mort… Je suis morte, et c’est grâce à vous. Je suis peut-être en vie mais ma carrière est finie. C’est bien vrai, l’enfer, c’est les Autres. Vous êtes les Autres.

PAR MERILYN B

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Entre assassins

SCENE VI
GARCONNET, LESBIA, ESTETTE
Lesbia et Estette sont assises, chacune sur son canapé. Garconnet fait les cent pas, en grommelant entre ses dents. En réponse à ses mots, elles font la moue.


GARCONNET, d’un ton bas et fervent.
Ici, tout est prévu… chacun a son rôle… chacun est le bourreau de l’autre… Mais je ne l’accepterai pas ! C’est une intrigue diabolique ! Je fais ce que je veux, moi, je suis libre… Je veux tenter le diable, je vais me montrer plus malin que lui…

LESBIA, sèchement et avec un geste d’impatience.
Et comment est-ce que tu proposes de faire ça, mon petit héros ? Les actions sont bruyantes, n’est-ce pas ? Les mots ne coûtent pas chers…

GARCONNET, continue, faisant semblant de ne pas l’entendre.
Pour le déjouer, nous devons nous aider, les uns les autres… nous devons collaborer… collaborer pour créer une diversion… (Il réfléchit un moment. Puis, son visage s’illumine.) Oui, ça y est, nous devons créer une pièce, une pièce de théâtre… (Lesbia et Estette ricanent fort mais Garconnet continue.) Trois acteurs, c’est possible, deux rôles principaux, un homme et une belle femme… Estette dans le rôle d’une belle vedette. (Estette, riant, sursaute et danse devant une glace imaginaire.) Oui, j’écrirai une comédie.

LESBIA, avec ironie.
Une divine comédie, peut-être ? D’après Dante ? Pourquoi pas.

GARCONNET, avec colère.
Tais-toi ! Tu as une meilleure idée ?

LESBIA, avec sarcasme.
Non, je n’ai pas d’idée… à part l’idée que tu es un con prétentieux qui pense qu’il est un écrivain célèbre… mais, en réalité, tu es en enfer… un écrivain sans stylo ni papier… un scénariste sans scène, ni décor, ni éclairage, ni costumes… un con qui va présenter une pièce de théâtre dans un cercueil, devant un grand public imaginaire et que nous trois, nous sommes des fantômes qui jouent devant des fantômes ! A part ça, je n’ai pas d’idée ! Et quant à elle, ta petite vedette, elle est le coup de maître : Estette en costume d’Eve… quelle image délicieuse… (se léchant les lèvres) quelle image irrésisti… (Garconnet et Estette l’attaquent furieusement et Lesbia se sauve en riant follement.) C’est vrai, c’est vrai, l’enfer, c’est les Autres. Vous deux autres en êtes la preuve vivante ! (Amèrement.) Mes chers « Autres ». Pour toujours. Je suis morte, morte. Pour toujours. Nous sommes morts, morts, morts. Ces deux autres, mes « Autres »… pour toujours… un lâche à la grosse tête… et une belle meurtrière à la tête vide. Quelle compagnie ! (Elle tient sa tête dans ses mains.) Vraiment, je suis damnée, damnée.

GARCONNET, avec sarcasme.
Oui, tu es damnée ! Et quels rôles joues-tu, Lesbia, dans cette comédie des damnés ? Dis-moi !

ESTETTE, l’interrompt, exprimant sa haine refoulée.
Elle… c’est la grande débauchée aux yeux dévorants… elle… c’est Mademoiselle-je-sais-tout… elle… c’est la lesbienne foutue… le bourreau aux mains sales… le juge sans pitié… l’assassine au cœur glacé, elle…

ESTETTE. GARCONNET, LESBIA, avec des mouvements chorégraphiés.
L’assassin, l’assassin… au cœur glacé, l’assassin.

Chacun indique les deux autres du doigt comme s’ils ont une arme à la main. En même temps, chacun chante fort et avec un rythme délibéré, « l’assassin, l’assassin… au cœur glacé, l’assassin ». Peu à peu, chacun s’effondre à terre tandis que la vitesse et le volume du chant diminuent et, au fur et à mesure que les lumières s’éteignent, les mots s’estompent et, à la fin, on ne distingue que le sifflement du mot « assassin ».

PAR ERIN GABRIELLE WHITE




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