Georges Brassens

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Jeanne' de Georges Brassens.

Florence

Chez Florence, la Florence
Propre comme un sou neuf, son appart près du lac
Ensoleillé, bien rangé, jamais en vrac
Un bol rempli de fruit frais
Un grand vase débordant de lys
La rubrique politique en vue…

Chez Florence, la Florence
Sur les rayons du buffet récemment polis
Les photos des enfants maintenant grandis
Et des mariés souriants
J’aperçois les yeux de Florence
Soixante-dix années plus tôt…

La Florence, la Florence
Elle fait la généreuse, toujours le cœur sincère
Cette femme décente, vertueuse, sourde, nonagénaire
Elle ne s’inquiète pas du passé
Elle n’a plus envie de rien
Sauf de tolérance et de paix…

La Florence, la Florence
Elle méprise l’injustice et l’inégalité,
Elle choisit la gentillesse et la charité
Sa chaise roulante lui permet
De prendre un café dehors
Ses besoins sont sobres et simples…

La Florence, la Florence
Têtue comme une bourrique, autonome, résolue
Déterminée d’habiter seule, assez exclue
Elle est courageuse, résistante
Elle connaît la tristesse profonde
Le désespoir, l’angoisse, la peur…

Mais Florence, la Florence
Elle s’évertue à se lever tôt chaque matin
Pour se prêter au défi du jour anodin,
Elle ne donne pas sa langue au chat
Elle garde à tout prix son sang-froid
Elle persiste, elle vit, elle survit…

PAR KAREN B

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Isaac

Chez Isaac, l’Isaac
Il vous fait bon accueil dans son monde unique :
On peut voir le long couloir, son circuit à vélo
Il fait la course à toute vitesse,
Jusqu’à son petit chapiteau
J’entre. Un coussin pour toi, mamie… ?

Chez Isaac, l’Isaac
Dans le petit jardin, il a son potager
Avec son père, il plante des herbes et des légumes
Il aime faire les choses pousser
Du basilic, des épinards,
Dans la chaleur du soleil…

Chez Isaac, l’Isaac
Caché au fond de son armoire, une porte secrète
Qui mène aux combles et à sa salle de jeux cachée
Il peut y jouer toute la journée
Bienvenue à son club PJ*
Et gare aux méchants, il arrive, lui !…

L’Isaac, l’Isaac,
Avec son imagination débordante,
Il se transforme en un super-héros, comme Gekko**,
Il nous coordonne, ses disciples,
Lorsqu’une mission se présente
Pour être prêt à réagir…

L’Isaac, l’Isaac,
Un baiser sur ton front ou sur tes cheveux blond roux,
À trois ans et demi, tu parles de plus en plus…
Tu es gentil, affectueux,
Tu es têtu, tu es farceur
Tu es toujours mon petit prince…

Mais Isaac, l’Isaac,
Ton royaume s’est enrichi avec l’arrivée
De deux autres petits princes, deux grands complices
Quelles seront leurs curiosités ?
À quoi aimeront-ils jouer ?
Pour le moment, en avant, toute !

PAR MAUREEN S

* PJ fait référence aux Pyjamasques (PJ Masks), un dessin animé, dans lequel, chaque nuit trois enfants après avoir enfilé leur pyjama, se transforment en super-héros.
** Gekko est membre des Pyjamasques ; il ne tombe jamais grâce à ses pattes collantes, il a des supers-muscles pour soulever de lourdes charges et son costume peut le camoufler.

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Yehuda

J’ai étudié l’hébreu moderne à Kibbutz Mizra en 1985. Yehuda Artzi était le prof (il était poète aussi) dans une classe de 5 personnes (toutes des filles). Il avait 60 ans à l’époque.

Chez Yehuda, le Yehuda
La petite cabane, privée et silencieuse
Comme sa poésie, exacte et minutieuse
Les choses utiles, les meubles simples
D’un moine triste, exilé et seul
Qui n’a plus envie de rentrer…

Chez Yehuda, le Yehuda
On évite de regarder la vieille photo floue
De son fils aîné mort, en uniforme, pâle et doux
Mais la cafetière bout toujours
Pleine pendant l’éternité
Comme celle de la veuve de Sarepta.

Yehuda, le Yehuda
Nous reprenons la leçon, il la sait par cœur
Il se tient devant nous, désapprobateur
Ses shorts et sandales jamais vus
Dans les rues sombres munichoises
De son enfance lointaine et perdue…

Yehuda, le Yehuda
Prof implacable, opiniâtre, athée
Il éclate soudainement en chansons du passé
Il nous donne sa recette de mousse
En une écriture pointilleuse,
Il tricote, il coud, il fait tout.

Yehuda le Yehuda
Pour être professeur, doucement il nous assure,
On n’a besoin que deux seules choses, mais elles sont dures.
Nous attendons. Et donc, quoi, alors?
Il nous sourit, les yeux plissés
La patience et l’amour des gens.

Mais Yehuda le Yehuda
Il s’arrête de temps en temps luttant pour respirer
Je serais mort très vite si j’avais été à Pompéi.
Les cigales bourdonnent dehors
Dedans les mots sifflent comme des balles.
Mais nous, nous nous sentons aimées…

PAR URSULA

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Letitia

Chez Tisha, la Tisha
Le chat échaudé dort devant la cheminée
Sans peur et rassuré qu’il est bien protégé.
Elle, cette tante éternelle,
S’occupe des enfants négligés
Par leurs parents préoccupés…

Chez Tisha, la Tisha
Artisane de paix, elle n’a pas fondé de foyer
S’interposant avec respect pour tout calmer.
Entendant les disputes clairement
Et parlant au nom des enfants
Elle offre le soulagement…

La Tisha, la Tisha
Petite, ronde, bien en chair, elle adore enrouler
Ses longs cheveux noirs en un beau chignon soigné.
Grâce à sa poitrine généreuse
Les mioches s’accrochent à elle,
A elle toujours si chaleureuse…

La Tisha, la Tisha
On accepte ses remèdes assez souvent hippies :
Le son de l’eau qui coule vous aide à faire pipi…
Une prière rapide adressée
Au grand Saint Antoine de Padoue
Pour retrouver une chose égarée….

La Tisha, la Tisha
Franche et honnête, elle n’a pas la langue dans sa poche…
Ses réponses sont justes, vives et sans reproches.
Ses histoires drôles, ses cajoleries,
Ses facéties, ses espiègleries,
Toutes ses blagues amusent les gosses…

Mais Tisha, la Tisha
Ne peut plus répondre aux enfants sur cette terre
Ne peut plus consoler les enfants nés sans mère.
Mais bon ! Ils perdurent, ses dictons…
A table ne vous disputez pas
C’est mauvais pour la digestion…

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Madeleine

Chez Madeleine, la Madeleine
Sa maison est ouverte aux nouveaux arrivés,
Ses bonnes ignorent sa parole dure
Et travaillent heureuses de cuire et de nettoyer,
Ses hôtes ne doivent qu’apporter
Un peu d’amusement et un manque de solennité…

Chez Madeleine, la Madeleine
On est n’importe qui, on vient n’importe quand,
Et elle méprise les règles et les bureaucraties
Elle partage les fastes de l’intendance militaire
Avec tout le monde sauf les ennuyeux,
Les avares, les vantards et les pieux…

La Madeleine, La Madeleine
Autochtone d’une patrie non-européenne
J’étais accueillie avec une certaine froideur,
La première Australienne.
Avec une grande absence de tact
Elle dit au moins pas Autrichienne…

Mais Madeleine, la Madeleine,
La manière brusque et le ton vif cachent le cœur doux,
Elle hait les animaux, mais quand ils sont cruels
Les gamins de la rue vraiment
Regrettent leurs actes détectés
D’une fenêtre et vite punis…

Mais Madeleine, la Madeleine
Ne se soucie d’alerter ni police ni prison
Il y a des boulots pour les petits dans son jardin,
Elle n’est ni la mère ni la sœur
Mais offre du gâteau éponyme
Et une absence de réprimandes…

PAR CARMEL MAGUIRE

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Caroline

Chez Caroline, ma Caroline
Sa maison est ouverte pour toute la marmaille
Le jardin, la piscine, ses enfants, leurs amis.
La cuisine à tort et à travers
Fournit une nourriture saine.
Ceux qui ont la fringale, ils mangent à leur faim…

Chez Caroline, la Caroline
Tous les jours elle étend le linge sur la corde,
Mais elle s’arrête pour caresser la pauvre chatte malade.
La fille cuisine sans sucre un grand tas de madeleines.
Maman ne la gronde pas, l’erreur est humaine.
Même un roi a brulé des gâteaux…

La Caroline, la Caroline
Pour coudre les couvre-lits exquis elle a le vent
En poupe. Mais vouloir, c’est pouvoir trouver le temps.
Les polissons causent des ennuis
Elle ne sort pas de ses gonds
Quand ils font des bêtises…

Ah Caroline, ma Caroline
La maman des poissons elle est bien gentille.
Laisse-les venir à elle pour une enfance enchantée.
Pleine de fêtes, d’anniversaires,
De ballons colorées, les dents perdus.
La petite souris arrive toujours sous l’oreiller…

Mais Caroline, la Caroline
Les enfants sont libres dans la limite des soucis,
Et après tout, à quoi bon froncer les sourcils,
A quoi bon les empêcher de jouer à leurs jeux,
Pour habiter une maison impeccable.
Un fois grandis, ils ne s’en souviendront pas…

PAR ANGELA LOW

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Jean

Chez Jean le Jean,
Sa maison ouverte à tous, même ceux sans adresse,
On pourrait l’appeler la maison de la Sagesse
S’il n’en existait déjà une,
Le long couloir, mal éclairé,
Sans frapper, la porte d’entrée…

Chez Jean, le Jean,
On vient n’importe quand, on est n’importe qui,
On commence un voyage, une expérience divine
Du plancher à la corniche,
Ce sont les livres qui dominent,
La bibliothèque est le guide …

Le Jean, le Jean,
Impressionnante, cette encyclopédie vivante,
Connaissance extraordinaire, de Proust à Voltaire …
Mais la façon dont il explique,
Transmet une certaine magie,
Littérature, vraie vie, c’est sa philosophie…

Le Jean, le Jean
Il est pauvre, à sa table, peu à manger ,
Mais c’est la littérature qui porte la clef…
L’ingestion des mots qui nourrissent,
Cela attise le carnivore,
On mâche, on avale, on dévore,
La littérature, met du beurre dans les épinards…

Le Jean, le Jean,
Des philosophes, il peut réciter une liste bien choisie,
Une liste infinie, de Platon à Merleau Ponty,
C’est la façon dont il le dit,
Qui transmet une certaine magie,
Il ouvre les portes à la bibliothérapie…

Le Jean, le Jean,
Une vie d’abus. Il prend la bouteille.
Son apparence physique fait penser au tragique,
Sa peau rugueuse, son dos courbé,
Mais en l’écoutant, cela n’est pas important…

Cher Jean, le Jean,
L’approche de la mort est loin de le troubler
Ce n’est pas une épine dans son pied.
On sent sa soumission étonnante
On sait aussi sa trace permanente

PAR AMANDA

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Joy

Chez Joy, la Joy
Sa maison ouverte est un havre de détente,
Pour une enfant unique, souvent solitaire.
Elle est une cuisinière douée…
Ses recettes sont délicieuses,
Elle est une tante affectueuse….

Chez Joy, la Joy
Tout le monde admire sa bonne réputation…
Et son talent de couturière.
Sa maison pleine de fleurs et de livres
Et beaucoup d’amis qui partagent les vivres.
Chaque dimanche ses copines jouent au bridge…

La Joy, chez Joy
Elle est joyeuse par son nom et par nature…
Elle est la meilleure confidente.
Toujours sage, rarement critique.
Toujours à la mode, avec un style magnifique.
Une campagnarde, elle a confiance en- elle.

La Joy, chère Joy
Comme une femme autodidacte, sans éducation,
Elle découvre la lecture et sa fascination.
Elle adore la mythologie grecque,
Et les romans historiques.
À cause de la guerre elle est pacifiste.

La Joy, la Joy
Elle aime le ballet et aussi l’opéra.
Elle a assisté au Ballet Russe
À Sydney avant la guerre, c’est une idylle.
Nous assistons à beaucoup de shows ensemble.
Je sais que jusqu’à la fin, elle aime le vin et un bon repas.

Chère Joy, chère Joy
Comme Cendrillon elle a une sœur moche…
Je suis la cible de sa critique.
Avec moi la sœur est cruelle et dure.
Face à elle, Joy reste mon sauveur,
Toute ma vie, mon soutien et mon alliée…

PAR ANN B

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Hope

C’est un après-midi en hiver et mon premier souvenir de Hope remonte à une petite fête pour sa fille, chez elle : nous, les enfants, sommes divertis par un spectacle de marionnettes. Le mari de Hope a sculpté en bois les marionnettes qu’il manipule sur scène. Hope a cousu les vêtements des personnages. Ensemble, les deux ont écrit le scénario. De cet évènement surgit une amitié pour la vie.

Premièrement, Hope est une grande liseuse. La maison est pleine à craquer de toutes sortes de livres : la fiction contemporaine, l’histoire, l’art, la poésie – et la politique, parce que son mari est journaliste parlementaire. Plus tard, Hope devient libraire, mais à l’époque elle s’occupe des enfants, du jardin et de la cuisine – et quelle cuisine ! Elle est la meilleure cuisinière que je n’aie jamais connue. Née à la campagne à l’ouest de l’Australie, elle a grandi dans un quartier italien à Perth. Elle nous a décrit une épicerie là-bas, une épicerie comme une caverne d’Ali Baba, avec ses odeurs de saucisson, de poissons secs, de lentilles et de café.

Dans son jardin, elle ressemble à une paysanne Italienne qui cultive ses artichauts (chose rare à Canberra dans les années cinquante !). Avec un foulard sur la tête pour retenir ses cheveux noirs et longs, elle fait pousser une longue liste de fruits et de légumes : fèves, laitues, petits pois, pommes de terre, asperges, prunes, cassis, framboises … Et nous, les jeunes, goûtons des pizzas faites maison, des madeleines et des gâteaux.

Son caractère n’est pas toujours doux. Acide et acerbe, elle engueule tous les gens destructeurs de l’environnement et ceux qui n’apprécient pas l’art et la beauté. Elle est une femme de conviction.

Je garde une image d’elle en tête : haute comme trois pommes, avec ses pieds si petits et élégants, vêtue d’une robe simple en lin noir, ses bracelets autour de son avant-bras et ses cheveux relevés en chignon banane. Assise dans son fauteuil, elle regarde rêveusement le plaqueminier dans le jardin, un recueil de poésie à portée de la main.

PAR ROSE CHENEY

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