François Garde

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE
inspirés par 'Ce qu'il advint du sauvage blanc' de François Garde.

Lettre 1

Extraits d’une lettre du président de la Société française de géographie (Paris) à un jeune aventurier, Octave de Vallombrun (Sydney)

Paris, le 15 août 1861

Mon cher Octave,

La semaine dernière, j’ai reçu votre longue lettre tant attendue et, après l’avoir soigneusement étudiée, je m’empresse d’y répondre aujourd’hui […]

Lorsque je vous ai ouvert ma porte en octobre 1857, j’ai rapidement reconnu en vous un jeune homme plein de curiosité, d’énergie et d’enthousiasme, un homme prêt à parcourir le monde. Je me suis rendu compte qu’il pouvait contribuer à notre propre société et faire progresser la connaissance scientifique. Entre-temps, je n’ai pas été déçu car vous avez répondu à toutes mes attentes et espoirs. Vous avez admirablement servi la Science. Maintenant, vous faites face à un autre grand défi sous la forme du « sauvage blanc ». Sans doute vous acquitterez-vous de vos obligations à l’égard de ce malheureux avec diligence et dévouement. J’ai confiance en vous et en vos capacités. […]

Comme vous l’avez compris, le gouverneur, un Anglais, se trouve devant un dilemme difficile : il a la responsabilité de ce Français, de ce sauvage muet et il n’y a pas, dans la colonie, d’homme convenable à qui il puisse déléguer la tâche délicate de prendre soin de lui. Dans cette situation, il s’est tourné vers vous, un jeune Français, cultivé et bien instruit qui, il le sait bien, va se conduire avec prudence et intégrité. Par conséquent, je suis ravi que vous, après mûre réflexion, ayez accepté ce défi.

Ayant passé 17 ans avec une tribu indigène, cet individu a dû régresser à un état primitif. Il a tout perdu : sa famille, ses amis, son pays natal, sa vie professionnelle, sa langue maternelle et surtout, la plus grande perte au demeurant, sa foi catholique. Sans doute, aurez-vous envie de le ramener à la civilisation, à tous les bienfaits d’une vie civilisée, mais, ne négligez pas, je vous en supplie, les besoins de son âme immortelle car tout le reste devient insignifiant à côté du salut éternel de cet enfant de Dieu. Ce qui est primordial, c’est l’observance de ses obligations religieuses. Conscient de la profondeur de votre propre foi, mon cher Octave, je me rends compte que ces conseils ne sont pas vraiment nécessaires, mais, aujourd’hui étant la fête de l’Assomption de la Vierge Marie, j’ai décidé de les inclure. En effet, j’ai prié pour vous et votre protégé ce matin à la sainte Messe.

En ce qui concerne votre désir de trouver une compagne convenable, je vous conseille d’attendre. Dans ma jeunesse, je me suis trouvé dans une situation semblable à la vôtre mais, grâce à Dieu, j’ai résisté aux charmes d’une femme protestante et, maintenant, j’habite tranquillement avec ma chère épouse, une pieuse catholique. Soyez patient, Octave, car vous êtes encore jeune et vous avez un travail important à faire. […]

Croyez, mon cher Octave, en l’expression de ma plus haute considération…

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Paris, le 7 mai 1861

De : Le président de la Société française de géographie.
A l’attention de M. Octave de Vallombrun.

Mon cher Octave,

Merci pour votre lettre du 5 mars. Il a été intéressant de recevoir les rapports de tous vos voyages. Je me rends compte que je connais peu de l’Australie. En fait toute la région du Pacifique est mystérieuse pour la plupart des Français. Nous nous souvenons des noms d’explorateurs tels que La Pérouse, Baudin et Freycinet, malheureusement ils sont morts depuis près de cent ans.

J’ai toujours cru qu’il fallait voyager pour trouver une autre vie, un autre point de vue, peut-être une autre civilisation mais c’est peut-être trop tard pour moi et je dois me fier aux expériences de nos jeunes explorateurs.

Votre loyauté envers moi reflète votre sens des valeurs familiales. Vos voyages et votre aide à Monsieur Pelletier seront reconnus à votre retour. Récemment j’ai discuté vos exploits avec le ministre des Affaires étrangères, il était très attentif. Je suis heureux que vous ayez rencontré des personnes aimables à Sydney mais je dois vous conseiller de considérer le mariage très attentivement. Je suis sûr que votre père serait d’accord avec moi. J’espère que la jeune femme plaisantait lors qu’elle a décrit à la fois votre pays et votre religion. J’ai compris que M. Pelletier avait l’impression d’avoir été kidnappé plutôt que d’être sauvé. Sans doute avait-il peur des armes à feu portées par l’équipage.

Malgré l’expérience de la vie dans la tribu indigène, il est citoyen français et doit être traité avec dignité. Il lui faudra un certain temps pour s’adapter, pour retrouver sa langue et pour réapprendre à être civilisé. Je sais que vous comprenez ses limites et j’applaudis votre inquiétude pour son bien-être et son avenir. Je dois dire que j’ai été très ému par votre description de ce pauvre homme ressemblant à un animal traqué. Quelle douleur, quelle terreur a-t-il endurée […].

Vous remarquerez de nombreux changements à votre retour. Les boulevards sont plus larges et il y a beaucoup de nouveaux immeubles dans la ville.

Bon voyage, et mes salutations distinguées.

PAR ANN B

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Paris, le quatorze juillet 1861

Monsieur Octave de Vallombrun,

J’ai reçu votre communiqué du 5 janvier et je suis heureux que vous ayez commencé à vous tailler une nouvelle vie en Australie. En assumant brièvement un rôle paternel, je ne suis pas sûr que vous deviez contempler un mariage qui scandalise votre beau-père prospectif. Sans doute avez-vous accepté la proposition pour vaincre cette peur du futur avec un sauvage blanc ?

Cette ville toute nouvelle, bien entendu, ne manque pas d’attraits. Cependant, il me faut dire que le gouverneur vous a offert un grand privilège en vous demandant de se débarrasser d’un problème de la colonie dans l’intérêt de la société. Le mythe du « bon sauvage » répandu par Montaigne a permis aux écrivains contemporains de développer une forme de critique sociale sur les aberrations et les injustices de la société. En tant que géographe, vous partagez la tradition glorieuse des grands voyageurs qui continuent à découvrir les tribus humaines, les animaux, et le monde entier. Je suis au courant de la philosophie politique de Montaigne, bâtie autour de l’idée que l’homme est naturellement bon et que la société le corrompt. Ce n’est pas le cas de Narcisse, un matelot simple abandonné sur une rive inconnue du navire français. Nous devons agir comme des ambassadeurs de vertus de la constitution française et le ramener en France. Vous avez plein titre à vous occuper d’un compatriote. En plus, c’est votre devoir !

Mes conseils restent les mêmes. Vous pouvez poursuivre votre ambition de parcourir seul le vaste monde. Trouvez la famille de Narcisse, et notre Société va vous y aider. Trouvez-lui un logement dans un petit village chaud au Sud ; cela ne vous prendra pas plus d’un an pour y parvenir, et vous pourrez reprendre la route. Oubliez la fille du père narquois à Sydney. Après la fin de votre voyage autour du monde, choisissez une jeune fille d’une bonne famille française. Peut-être pourrai-je vous assister.

Croyez, Monsieur Octave de Vallombrun, en mes sincères salutations.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Le ronronnement du monde

Dans les années 70, un couple australien partit de Sydney à destination de Londres pour leur premier voyage à l’étranger. En pleine nuit, ils arrivèrent à Bombay (dit Mumbai depuis 1995) pour une escale. Ce qui suit sont les premières impressions de la femme.

L’air, l’air de l’Inde. Cet air entrait dans ses narines, dans sa bouche, ses yeux, ses oreilles, jusqu’aux pores ouverts de sa peau. Cet air si différent de l’air léger de l’Australie, la Grande Terre du Sud. Jamais auparavant n’avait-elle ressenti un souffle si épais, si chaud, si tangible. Omniprésent comme le reniflement d’un animal géant, la respiration rassurante et régulière, basse, et vitale. Une vague chaleureuse l’envahit, l’entoura, l’emmaillotta comme des langes, les langes de l’Inde. Dans l’obscurité de la nuit, elle était étreinte, caressée par le souffle de ce vaste pays, un pays abritant des milliards de créatures. Elle voulait absorber ce continent, toutes ses odeurs, ses goûts, sons et textures, être assimilée dans l’âme même de l’Inde.

Mais, tout à coup, un flash de lumière à travers le tarmac, la voix saccadée d’un mégaphone aboyant ses instructions. Le ronronnement de son monde fut rompu. « Attention ! Les passagers du vol QF212 sont priés de se diriger vers le hall des arrivées, porte 10 ». Etonnée, elle serra fermement la main de son mari.

Dans la lumière aveuglante du hall, elle cligna des yeux. Quel chaos ! Quelle cacophonie ! Elle se sentit submergée, menacée par le bruit assourdissant, l’odeur suffocante, l’air épais, la fumée de cigarettes, par la singularité de cette vie fourmillante. Puis, avec force, elle se sentit déchirée de la main chaleureuse et familière à côté d’elle, et conduite avec d’autres femmes vers une enceinte en toile de jute où se tenaient des femmes-soldats, mitraillettes à la main. Une des femmes-soldats la prit par le bras et la fouilla en murmurant des sons apaisants. Elle ferma les yeux et se rendit aux mains étrangères. Puis, soudain, elle se retrouva de nouveau dans le hall avec son mari. En un instant et pour la première fois, elle comprit que ce brouhaha, ce bourdonnement chaotique faisait partie du ronronnement du monde, que ces sons, si discordants à ses oreilles, étaient en fait incorporés à la musique des sphères.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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1958, une année mémorable

Pour elle, 1958 était une année mémorable et significative. Un autre moment important dans sa vie était le 18 décembre. Ce jour-là, alors qu’on fêtait le vingt et unième anniversaire de sa chère amie Annette, sa vie se transforma. Les souvenirs d’une chaude soirée d’été, au clair de lune, les cigales bruyantes, la musique forte et rythmique, les invités pleins d’exubérance, joyeux. Le punch coulait à flot, la bière aussi. Les fumées de cigarettes remplissaient l’air. Les femmes étaient magnifiques dans leur soie, leur taffetas, leur dentelle. Très chic. Les hommes en smoking ou en costumes étaient très beaux, bronzés, très masculins. Les lumières féeriques qui brillaient dans les arbres et autour de la piste de danse se reflétaient dans les visages heureux de la foule. La conversation pétillait, les rires montaient. C’était une occasion joyeuse, toujours présente dans sa mémoire.

 

Au milieu de la soirée, Camille, le père d’Annette, qui semblait satisfait du succès de la soirée, lui proposa de rencontrer le meilleur ami de son fils de l’université. Ce serait peut-être le coup de foudre… peut-être pas.

Il était très beau, très grand avec de beaux yeux verts. Il avait un sourire généreux, accueillant et amical, des cheveux blonds et la voix douce d’un ténor.
Il dit : « Salut, je m’appelle David ». Ils se serrèrent la main et elle répondit : « Salut ! ». Ils parlèrent de tout et de rien. Elle se sentait attirée, presque hypnotisée, envoûtée. Il lui demanda de danser, le groupe jouait La Mer, des questions valsaient dans sa tête mais elle était heureuse, si heureuse qu’elle avait l’impression que son cœur allait exploser. Il promit de l’appeler le lendemain.

Elle accepta le premier de nombreux rendez-vous. Ils étaient jeunes, il venait de la campagne, et venait de devenir avocat et elle terminait ses études. Il partit travailler sur la côte sud, et elle partit à l’étranger pendant quelques mois. Ils devraient décider de leur avenir.
Finalement ils se marièrent le 11 mai 1961. Une autre date importante pour elle et sa famille.

PAR ANN B

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Lettre de Narcisse au consul de France à Sydney

Cher Monsieur Simon,

Avec beaucoup de retard, je vous écris des mots de gratitude pour avoir restauré ma vie. Au bout de ces deux années, les cauchemars de noyade, de soif et de faim sont devenus moins fréquents. Beaucoup d’autres Européens me voyaient comme un sauvage ; on m’a dit sournois et menteur. Vous, sans jugement, n’avez remarqué ni les cicatrices, ni les gros bourrelets de chair, ni la confusion proche de la folie. Qui, sauf vous, pouvait me réunir avec ma famille, ma langue et ma vie ?

Je voudrais vous assurer que les efforts mutuels pour y arriver m’ont donné une vie de paix et de bonheur que je ne pouvais pas imaginer dans ma jeunesse ou pendant mes années d’exil. Dans mon village de naissance, j’étais une bête de foire. Je l’avais compris. Mais je ne voulais pas devenir une pièce de musée, pour entretenir les journalistes, les pseudo-scientifiques, et les curieux de partout. À la fin de la première année, une amie de mes sœurs est arrivée un après-midi pour me dire qu’il y avait un travail de gardien de phare ici. Marie-Claire est une femme très généreuse, elle m’a offert non seulement un poste, mais aussi sa gentille compagnie, et au soir à la chandelle dans la mise en scène de Ronsard, nous aspirons ensemble à une vie douce et tranquille.

Quelquefois, quand la mer est turbulente et les vagues grandes, je pense aux terreurs de la nuit où le Saint Paul a fait naufrage. Ces affreux souvenirs se dissipent quand je me souviens de la gentillesse de mes frères et sœurs noirs. Ils avaient si peu d’eau, de nourriture et de confort, mais ils m'ont tout offert. En retour, nous, blancs et dominateurs, supérieurs seulement en arrogance, voulons en faire des prisonniers de nos religions.

Je vais adresser cette lettre au bureau du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères car je ne sais pas où vous l’envoyer. J’espère pour la réputation de la France dans le monde que le ministre sera capable de toujours choisir des consuls de votre qualité d’esprit.

Dans l’attente de vous lire, veuillez agréer, Monsieur Simon, mes sincères salutations.
Narcisse Pelletier

PAR CARMEL MAGUIRE

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Saint-Gilles Croix de Ville, Vendée

mai 1877

Au Consulat de France,

Sydney,
 Australie

À Monsieur Eugène Simon,


Tout d’abord, je voudrais vous offrir mes salutations.
Mon nom est Narcisse Pelletier. Il y a deux ans, vous m’avez aidé à revenir à mon ancienne vie dans mon pays natal. Certainement, vous le comprendrez, cela a été une période tumultueuse pour moi et ma famille.
 Quand vous m’avez parlé pour la première fois à Sydney, je me suis senti complètement déconcerté. Je me souviens m’être senti perdu, angoissé et effrayé. Les marins parlaient une langue qui, je le réalise maintenant, était l’anglais mais cela m’a rendu encore plus confus et craintif. Alors lorsque vous m’avez montré des documents avec le nom de ma famille, de mon village, de mon pays, quelque chose a remué dans mon esprit, dans ma mémoire ! Si je ne pouvais communiquer en parlant, je pouvais essayer de comprendre en écrivant.
 C’était en effet un miracle, il semblait que ma langue intérieure, ma langue maternelle était endormie.
 

J’ai eu la chance de rencontrer Monsieur Constant Merland à Nouméa au retour de Sydney. C’est un homme gentil qui est devenu un mentor pour moi. Il m’a aidé à documenter mon histoire. M. Merland était un auditeur sage qui m’a protégé de certains hommes sans trop de scrupules. Mon retour à Saint Gilles était chaleureux et dans un certain sens extraordinaire. Je me suis senti gêné par l’accueil, bien que cela ait été merveilleux de revoir ma famille. Le curé a fait une messe en mon honneur comme si j’étais un héros de guerre.

Maintenant je profite d’une vie tranquille avec ma chère épouse Louise. Nous apprécions la solitude, la paix, le rythme des vagues. Cela me donne l’occasion de m’attarder sur ma vie. Mon adolescence sous le nom d’Amglo, avec Maddeman et sa famille, est profondément enterrée dans le passé. Je me souviens de sa gentillesse et du sens de loyauté qu’il m’a appris.
 Maintenant les années en Australie semblent être un rêve. 
Peut-être que nous nous reverrons en France. Merci encore.


Je reste votre serviteur reconnaissant et humble.

Narcisse Pelletier

PAR ANN B

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Lettre du Phare de Saint-Nazaire

le 8 août 1877

M. le consul de France,
M.E. Simon,

Il y a deux ans, je suis rentré en France après une grande interruption dans ma vie, en Australie. Je vous suis redevable pour toute la patience et la gentillesse que vous m’avez données à Sydney quand j’y suis arrivé dans un état misérable, après avoir quitté ma tribu aborigène, ma famille pendant dix-sept ans. La première semaine passée à Sydney était si difficile : je ne comprenais ni la langue française, ni la culture de cette ville cultivée. Je n’avais que douze ans quand j’ai survécu au naufrage, je n’avais passé que cinq ans à l’école, mais grâce à vous, et mon excellente institutrice, ma langue m’est revenue peu à peu, jusqu’au moment où j’ai pu lire la lettre de mon père, de Vendée. Après un certain temps, je suis retourné en France et j’ai rejoint ma famille. J’écris cette lettre pour vous parler de ma situation actuelle.

Les scientifiques de la Société d’anthropologie m’ont interrogé pendant des mois, sur ma langue perdue, la langue aborigène, les habitudes et les mœurs de la tribu, même leurs danses et leur musique. J’ai expliqué tout ce que je pouvais et ils étaient toujours fascinés. Des sauvages comme ceux-là étaient très peu connus en France. Au bout du compte, j’ai écrit mon propre récit, pour raconter l’histoire exacte, et M. Merland l’a publié, ce qui m’a donné un petit revenu. Il a fallu que mon vocabulaire français s’élargisse pour cette tâche. Aussi ai-je parlé avec mes parents et mes deux frères en détail de toutes mes années chez les Aborigènes, surtout pour expliquer leur gentillesse, pour m’avoir sauvé la vie et pour me traiter comme un des leurs. En secret, je reste fier de mes cicatrices, cachées aujourd’hui sous mes vêtements, mais le vrai souvenir est que j’étais considéré comme un homme parmi mes amis au cœur de la tribu. Les grands trous dans le lobe de mes oreilles sont toujours visibles et provoquent beaucoup de commentaires ici.

Je travaille maintenant comme gardien du phare de Saint-Nazaire. Je préfère cette vie isolée. Je suis marié mais tristement nous n’avons pas d’enfants. En Australie, les enfants m’enchantaient : les bébés dans leur berceau d’écorces, les jeunes qui jouaient tous les jours des jeux de ficelles avec les doigts, les jeux de chasse ou de pêche pour apprendre les compétences pour survivre. La nuit, ils écoutaient toutes les légendes basées sur les étonnantes étoiles étincelantes dans le ciel noir. Quelquefois je regarde les étoiles ici, autour du phare, et en plein air je chante et danse avec la musique de ma tribu… mais ma femme n’aime pas ça.

Je vous prie d’agréer, M. le consul, l’assurance de la haute considération de votre sauvage blanc,
N. Pelletier

PAR ANGELA LOW

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Lettre de Narcisse Pelletier

Lettre de Narcisse Pelletier (Saint-Gilles-sur-Vie, département de la Vendée) à Monsieur G.E. Simon, consul de France (Sydney).

Saint-Gilles-sur-Vie, le 17 décembre 1876

Monsieur le consul,

Presque 2 ans se sont écoulés depuis que j’ai quitté Sydney et je regrette de ne pas vous avoir écrit plus tôt. J’ai souvent pensé à vous, bien sûr, et à votre grande gentillesse envers moi pendant mon séjour avec vous. J’ai peu de souvenirs précis de cette époque-là, mais je sais que vous m’avez aidé à écrire une lettre à mes chers parents et que vous avez communiqué avec eux en mon nom. Pour cela, je vous remercie de tout mon cœur.

Maintenant, je vis ici au village avec mes parents. Heureusement, il y a de la place pour moi car mes frères sont mariés et demeurent dans leur propre maison. Moi aussi, j’espère me marier l’année prochaine. Il y a une veuve dans le village qui est un peu plus âgée que moi et j’ai l’intention de la demander en mariage. Avec elle, j’aimerais m’éloigner de ce village où tout le monde connaît mon histoire. La plupart du temps, je préfère rester à la maison car, lorsque je sors, je suis constamment interrogé sur ma vie en Australie avec ma famille adoptive. De plus, mes parents ont entendu des rumeurs folles et j’ai remarqué que certains villageois avaient peur de moi. Ma vie ici n’est pas facile et je pense souvent à la vie simple que j’ai menée en Australie où je passais la plupart de mes journées à pêcher avec mon frère et à contribuer à notre tribu. Je suis triste de ne pas avoir eu l’opportunité de dire au revoir à ma famille et d’expliquer les raisons de mon départ. Elle me manque beaucoup.

Au cours de l’année passée, j’ai eu plusieurs entretiens avec un homme qui s’appelle M. Merland. Petit à petit, il a gagné ma confiance et peu à peu je lui ai raconté les détails de mon histoire. Parler librement, c’était un tel soulagement. Il a l’intention de faire publier mon récit sans rien y ajouter. Je vous enverrai un exemplaire quand il paraîtra enfin.

Soyez persuadé, Monsieur le consul, de toute ma reconnaissance et de ma plus haute considération,
Narcisse Pelletier

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Je respire enfin

Épuisée, étouffante, haletante, mon cœur battant à mes oreilles comme un tambour, je ferme les yeux pour mieux savourer mon triomphe après une longue marche. Assise par terre. L’herbe sauvage chatouille mes jambes. Le picotement de la sueur entre mes épaules, la chaleur rayonnant en vagues à chaque fois que je prends haleine, j’essaie d’entendre le monde aux alentours. Parmi le caquetage général des oiseaux, quelques-uns sonnent comme une clochette. Au loin, un avion grogne sur sa route aérienne et, plus proche mais invisible, une voiture accélère vers une pente. L’air devient frais sur ma peau avec la ralentissement de mon pouls et j’ouvre les yeux.

Les châtaigniers en fleurs sentent la levure sucrée; leurs fleurs jaune pâle comme le sabayon mis en relief par les feuilles vert clair. En haut ici, je vois à la hauteur des cimes et tout l’espace s’étend devant moi. Le bleu majestueux du ciel taché par des nuages ombrés ; les champs de blé dorés se présentent comme une tapisserie ; une rivière serpente au fond du vallon.

Je respire enfin.

PAR GLENDA BUTLER

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Un son

Un son. Un petit son, léger. Un son comme une souris qui court très doucement, sans faire de bruit. Elle a tendu l’oreille. Elle écoutait. Encore, un son. Un petit craquement. Elle a senti un frisson. Son cœur a sauté. Sa bouche était sèche. Ses yeux sont restés fermés. Ses bras ont picoté. Ses mains étaient froides et moites. Ses jambes sont devenues lourdes. Elle avait l’estomac noué. Elle était agitée, nerveuse, fiévreuse. Son corps tout entier tremblait. Qu’est-ce que c’était ?

Non, pas ça ? Est-ce possible ? Elle n’osait pas y croire, ni espérer. Qu’est-ce que ce son ? Elle a lutté pour entrouvrir les yeux. Qui était là ? Elle a jeté un coup d’œil.

Quelque chose de rouge. Grand et rouge. Si grand qu’il remplissait la chambre. Elle a secoué la tête, elle a ouvert les yeux. Soudain, elle était bien réveillée. Un homme grand et rondelet, habillé en rouge – un pantalon rouge, une veste rouge, un chapeau rouge. Une ceinture noire, large et noire, autour de sa taille corpulente. Une barbe garnie, grande et blanche. Les sourcils épais et blancs. Un visage ridé. Les joues rougeâtres comme des pommes mûres. Les yeux gentils, aimables, chaleureux. Son expression un peu amusée.

Elle s’est redressée. Les yeux écarquillés, elle a demandé d’une voix timide, un peu peureuse, un peu mal à l’aise, mais aussi un peu expectative et en même temps ravie ‘Est-ce vraiment vous, Père Noël ?

PAR HEATHER JOHNSON

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En retard !

La nuit qui enveloppait Alice était épaisse et sombre comme du sirop de mélasse. Elle pataugeait dans la forêt prudemment, avec les yeux bien ouverts et curieux, les oreilles filtrant les bruits inconnus. Elle portait sa robe bleue avec, au-dessus, un tablier blanc taché, les cheveux blonds en désordre. Les mots qu’elle avait entendus, répétés clairement dans sa tête. « Je suis en retard ! En retard ! En retard ! », mais qui prononça ces mots- là ? La question la vexa, et sa curiosité la prit, et la dirigea jusqu’à la forêt à la poursuite de la voix. Alice sentit les brindilles se casser sous ses pieds brusquement, et elle frissonna.

-En retard, en retard ! Je suis en retard !, bredouilla quelqu’un juste devant d’elle puis elle entendit un son d’aspiration.

Le désir de suivre les traces du bruit était irrésistible et Alice poussa une branche de côté et fit un pas soigneusement, puis un autre. Soudain elle eut la sensation de trébucher, de tomber, de tourner , de chuter, de culbuter dans un canal entortillé et noir comme le tube digestif d’un serpent. Enfin Alice atterrit sur une litière douce et molle avec un bruit sourd.

– En retard ! En retard ! La voix continua.

Alice cligna des paupières pour enfin découvrir la provenance de la voix.

Un lapin blanc aux yeux roses. Vêtu d’une redingote. Une montre à gousset entre les mains. Un regard d’inquiétude. Il avait des oreilles longues et pointues couvertes d’une fourrure épaisse et luxuriante comme du velours. Il portait des lunettes rondes au bout de son nez rose. Ses moustaches fines et argentées. «C’est absurde et bizarre » pensa Alice en se frottant les yeux.

Le lapin ne la vit pas. Il se mit debout. Comme par magie, il disparut par une porte cachée.

Alice entendit l’écho

-En retard ! En retard !…

« oui, et si je n’arrive pas à trouver la sortie de ce terrier, moi je serai en retard pour le dîner aussi ! »

PAR CHRISTINE AUSTIN

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C’était l’aube

Il faisait beau ce jour-là. C’était l’aube. Le brouillard ne s’était pas encore levé mais le murmure des gloussements l’avait attirée. Et l’odeur de la paille.

Son museau en l’air, ses yeux qui jetaient des regards furtifs autour du poulailler, elle est entrée en coup de vent sous la clôture. Elle reniflait le fumet d’un lapin.

La renarde est restée par terre, le cœur palpitant, la respiration rapide, silencieuse. Elle pensait à la sensation des coquilles qui craqueraient et des os qui claqueraient entre ses dents. Et quelle agitation de plumes ! Son désir de sang et de chair lui faisait penser de sa prochaine proie et elle imaginait ses renardeaux dans la renardière, affamés.

La cage à poules était mi-cachée par de grands groseilliers verts et des framboisiers rouges, les fruits mûris pendus aux branches.

Mais elle n’était pas idiote, pas elle. Derrière les buissons elle pouvait distinguer une bonne dizaine de poules pondeuses dodues – blanches, brunes et noires – qui dormaient dans les nichoirs avec un œil ouvert.

Elle était gourmande. Donc, elle s’est léché les babines en rêvant du repas à venir. Elle avait envie d’une bouchée de poulet, un petit poulet bien rond – pour elle et pour ses petits. Et en plus, terrifier les poules, ça serait formidable !

Tout d’un coup la renarde a entendu le loquet de la porte du jardin. La jeune fermière a fait son apparition, les longs cheveux roux en queue de cheval. Elle portait une combinaison orange, vive comme le coucher de soleil.

Elle était sage et rusée cette fille, et bien expérimentée malgré sa jeunesse. Elle connaissait très bien les habitudes des renards et des wombats de la vallée. L’aube, l’heure traditionnelle pour les prédateurs. Elle s’attendait à l’arrivée de quelconque animal ce matin.

La renarde l’a vue avec son fusil de chasse et terrifiée du danger, elle est sortie sournoisement, revenant sur ses pas sous la clôture. Pas de volaille aujourd’hui pour sa famille !

PAR ROSE CHENEY

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Une rencontre marquante

Le visage indistinct, la forme intime, familière. Les mouvements connus, souples, gracieux. Elle marchait vers l’homme, des pas courts, mesurés. Est-ce que c’était lui ? Elle ne voulait pas s‘avancer – juste l’observer, observer son visage, observer sa démarche, son humeur, comme une anthropologue. Elle sentait une vague d’angoisse qui soulevait son ventre noué et qui envahissait son corps tremblant. Cette vague déferlait comme un courant fort et dangereux et remontait vers son visage rougissant.

Elle aurait continué à marcher mais lorsque leurs yeux se rencontrèrent, ils se lièrent immédiatement dans un moment de reconnaissance. Ils s’arrêtèrent simultanément.

L’homme ravagé la regardait fixement en fronçant les sourcils. Un regard persistant : les yeux mélancoliques, les cheveux fades et débraillés, le front ridé. Pas un mot, puis un sourire aux lèvres sèches lorsque son ancien amant se révéla. Elle voyait des traces du bel homme du passé – ses fossettes profondes, son sourire chaleureux, son expression ironique. Ils se regardèrent un long moment pendant que son angoisse s’évanouissait. Il lui offrit la main anxieusement. Elle la prit tranquillement avec tendresse et sympathie.

PAR KAREN BRYANT

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Le retour des cinq sens

Un faible parfum antiseptique, pas déplaisant, assaillait son sens de l’odorat. Puis une autre odeur. Etait-ce le parfum d’une rose ? Elle tentait de fermer la bouche pour mieux inspirer. Oui, c’était ça, le parfum d’une rose et un peu de lavande.

Sa bouche était mouillée mais ses lèvres étaient sèches et craquelées. Pas de goût. Elle avait un vague souvenir de l’eau qui coulait dans sa bouche, d’une éponge trempée mais pas d’un verre, de l’eau rafraîchissante, même si elle n’avait pas soif.

Les sons accostaient son ouïe. Clic..clac..clic…clac.… Et des autres plus bas, des chuchotements, un son chuintant, et plus loin un faible ronronnement, interrompu par des signaux sonores courts. Soudain une voix. Une voix familière et chère. La voix sereine et tranquille de sa soeur, Cécile.

– On dit que le dernier sens à être perdu c’est l’odorat, toujours l’odorat. C’est la raison pour laquelle je t’ai apporté ces roses aujourd’hui. Ah, comme tu adorais les roses! Et ce petit coussin rempli de lavande, un souvenir de notre enfance.

Cécile mit le coussin sous la nuque de sa soeur et prit son bras avec une extrême douceur. Elle regardait l’infirmière qui faisait les soins de la patiente. Elle, elle sentit la main fraîche comme un caillou dans une rivière, lisse et calme. Le tissu du petit coussin caressa sa joue, rêche mais bien aimé. Son corps ne bougea pas, les quatre membres immobiles. Elle pouvait ouvrir les yeux.

La lumière brillait, une lumière blanche et artificielle. Elle cligna des yeux ; presque une douleur. Elle plissa les yeux contre cette lumière terrible. Sa soeur se tourna vers elle, regardant son visage chéri, beau comme un ange, sans ride. Cécile caressa ses cheveux ondulés et luisants. Avec effort, elle rouvrit les yeux encore une fois. Un moment de joie ! Soulagée, elle lui sourit.

PAR ANGELA LOW

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Le repêché du torrent

Du noir. Du noir. Le noir le plus profond et effroyable que l’on puisse connaître. Était-il toujours de ce monde ? Est-ce qu’il avait franchi la frontière ? Le froid l’envahissait progressivement, le saisissait à la gorge, aux pieds, lui dévorait les doigts. Ses poumons lui semblaient geler de l’intérieur, à chaque respiration. Son cœur pompa un gros coup et il fut soudain traversé par un flux de chaleur mais il continuait à trembler violemment de froid. Tout tournait dans sa tête et les flashes continuaient à taper sous son crâne. Il entendait des bruits assourdissants comme des klaxons et les hurlements puissants et impitoyables du vent. Il ne pouvait pas bouger. Il voulait mourir.

À peine audible, la voix terriblement faible et lointaine semblait jaillir d’outre-tombe mais il la connaissait. Plissant les yeux, il crut voir quelqu’un à côté de lui. Oui, c’était elle, sa femme chérie, emmitouflée, avec sa doudoune boutonnée jusqu’au cou, sa capuche serrée sur ses cheveux humides. Il la fixa du regard, les larmes avaient envahi ses yeux noisette. Le ciel était d’un noir de Chine, les étoiles et la lune vomissaient leur lumière malade, lissant les reliefs d’une couche de givre. Au cœur de cette nuit glaciale, c’était une drôle de clarté qui s’élevait. En arrière plan, les ténèbres des montagnes, ces pins tendus vers le ciel, des chênes et des frênes dénudés, enchevêtrés comme des tissons de verre.

L’ambulance l’attendait.

PAR DC

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C’est un beau jour bleu

C’est un beau jour bleu. Le soleil brille et la mer m’attire. Je descends là, ce n’est pas loin de la maison et je m’allonge sur le sable accueillant. Je vais m’y reposer un peu et me réchauffer assez pour mieux profiter de la fraîcheur quand je plongerai dans la mer.

La mer est tranquille, il y a peu de vagues, et l’eau rafraîchit mon corps, mon esprit, mon être tout entier. Je nage et je nage, touchant parfois le sable avec mes pieds, parce que la marée n’est pas encore montée.

Maintenant, il est le temps de rentrer. Mais je dois concentrer toute mon attention – c’est une lutte et bientôt c’est inutile. Je nage à contre-courant. Mon oncle qui a vécu sur la falaise a toujours dit que la mer est comme une femme, qui peut changer d’humeur sur un caprice. Sagesse certaine. Ceci est ce qui vient de se passer.

Je suis immobile dans le centre d’un tourbillon, tournoyant autour de moi, vert et bleu. Je suis suspendue en un moment. Je me sens engourdie. Mes yeux, sont-ils fermés ou ouverts ? J’entends un bruit sourd répétitif et ma tête est sur le point d’éclater. Je sais que je me noie, car je ne peux pas sentir le sable sous mes pieds, et quelque chose me tire vers le bas. Je ne peux pas bouger, je ne peux pas crier à l’aide. Je suis seule, toute seule, moi et la mer. Je veux pleurer. Peut-être que je le fais déjà, mais c’est la mer qui le sait mieux, la mer qui prend mes larmes, les ajoutant à ses vagues salées. Combien de larmes a-t-elle pris?

On dit que, quand on est sur le point de mourir, la vie défile devant les yeux, probablement en une série d’images, quelques souvenirs dans un ordre aléatoire – et consciemment je tente de les capturer. Ma mère. Mon père. Mon mari. Mes chats. Ah ! Voilà un chat qui apparaît devant mes yeux. Il court vers moi, sa fourrure rousse, reflétant les rayons du soleil. Il m’appelle, je ne peux pas l’entendre. Il est si beau. Il avance plus près. Je vois sa poitrine forte, ses yeux verts d’émeraude, son nez, son bouche, son front avec lequel il va pousser le mien. Je veux le toucher, le caresser. Mais je sais que je dois le laisser partir. Et maintenant je le vois, glissant le long de l’horizon, son corps étendu entre le ciel et la mer. Tout est en harmonie. Le soleil se couche.

PAR MARGARITA

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Bip, bip, bip

Bip, bip, bip. « Attention, écartez-vous des portières ! » Le bip répétitif qui accompagne la porte qui se ferme. Et puis encore, la voix synthétique de l’annonce. « Attention, écartez-vous des portières ! » Bip, bip, bip. Le bruit des voix des passagers. Le claquement des talons sur le quai qui venaient et partaient. Au loin, le chant d’une pie bavarde.

Tôt le matin, une gare animée. Le bruit des haut-parleurs se mêlait au murmure des voyageurs. Sur le quai, des gens attendaient, leurs valises aux pieds, tandis que des groupes d’amis discutaient leurs voyages à venir. Un jeune couple échangeait un adieu émouvant. Le ronronnement d’un train qui arrivait ne réveilla pas la femme épuisée.

Tout d’un coup, une voix insistante tout près d’elle. « Pardonnez-moi, Madame, ce prochain train… il part pour Blacktown ? » Soudain elle ouvrit les yeux.

Des yeux, des yeux marron. Un énorme nez arrondi. Une bouche mince comme une lime. Des cheveux poivre et sel - très courts et coupés à la brosse. En costume soigneusement repassé - trop large pour lui. Les mains, les ongles méticuleusement propres, jointes comme un prêtre patient. Les chaussures si bien polies que la jeune femme ne pouvait pas cesser de cligner des yeux.

« …Pas celui qui vient, mais le prochain, je crois. »
« Merci, Madame. Elle est drôle la tenue que vous portez, Madame »
Elle avait des taches de stylo sur son pull. « Je me suis réveillée, je me suis habillée, j’ai quitté la maison sans même boire une tasse de thé. » En fait, Claudine ne s’était même pas brossé les dents, ni s’était peignée. Ses lunettes avaient des taches.
« Madame, habillée comme vous l’êtes, vous avez l’air d’une professeure. Êtes-vous professeure ? »
« C’était mon rêve de devenir professeure, mais je ne l’ai jamais réalisé. Manque de chance. »
« Manque de chance ou manque de volonté ? »

Maintenant tout à fait réveillée, la nature bizarre de cette conversation commença à amuser Claudine et un petit sourire chatouilla ses lèvres.

PAR JANINE GARRIER

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Les soeurs du Sacré-Cœur 

J’ai découvert qu’il y avait un groupe de cinq religieuses de l’ordre du Sacré-Cœur qui s’est installé à Sydney en 1865. Leur mission était la fondation d’une école pour jeunes filles. Voici une lettre écrite par une de ces religieuses, qui était destinée à sa mère supérieure.

Sydney, le 7 septembre 1865

Ma sœur,

Lorsque vous m’avez fait l’honneur de me recevoir, une si humble postulante qui ne connaissait rien au service de Notre Seigneur, j’ai accepté de faire un trajet vers Son adulation.

On m’a choisie pour ce voyage à Sydney avec quatre de mes compatriotes avec, pour objectif, la fondation de l’école du Sacré-Cœur dans cette colonie pauvrement desservie. Maintenant que nous sommes arrivées à destination, je voudrais vous instruire sur les détails de notre mission…
Le voyage entre la France et l’Australie fut énormément éprouvant pour notre foi.
L’ignorant traite avec indifférence la nature capricieuse de l’océan. N’ayant jamais tenter une telle expédition, nous fûmes médiocrement préparées, non seulement en ce qui concerne la santé du corps, mais également la santé de nos esprits fragiles.

Ayant calmement commencé, notre périple devint de plus en plus horrible. Après trois semaines de calme, nous nous trouvâmes au cœur d'une tempête épouvantable au Cap. Sans doute n’avais-je jamais connu un tel vent, une telle terreur. Pendant cinq jours épouvantables, la mer nous tourmenta sans cesse, comme des poupées abandonnées. L’une d’entre nous (je ne souhaite pas la nommer) se trouva dans une telle détresse, qu’elle faillit se jeter par-dessus bord. Heureusement, Notre Seigneur écouta nos prières et nous pûmes la sauver avant qu’elle ne puisse damner son âme et finir aux enfers pour une éternité.

Finalement, nous nous trouvons maintenant à Sydney. Le nouveau chapitre commence…

Croyez ma sœur….

PAR JANINE GARRIER

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