Jacques Prévert

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Arbres' de Jacques Prévert.

Rossignol

A Olga Dormidontovna Makovetsky

J’ai entendu la ptichka il y a longtemps
Dans un pays lointain
Je n’ai pas oublié le son de sa chanson
Et j’aimerais l’écouter à nouveau

Certains ont essayé de capturer ce son
En écrivant des chansons sur ce chant
Et on entend l’épanchement de l’âm
Le son lyrique qui nous émeut aux larmes

Il faut comprendre que ce créateur
Autant qu’il s’émerveille de ce petit oiseau
Ne peut jamais capter son véritable son
Et faire sien les phrases flûtées

Car il a oublié que c’est la voix de la nature
Qu’on ne peut pas l’attraper avec sa propre mélodie

Mais l’homme veut tout prendre
Il piège le rossignol et le met en cage
Tout seul sans son compagnon
Afin qu’il chante pour lui

Volé de ses arbres et de son nid
C’est une désolation que le petit chanteur ressent
« Un seul oiseau en cage
La liberté en deuil »

Ne vole pas les cadeaux de la nature
Ne les touche pas
Tu ne peux pas posséder ce qui n’est pas à toi

Laisse-moi vivre, laisse-moi gazouiller dans la forêt
Mon chant de joie et de beauté
Te donnera la liberté de …t’envoler

PAR MARGARITA

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Femmes

À ma mère

O filles d’Eve qui restez les causes putatives de la perte du paradis
pourquoi ne pouvez-vous pas ressembler plus aux hommes
pourquoi êtes-vous incapables d’apprécier que la force prime sur le droit
Depuis la naissance
pour une moitié du monde
les panneaux publicitaires l’ont annoncé en clair
ne fais pas ne touche pas ne dis pas n’écris pas.
Cet avis diffusé par pères, frères et partenaires
est perdu dans les travaux quotidiens des femmes
mais il flotte encore au ciel en faisant rire les anges
qui pensent à la puissance de Marie la mère de Jésus-Christ.
Devant mes yeux déroule une grande file de filles
des saintes des pêcheurs et des autres entre les deux
Cléopâtre reine et conquérante de deux empereurs
Jeanne d’Arc et les deux Thérèse d’Avila et de Lisieux
une guerrière une érudite et une petite fleur
Rosa assassinée par des précurseurs de la Gestapo
Emilie mise à l’attache de barreaux du Parlement
les grand-mères des disparus au Brésil
Les femmes portent des armes plus puissantes que les fusils
plus importants que les arts de la guerre sont les arts de l’amour
n’importe l’amour du Dieu ou des hommes
Aux armes mes sœurs
remplissez les carquois
projetez les flèches
lâchez la colombe de la paix
ouvrez les prisons des corps et des âmes
Un seul oiseau en cage, la liberté est en deuil.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Vers

Pour Scoobs 18/12/2001-29/4/2017: notre petit chien enterré sous un arbre dans notre jardin

Les vers de terre s’expriment en vers
en vers de longues lignes tracées dans le sous-sol par leurs formes allongées
Qui peut savoir comment les vers se comportent dans le noir des ténèbres

Les vers parlent ver
comme les arbres parlent arbre
chacun dans son élément de la terre et de l’air
Ils s’entendent les uns les autres arbres et vers

Les galeries construites par les vers aèrent et ameublissent
le sol où les grandes racines des arbres s’installent et grandissent
Du sommet de l’arbre la feuille morte sèche
se détache et sans résistance tombe à terr
Du sous-sol émerge le ver se dirigeant vers
le bout de feuille desséchée qu’il mange ou met
dans son garde-manger ou laisse se décomposer
Arbres et vers connaissent à fond une profonde mutualité

Qui d’autre peut connaître les manières des vers
Ceux qui meurent ceux qui demeurent
dans la terre dans la demeure des taupes et des vers
Sans yeux sans oreilles le ver est maître du sens du toucher
Avec tout son corps il voit il entend il accueille les morts dans son royaume
où le ver vivant et la créature morte sont une parfaite paire complémentaire
C’est le mystère de la vie tiré du nez des morts éternels
bercés dans le ventre de la Grande Mère immortelle.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Coquille

à Joyce K. Allan

On dit qu’on peut entendre la mer
de l’intérieur d’une coquille
Les enfants appuient la bouche nacrée sur l’oreilleles yeux éparpillés
quand ils écoutent pour de vrai
le chuchotement des vagues
et le bruissement de la mer sur le sable

Il faut une grande coquille
un triton tropical pas les petits coquillages de la plage

Pour instruire les élèves enfantins
les adultes parlent de mollusques
des escargots de la mer
nommant leur nom latin
« Il y a des adultes qui jamais n’ont été des enfants »
Ils décrivent un grand gastropode
Charonia le gros triton
un carnivore avec un siphon
par lequel il sécrète l’acide pour dissoudre des trous
dans les petits mollusques pour dévorer leur chair
Ce loup de l’océan sort de sa coquille
un pied énorme et musculaire
et arpente les près sous la mer
un féroce prédateur

Mais même un gros mollusque
va mourir
pourrir
La grande coquille spirale
reste dure et vide
remplie de la musique de la mer
pour faire rire les enfants de la Terre

PAR ANGELA LOW

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Saisons

Aux parents partout

C’est le printemps
Le jardin public est vivant
Les oiseaux naissants chuchotent
à leurs parents la joie de vivre
Les fleurs fleurissent
Elles s’épanouissent et sentent bien
que les arbres connaissent la musique des oiseaux
Le parfum des roses remplit l’air de romance
si rare si riche
que tout le parc est en extase
surtout les deux amants
assis sous le cerisier qui s’embrassent
et s’embrassent
C’est efficace

Ils savent ce qu’ils doivent faire

C’est l’été
et le parc est plein de vie
Le parfum des fleurs de tiaré remplit
l’air de chaleur si forte
que les amants sourient
à leur petit enfant
Elle court et joue sur l’herbe
avec des petits oiseaux
qui chantent leur chanson fine et fière

Ils savent comment se nourrir

Maintenant
les feuilles d’automne tombent doucement
au sol dans le jardin public
La vie continue
Les arbres chuchotent
l’un à l’autre
Les petits oiseaux ont volé loin
pour faire des nids dans d’autres jardins verts
dans d’autres parcs publics verts
Assis tout seul sur un banc en bois
le couple parle de la joie de leur vie
leur fille qui étudie
pour le bac à la maison

Elle est au courant de beaucoup de choses

Un courant d’air passe
entre l’homme et la femme
Il fait froid sur ce banc dans ce parc
tout nu tout blanc
C’est la saison hivernale
et leur fille est une femme
Elle a volé du nid
C’est normal
C’est naturel
Car les bons parents donnent
à leurs enfants
l’indépendance
et le savoir-vivre

Mais un couple sage sait bien
que la vie sera
un peu plus froide demain.

PAR ROSLYN McFARLAND

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Rivière

À Wendy Whiteley

Le monde de l’enfant, c’est un monde imaginaire
C’est un monde unique, plein de magique
En grandissant, on perd le mystère
Pascal suit son chemin vers la rivière, son sanctuaire
Cet endroit, ses parents l’ont interdit
La liberté de leur absence lui a permis
de faire ce voyage enchanté
Il n’y a rien à expliquer
Il se laisse à s’émerveiller
Cette déesse
L’ eau qui coule, qui tombe sans cesse
Tous ses soucis reçoivent sa caresse
Il reçoit le confort pour l’approche de la mort
“ La Seine a de la chance
Elle n’a pas de soucis
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement sans bruit “
C’est l’eau qui verdit les fleurs
Tant de couleurs, tant de saveurs
Élément unique, supérieur, où les humains sont inférieurs
Ses essences imprègnent
Où la nature règne
Pascal sent l’irrésistible appel
de ce monde éternel

PAR AMANDA

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Nuages

A Antoine de Saint-Exupéry

Les enfants insouciants aiment courir dans les vides espaces vastes
ils courent vite pour échapper aux adultes qui leur courent après un enfant s’allonge par terre les bras étendus en croix imaginaire
et commence à tracer des anges rustiques et parfaits sur le sol orange
il lève les yeux et aperçoit le cirque au ciel nuageux
…un hippopotame…un rhinocéros…un éléphant aux grandes oreilles battantes
fabriqués de coton et de plumes d’oiseaux ces animaux passent dans le ciel
« imperceptible(s) aux adultes qui jamais n’ont été des enfants »

L’orage s’approche le tonnerre gronde
sa rêverie est rompue
le ciel gris remplace les nuages
il voit le cirque inondé et les anges détruits
et s’envole trempé jusqu’aux os
Où sont les animaux qui passent dans le ciel ?
pourquoi grognent-t-ils si fort ?
Les cumulus s’accumulent pour produire la pluie, mon petit, non pas des animaux
et les nuages ne passent pas devant nous non plus, c’est nous qui leur passons devant
ces mots envahissent son esprit innocent maintenant rempli de tristesse

Mais le cirque reviendra quand les enfants le chercheront
dans les nuages qui passent toujours
ils lèveront les yeux et verront les animaux célestes
imperceptibles aux mères et pères.

PAR KAREN BRYANT

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Nounours

À tous les doudous qui donnent de petits câlins aux enfants

Comme on s’aimait mon nounours
Tu étais toujours là pour moi
immuable et malléable
réconfortant et rassurant
obligeant et ondoyant
On était inséparables
mais je n’avais pas le droit à t’amener à l’école
et j’étais inconsolable
Tes yeux noirs et globuleux et ta fourrure brune
Même si tu ne me parlais jamais
toujours tu m’écoutais
quand je pleurais et quand mes frères m’ignoraient
Ma famille bruyante et chamaillante
je voulais la paix et tu me comprenais
mon protecteur
Je vociférais quand je te voyais virevolter dans la machine à laver mais
Maman avait raison car tu sortais
propre comme un sou neuf
un pétillement dans tes yeux de fouine
C’est tellement simple, l’amour
En grandissant je devais te mettre loin des regards de mes copains
quand ils dormaient chez moi et
au fils des ans tu étais déplacé vers le haut dans mon placard
et c’était là où je t’ai retrouvé récemment
dans l’obscurité au fond
J’étais triste de t’avoir oublié
emballé en plastique avec de la naphtaline. Quelle fin ignominieuse.
Un nounours usé en très mauvais état
fragile et pouilleux avec les membres déchiquetés
Tu me remettais en mémoire des choses que j’avais oubliées
Tant de souvenirs m’envahissaient
On était si heureux ensemble et je t’adorais
Parfois je regarde mon nouveau-né
et je me demande s’il aura un ami spécial et précieux comme toi
ou s’il préférera un gadget électronique
numérique et fantastique
Le progrès comme dit Prévert trop robot pour être vrai.

PAR DC

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