Elena Ferrante

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'L'amie prodigieuse' de Elena Ferrante.

Meilleures amies

Je n’ai jamais compris pourquoi nous sommes devenues si bonnes amies. Nous étions tellement différentes. Nous nous sommes rencontrées le premier jour au lycée. J’étais avec mes copines de l’école primaire, toutes nerveuses. Elle se tenait à l’écart ; une fille maigre, sa tunique trop grande, ses jambes éraflées couvertes de bleus. Et ses cheveux ! Un désordre de cheveux roux. Les yeux aussi bleus que le saphir à la pureté rare, qui semblaient à nous provoquer toutes. Je l’ai invitée à nous rejoindre. Elle a refusé.

C’était toujours excitant d’être en maraude avec elle et je m’en souviens encore aujourd’hui, mon cœur dans la gorge, quand je pense à nos escapades ensemble. Elle était sauvage, crue mais elle tenait parole, elle était fidèle et elle ne demandait rien. On était trop différentes pour rester amies.

Au fil des années elle m’a admis que sans moi, elle aurait quitté l’école plus tôt. Elle aimait la paix et la tranquillité de chez moi où nous lisions le Club des cinq et le Club des sept ensemble et fantasmions à des voyages à l’autre bout du monde. Elle était impulsive, intrépide, et toujours sur le qui-vive. Elle s’attirait des ennuis. Elle avait toujours faim, une faim faramineuse. Ma mère marmonnait quelque chose à propos d’une vie difficile mais je ne comprenais rien.

Je me rappelle un jour en plein été. Elle me demanda de l’accompagner à la rivière pour nager. J’étais paralysée, les pieds cloués au sol. J’avais l’interdiction d’aller près de la rivière. Des courants dangereux, des serpents en été et pour une autre raison : les mauvaises familles qui habitaient dans ce quartier. Mon père me tuerait.

Nous traversâmes la ville, le soleil brûlant frappait sur nos têtes. Nous nous étendîmes sur le dos et regardâmes le ciel, et nous essayâmes de visualiser des trognes de brutes dans les eucalyptus imposants en surplomb de la rivière. Je pensais que je pouvais entendre les glissements des serpents dans l’herbe, mais, apaisée par le susurrement des longues herbes dorées et les cigales au chant strident, j’avais oublié les serpents. Pendant des heures nous nageâmes et sautâmes d’un vieux pneu dans l’eau glauque et saumâtre – chaque éclaboussure transformait la lumière rasante du soleil en une pluie d’étincelles. C’était magnifique. Les mauvaises herbes ténébreuses s’accrochaient à nos jambes mais peu importe !

Tout à coup, elle partit en trombe, me laissant toute seule, les mains moites et le cœur en chamade, pour faire face aux conséquences.

PAR DC

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Le défi du billycart

Jenny et moi, nous habitions dans la même rue. Il y avait une cinquantaine d’enfants, une petite tribu de ‘baby boomers’. Nous jouions ensemble dans la rue : au ‘French cricket’ sur le bitume,

entre les autos peu fréquentes, à la poursuite ou à cache-cache, à la marelle avec un dessin tracé à la craie sur la route noire, à des parties de billes ou d’osselets (avec les vrais os sauvegardés des viandes rôties ), à la corde à sauter avec un grand cable tournant de plus en plus vite. Jenny était la championne, même chez les garçons. Quelquefois tout le monde allait à la pêche dans le ruisseau, cherchant des crevettes avec un morceau de boeuf suspendu au bout d’un fil. La prise du jour était cuite dans un bidon vide de kérosène, l’eau bouillant sur un feu. On n’osait pas manger celles qui étaient devenues bleues, elles étaient toxiques, on disait. Jenny ne s’en souciait pas. Elle m’avait enseignée à monter à bicyclette, bien que je vomisse de peur. Une fois, ensemble, nous avons fait du vélo jusqu’au le cimetière de Rookwood. Ah, la trépidation d’aller là bas, si loin. On ne le disait jamais à nos parents.

Les grands garçons firent un ‘billycart’, le châssis en forme de H avec un cageot en bois comme siège. Quatre roues, les grandes en arrière récupérées d’un ancien landau, bien huilées, les pneus solides, en caoutchouc. Pas de freins, pas de volant, pas de guidon, simplement dirigé par une corde qui tournait la traverse en avant en pivot. Il roula très vite en descendant la colline du trottoir. Au fond de la rue, au coin, se trouvait une maison à l’abandon. Personne ne tondait jamais les gazons, le jardin était complètement envahi par la végétation verte, les fenêtres complètement obscurcies en permanence par des stores bruns et miteux. Le bouche-à-oreille disait qu’une très vieille femme y habitait mais on ne l’avait jamais vue. On disait qu’elle était clouée au lit, ou peut-être qu’elle était une sorcière, qu’elle sortait seulement au milieu de la nuit. Nous nous sommes dépêchions toujours devant cette maison.

Sans parler, Jenny m’indiqua mon tour de monter sur le billycart. La peur me figea le sang. La charrette roula, la vitesse monta. Mes mains blanchirent, grimpant le long de la corde. Au dernier moment, au coin, je la tirai à droite, le billycart tourna et s’arrêta dans l’herbe haute et dense de l’accotement de la maison abandonnée. Ouf! Personne n’était là. Mon amie cria hourra et je ne vomis pas.

PAR ANGELA LOW

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L’incident d’un chien, une corde et une nonne en colère en plein jour

Pendant mes années de scolarité, Marie était ma meilleure amie. Comme la Marie de la prière, elle était pleine de grâce : petite, brune, avec une voix basse, jamais en retard pour l’assemblée, douée pour les mathématiques. En contraste, j’étais grande, rousse, avec une voix forte, souvent en retard, maladroite, et nulle en mathématiques, incapable de faire les calculs. Nous sommes arrivées à l’école le même jour au même moment, et sœur Bérénice nous a mises au même pupitre. Marie ne me parlait guère mais elle souriait à mes plaisanteries faibles.

Tout ça changea avec l’incident du chien, de la corde, et de la nonne où Marie me sauva du courroux de sœur Bérénice : c’est ainsi que notre amitié commença.

Un matin un chien, blanchâtre et méchant, apparut dans la cour d’école et vola ma corde à sauter. Il courrait vite vers la rue quand un étudiant ramassa le reste de la corde. Le chien s’arrêta et quelques autres garçons essayaient de saisir la corde. Le chien n’était pas d’accord ; le reste des étudiants poussaient des cris forts ; les étudiantes ajoutaient des cris perçants. Un brouhaha volcanique entrait en éruption.

Entra sœur Bérénice. Elle saisit le collier du chien qui fit tomber la corde. Elle ordonna aux enfants d’aller immédiatement à l’assemblée. Elle confisqua ma corde et la posa dans le petit placard derrière notre salle de classe. Elle nous gronda et promit que la corde ne réapparaîtrait plus jamais. Elle nous donna aussi une heure de retenue. Seulement le chien s’en tira à bon compte.

J’étais désolée. Mon père m’avait donné la corde et il m’avait interdit de l’apporter à l’école. Il me fallait la récupérer. Plongée dans ma misère, j’étais étonnée de sentir le coude de ma voisine contre ma cage thoracique. Alors elle chuchota à mon oreille : « A l’heure de retenue, la nonne quitte toujours la salle pendant quelques minutes. Tu vas ouvrir le placard, saisir la corde, et la cacher dans ton cartable. – Marie, je serai trop lente. – Pas de tout, tu vas le faire. Je vais te couvrir pendant trois minutes, pas plus ».

Ainsi le drame se déroulait. La sœur quitta la salle, je courus vers le placard, ouvris la porte, tombai sur un balai, et quelques bouteilles se brisèrent sur le béton. Aussi vite que possible, je me revins vers mon pupitre : au même moment, sœur Bérénice rentra et demanda : « Qu’est-ce que c’est que ça ? J’ai entendu un bruit ». Marie commença à pleurer immédiatement à chaudes larmes et s’écria, «Ma sœur, ma sœur, Jacques m’a tiré les nattes». En fureur, et sans plus d’enquête, Sœur Bérénice frappa sur les doigts de Jacques avec sa règle en bois. Il était étonné et puis en colère. A la fin de l’après-midi, Jacques attendait dans le couloir et il nous siffla : « Vous allez me payer ça ». La corde à sauter nous manquait toujours et nous avions acquis un ennemi mortel. Mais Marie m’avait sauvé d’un châtiment : mon père, qui n’aimait pas les chiens, m’avait pardonnée : Jacques était vite apaisé par deux bisous brefs de Marie. Soixante-quinze ans plus tard, après deux vies très différentes, notre amitié continue.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Mon Vieil Ami, Davo

Davo était en fait mon plus vieil ami. Il fut baptisé David Jones; malheureusement, c’était une source de moquerie au lycée. Nos familles étaient des amies et voisines et j’étais enfant unique, nous jouions ensemble tout le temps. Il était beau, intelligent, et musical, il était aussi un bon raconteur. En été, nous allions à la plage avec nos familles.

Un jour, le ciel était gris, et le soleil brillait par intervalles, les vagues étaient fortes.
Davo suggéra que nous explorions les roches dans les falaises derrière la plage.
On adorait l’exploration dans les flaques d’eau salée. Là nous trouverions des coquillages colorés, des crabes et des petits poissons dans les flaques laisées par la marée.

Parfois la surface des roches était tellement glissante avec la mousse, j’avais peur de tomber. Je continuais à lui demander de ralentir quand nous montions de roche en roche. Ses jambes étaient plus longues et je ne pouvais pas aller aussi vite que lui. Tout à coup il s’arrêta net. Il trouva un coquillage très joli, les couleurs étaient roses et blanches, en forme d’oreille.

Nous trouvâmes une autre petite flaque d’eau sur un rocher à proximité avec une famille de crabes bleus et orange, toutes de tailles différentes. Là ils se trouvaient quelque jolies algues vertes que nous nous jêtames de l’un à l’autre. Soudain on vîmes beaucoup de crabs. C’était une colonie. Davo mit l’algue autour de sa tête comme une couronne et me dit de faire la même chose. Alors il cria : « Nous sommes le Roi et La Reine de la Terre du crabe. ». Nous ne remarquâmes pas que le ciel était sombre, l’odeur de sel avait changé. Nous entendîmes un grondement de tonnerre. Nous vîmes un éclair et puis, une détonation; la peur me figea le sang. Il me dit, les yeux plissés de ne pas être une lâche. La tempête arriva très rapidement.

La pluie était torrentielle. Nous essayâmes de trouver un abri. Cependant les grottes etaient toutes petites. Je pleurais en cherchant le chemin en retournant vers la plage. Nous n’étions plus un roi ou une reine mais deux gosses très trempés et très effrayés.

PAR ANN B

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La veille de la toussaint

Angela! Je n’avais pas pensé à elle au cours des dernières années. Elle était ma meilleure amie dans le monde pendant ma jeunesse. Sa famille habitait à coté de nous. Leur maison était en face de la nôtre. Facile de faire ‘’le coucou’’ tous les matins. Une famille de trois filles. La mienne, quatre ! J’étais son aînée d’un an. Ça n’avait aucune importance. Nous étions inséparables. C’est difficile de conclure qui, entre nous, prenait la tête et qui suivait. Nous jouions toujours ensemble.

Je me souviens de la veille de la toussaint. Nous nous rencontrâmes à la porte de l’ancien cimetière près de notre banlieue vers trois heures de l’après midi. Nous emportâmes quelques objets que nous appelions « « les objets sacrés » ». Au cimetière les mauvaises odeurs de pourriture étaient si fortes que je pouvais presque les goûter. Nous marchâmes pour trouver un autel. Nous avions plus d’une heure et demie avant que le soleil ne tombe et que les âmes ne soient libérées. Je levai les yeux et vis l’autel parfait, plat et en marbre ! Je passai la main sur le marbre lisse, et le froid, comme des glaçons, me frappa. Angela commença à ranger les objets sacrés sur la tombe. Le soleil commençait à tomber et à jeter des ombres grises partout. Au crépuscule Angela alluma les bougies avec les allumettes qu’elle avait prises du bureau de son père. Je démarrai la musique sombre et triste. Angela commença d’asperger la tombe avec de l’eau bénite et nous commençâmes un chant avec une des incantations que j’avais choisies.

Soudain, un rugissement, Angela sauta et laissa tomber sa bougie en poussant un cri perçant, « Diable ! Les morts ! » Je ris et dis « ne fais pas l’idiote, c’est un chat!’ » Nous continuâmes l’incantation. Sans la bougie d’Angela le cimetière nous donnait la chair de poule. La peur me figea le sang ! Les arbres commencèrent à s’agiter ; j’avais peur que les morts s’échappaient. Les arbres prenaient la forme des spectres, les figurines, la forme des fantômes. Le soleil continua à tomber et rendit le soir cendreux, sinistre et sombre.

PAR PH

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Ma meilleure amie

Noël, elle s’appelait Noël. Ma meilleure amie. Dans la même classe à l’école, férue de danse comme moi, férue de lecture comme moi. Mais elle était à part, entourée d’un petit air de glamour et de raffinement parce que sa mère était divorcée et qu’elle ne voyait guère son père. C’était choquant à cette époque-là : la seule copine de ma connaissance sans deux parents traditionnels. Noël avait sa propre chambre, sa maman conduisait sa propre voiture et pire, elle recevait des hommes and des femmes chez elle. Selon mes parents, c’était scandaleux !

Chez moi, c’était le contraire. Je partageais une chambre avec ma sœur, et mon frère et ma petite sœur dormaient dans la chambre à côté. Donc, pas de solitude : mon rêve était d’être seule. Mes parents étaient croyants, sévères et conformistes. En plus, pas de voiture ! On prenait le bus ou on faisait du vélo.

Un jour, la mère de Noël m’invita à les accompagner à une expédition, une excursion spéciale à la campagne, près de la rivière. Notre projet était de faire du camping, c’est-à-dire, passer la nuit sur une berge sablonneuse de la Murrumbidgee, en pleine nature. Cela n’était jamais arrivé à qui que ce soit chez moi. Je préparai une petite valise – avec une brosse à dents, un pyjama, un maillot de bain, un sac de couchage, une lampe de poche – et hop ! on prit la route vers la brousse.

D’abord, en arrivant à la rivière, Noël et moi, nous ramassâmes du bois sec pour la soirée – en faisant attention aux serpents bien sûr – parce qu’un bon feu de camp était essentiel pour préparer le dîner et pour nous offrir un peu de chaleur dans la fraîcheur du soir. Après, nous courûmes à toute allure vers le fleuve brunâtre, pour voir qui aurait pu arriver de l’autre côté la première. C’était elle !

Les odeurs de boue et de sable remplissaient nos narines au fur et au mesure que l’eau douce caressait notre peau comme la soie. Tout ce dont je me souviens du dîner c’était le maïs grillé. Et alors, nous nous blottissions l’une contre l’autre dans nos sacs de couchage, en admirant le ciel violet foncé, illuminé par des milliers d’étoiles qui étincelaient au-dessus de nos têtes. Quelle sensation d’aventure et de liberté !

Au matin, la cerise sur le gâteau pour combler la magique de notre séjour : l’empreinte d’un serpent dans le sable, tout près de nos têtes. Quelle chance qu’il n’ait pas décidé de nous rejoindre dans nos sacs de couchage !

PAR ROSE CHENEY

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Ma première meilleure amie

Ma première meilleure amie s’appelait Leona Napolitano. Elle avait trois ans et elle habitait dans une maison en briques rouges dans ma rue. Nous habitions dans un rang de gentilles petites maisons assez neuves et assez semblables, chacune avec son propre petit jardin devant et une minuscule cour à l’arrière. Derrière nous, s’étendaient des terrains vagues, mystérieux et inhabités où je n’avais absolument pas le droit d’aller parce que c’était la demeure de rats, de chats sauvages et de je ne sais quelles autres créatures. Notre rue descendait en pente douce vers un marécage d’où se levaient le matin et le soir des rubans de brume et j’avais interdiction absolue de m’en approcher. Quand je rendais visite à Leona, Maman et moi marchions ensemble jusqu’à sa maison au fond de la rue près de la terre interdite.

En été, je voyais Leona presque tous les jours : nos mères buvaient un tas de tasses de thé en bavardant et riant pendant que nous nous amusions à faire semblant d’être médecin et patient ou maman et papa ou professeur et élève ou conducteur et passager ou commerçant et client. C’était toujours moi qui choisissais mon rôle en premier parce que j’avais un an de plus que Leona : ainsi j’étais toujours le médecin, le papa, le conducteur, le professeur ou le commerçant. Quant à Leona, elle ne disait jamais non. C’était comme ça.

Un samedi après-midi nos mères nous laissèrent avec mon père. Ce fut vraiment extraordinaire. Nous regardâmes nos deux mères monter la pente vers l’arrêt de bus au bout de la rue. Maman portait sa plus jolie robe à pois roses et son chapeau blanc à voilette et ses gants blancs alors que Mme Napolitano portait quelque chose de vert foncé. Nous les observâmes jusqu’au moment où elles disparurent au coin. Dans la maison je sentis l’odeur familière d’une pipe et j’entendis la voix forte et excitée du speaker de la T.S.F. Papa était dans le salon où il écoutait les courses de chevaux et je compris immédiatement que c’était l’occasion pour moi d’explorer les tiroirs interdits dans la salle de bains.

D’abord je fus déçue. Seuls quelques flacons bruns remplis de pilules amères. Nous les crachâmes. Beurk ! Puis je les vis – les ciseaux. Totalement interdits. Je fis asseoir Leona sur le siège des toilettes et autour de ses épaules je drapai une cape à la manière du petit chaperon rouge. Clic-clac – c’était si facile – clic-clac. A nos pieds apparaissait un petit tapis de boucles blondes. Tout à coup, Leona commença à hurler des cris perçants et persistants : « Maman ! Maman ! » Mon père arriva. Puis nos mères rentrèrent. Quelles histoires ! Leona, elle était huppée comme un cacatoès mal coiffé. Quelle tragédie ! Personne n’était content. Les mères étaient furieuses.

Plus de soixante-dix ans ont passé depuis ce samedi-là avec Leona. Je me demande si elle se rappelle de moi : je me demande si elle m’a pardonné.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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La Première Rentrée

Martine m’a dit : « Ne t’en fais pas. Je m’occuperai de toi. » Ella m’a saisi la main. Ses petits doigts humides serraient les miens comme des griffes, et j’ai la sensation, même aujourd’hui, qu’elle ne l’a pas encore lâchée. « C’est là qu’on déjeune, » elle m’a informée, en me trainant le long de la cour. « Là, on joue à l’élastique, et là, au chat perché. Mais elles sont toutes tricheuses. Là, on fait pousser des tomates bios, et là, c’est la planque les profs fument pendant la récré, et là c’est la ruche des abeilles tueuses. Sois prudente ! »

Martine savait tout, c’était étonnant. Elle était arrivée seulement une demi-heure avant moi, mais en cette demi-heure elle avait compris tout le système. « Il est interdit aux garçons d’aller de notre côté, » elle me dit avec un regard désapprobateur sur un groupe de gamins pâle, blottis ensemble près d’un arbre. « Sous peine de mort, » elle ajouta désinvolte. J’étais très impressionnée. « Tu veux voir les toilettes ? » Je n’avais pas le choix. J’étais soudée à son bras. Nous courûmes jusqu’à une grande porte avec le mot FILLES était inscrit dessus en lettres jaunes et noires. Nous entrâmes. Il n’y avait personne. Les cabines sentaient horriblement mauvais, un mélange de savon et niche de chien.

A l’arrière de la porte, il y avait un petit truc. Martine le regarda avec sa curiosité dérangeante et infatigable. « Ça sert à quoi ? « demanda-t-elle. Je haussai les épaules. Elle le tourna. C’était dommage, parce qu’après ça, malheureusement on ne pouvait pas rouvrir la porte. Noue étions coincées. On entendit la sonnerie tintant pour le commencement des cours. Mais Martine demeura insouciante. « Tu aimes les éclairs ? » elle dit, en extrayant de sa poche quelque chose de mou et suintante à la forme indiscernable. Je hochai la tête. « Bon. Je déteste ça. Mange-le. C’est un cadeau. » Je le pris. C’était très gentil de sa part. Et au moins, ici, on n’serait pas assassinées par les abeilles tueuses.

PAR URSULA

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