Colette

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'La chatte' de Colette.

Chanson d’oiseau

C’était à l’aube par un matin hivernal et glacial que je tuai ma femme dans notre petit appartement au coin de la rue des Martyrs. Je l’étouffai avec l’oreiller de sa grand-mère. C’était rapide, presque sans bruit. Elle dormait d’un sommeil de plomb au moment de l’acte et elle ne souffrit en rien. Elle ne se réveilla plus, c’est tout.

Après avoir vérifié qu’elle était bien morte – pas de souffle, pas de battement de cœur et cette froideur croissante unique de la peau – j’avais la sensation d’être regardé bien que je sache qu’une telle chose était impossible. Nous habitions au troisième étage qui donnait sur la cour au milieu de laquelle poussait un grand cyprès triste. Mais quand je jetai un coup d’œil par la haute fenêtre en face du lit, je vis le merle.

Il était perché sur une branche de ce cyprès vénérable. Brillant, noir lustré comme un piano à queue, il me regardait droit de ses yeux jaunes, sans ciller. Immédiatement je sus qu’il avait été témoin de tout et qu’il savait tout. Je me précipitai pour tirer les rideaux mais, dans mon agitation, la tringle tomba au sol avec un claquement désespéré. Le merle ne bougeait pas. Il me regardait, impitoyable, comme un juge, comme Dieu. J’attendais paralysé.

Il ouvrit le bec, une paire de ciseaux clignotante dans le sombre soleil du matin et commença à chanter. Sa voix était si claire, si forte. J’écoutais en tremblant. Je tombai à genoux, les larmes aux yeux. Son chant était si – si beau, si compréhensif. Derrière lui, le ciel était blanc comme une toile tendue. Il me remplit d’une conviction d’amour universel et de pardon éternel et je pensais calmement à la morte sur le lit à côté de moi et en même temps avec une joie profonde à la femme vivante qui m’attendait haletante au cœur du Parc Monceau.

Soudain, je sentis la force de quelque chose de doux me frapper la nuque.

« Encore cet oiseau maudit ! Fais-le taire, pour l’amour de dieu ! J’essaie de dormir. »

Je me penchai et je ramassai l’oreiller de sa grand-mère à côté de mes pieds. Je soupirai, comme d’habitude. Et quand je regardai à nouveau par la fenêtre, je me rendis compte que le merle s’était envolé.

PAR URSULA

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Keeper et Emily

La porte de sa chambre était fermée depuis le matin. Le chien reniflait et poussait de petits cris plaintifs. Il énervait tout le monde dans la maison mais personne ne pouvait l’empêcher de gémir ; personne n’avait le cœur de le mettre dehors. Après une longue matinée, il s’assit, en garde, et resta immobile, regardant toujours la porte, comme si elle allait s’ouvrir à chaque instant, en réponse à ses supplications. Il faisait très chaud dans la maison, au premier étage où il attendait fidèlement et son essoufflement alternait avec ses geignements. Derrière la porte le silence régnait. La maison retenait son souffle… de peur qu’une catastrophe n’arrive. Une vieille dame se tenait aux côtés du chien qui partageait son inquiétude. Enfin un bruit ! Des pas trébuchants s’avançaient de l’autre côté de la porte : le chien bondit, les oreilles alertes, les yeux brillants d’espoir, la bouche ouverte. Puis de nouveau, le silence. Le chien gémit. La poignée de la porte tourna et celle-ci s’ouvrit un tout petit peu. Par l’entrebâillement, une voix rauque et chuchotante les pria de lui donner un peu d’eau et peut-être était-il temps d’aller chercher le médecin, après tout, à la consternation de tous. Au son de la voix de sa maitresse, le chien sauta de joie et lécha la main faible qui tenait la poignée. La jeune femme, malade, et son chien, vivant, se regardèrent longuement avec tendresse. Le chien comprit qu’elle allait mourir.

PAR GLENDA BUTLER

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Me promener avec mes amies

La manière dans laquelle je trouvai l’amour et comme je le perdis.

A la fête de village, une femme porta une corbeille mystérieuse : à l’intérieur se trouvait une litière de chiots, très petits, les yeux fermés, poussant des cris perçants. Mais à deuxième vue, je remarquai que ce n’était pas de petits chiots mais de petits wombats ! Leur mère avait été tuée sur la route pendant la saison des amours, laissant derrière elle sa nombreuse progéniture.

Immédiatement, mon cœur fondit et je rentrai chez moi, heureuse d’être propriétaire d’un wombat femelle que j’élevais comme un nourrisson, avec un biberon et un lit d’enfant dans lequel la petite Lola – c’était le nom que je lui donnai – dormait blottie près de ma chatte, Aude.

Pour ma part ce n’était pas difficile de les persuader de vivre ensemble et de me glisser dans leur vie de tendresse mutuelle. Une amitié solide se développait entre nous trois : nous devenions des compagnes inséparables, de toujours. De l’aube au coucher de soleil, pendant des années, nous passions des jours harmonieux ensemble : j’écoutais la radio, elles dormaient à mes pieds ; je préparais les repas somptueux pour partager entre nous, elles jouaient au jardin ; le soir nous nous couchions ensemble, attentives aux besoins de chacune. Nous nous parlions sans aucun mot.

Je dressai le wombat et la chatte à accepter le port d’un harnais miniature pour que nous puissions nous promener ensemble tous les jours au parc. C’est ce que nous faisions jusqu’aux derniers jours.

C’était un après-midi en automne, le ciel bleu clair, radieux, le soleil étincelant sur les futaies vêtues de feuilles écarlates, jaunes, orange. Lola traversa en dandinant la pelouse, vers le tas de compost, avec un air de bonheur, d’animation et d’effervescence. Elle voulut explorer un taillis de buissons qui poussait dans la terre mouillée, qui dégageait une forte odeur de feuilles en décomposition. Aude la suivit volontiers : elle vit une souris.

Tout d’un coup un Rottweiler énorme apparut, ses babines frémissantes, sa proie devant lui. Il frappa fort. Tout fut fini en une fraction de seconde.

PAR ROSE CHENEY

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Odile et le singe capucin

Odile avait accepté les caprices excentriques de son mari Attila qui, se sachant hors la loi, avait acheté un singe capucin et voilà comment Princesse avait pris sa place dans la maison.

Depuis son départ en Afrique, où il travaillait comme journaliste, elles vivaient toutes les deux dans la maison matrimoniale et malgré quelques réticences initiales, Odile avait développé une affection pour Princesse, admirant son intelligence, ses singeries amusantes, en particulier son rituel matinal de s’habiller en pantalon vert et veston rouge, tournoyant les bretelles avec une dextérité étonnante, non sans oublier ses spectacles gymnastiques.

Mais depuis quelque temps, son comportement avait commencé à changer, devenant de plus en plus imprévisible et Odile décida de se renseigner sur les singes en captivité, ce qui la poussa à prendre les reines. Avec le retour imminent de son mari, elle commença à faire des recherches intensives, qui confirmèrent les dangers des singes qui étaient dépourvus de leur environnement naturel et que les singes ne se liaient d’amitié qu’avec une seule personne et qu’ils devenaient de plus en plus agressifs en grandissant.

Dès cet instant, le sourire de Princesse, toutes dents dehors, d’une blancheur nacrée, autrefois une expression de joie, devint un sourire anxieux menaçant, qui lui faisait peur jusqu’au point de provoquer des palpitations de cœur, comme un avertissement de quelque chose à venir, la poussant à concevoir un plan pour exterminer Princesse, avant qu’elle ne se suicide à cause d’une déprime inévitable ( ce qui, selon ces nouveaux renseignements, est le destin des singes en captivité ).

Pour éviter une confrontation inutile avec son mari, se disant que c’était la meilleure chose à faire dans l’intérêt de tous, elle conçut le plan d’empoisonner Princesse, de mettre un milligramme de poison dans sa banane, justifiant parfaitement son acte criminel humanitaire.

Le jour du crime arriva et elle plaça la banane maudite à l’endroit préféré de Princesse et elle alla se coucher ignorant les palpitations de son cœur qui s’accéléraient avec une force effrayante.

Le lendemain matin, Odile se réveilla sans démonstration matinale de Princesse, murmurant avec un soulagement curieux que sa mission était accomplie et elle alla prendre son petit déjeuner, une tasse de thé, deux tranches de pain grillé, de la confiture. Elle approcha la miche de pain avec le couteau qui s’arrêta soudain et Princesse jaillit du pain où elle s’était enfoncée en attendant sa proie, émettant des cris de joie, le choc déclenchant une crise de cardiaque à Odile. Sa mort fut immédiate.

PAR AMANDA

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Aemilia et Brutus

Le lieu : Pompéi, une ville de l’Empire romain. La date : 24 octobre en 79 apr.J.-C. Les personnages : Aemilia, qui avait seize ans ; son père Aninus ; sa belle-mère, Calpurnia ; et son chat, Brutus, son seul confident.

Aemilia comme d’habitude se réveilla à six heures tandis que Brutus l’attendait hors de la chambre. Le mouvement de sa queue, grise et épaisse, signifiait l’impatience. Le ciel s’assombrit. L’air s’alourdit. Où se trouvait-t-elle ? Elle arriva et lui reprocha doucement son miaulement, en même temps elle caressa sa fourrure, en admirant ses yeux d’ambre pur. Allons-y. La porte de la chambre des parents était ouverte et Aemilia entendit Calpurnia dire « Ta fille a un lien anormal avec ce chat ». Son père répondit « Peu commun, peut-être, mais bien moins inquiétant que si sa préférence était pour un jeune élégant ». Aemilie était mortifiée, elle fondit en larmes et s’enfuit de la maison, suivie par Brutus. Elle pensa à sa mère, blessée dans le tremblement de terre 62 apr. J.-C., qui n’avait jamais guéri complètement et qui était morte à la naissance de sa fille l’année suivante. Brutus essaya de patienter jusqu’à la fin des larmes, mais ni elles ni la vitesse de leur promenade ne diminuèrent. Ce matin sa maîtresse ne s’arrêta pas un instant pour dire bonjour aux esclaves en route pour les fouleries. Pire encore, elle ne s’arrêta pas à la maison du poète tragique où son matou courageux aimait lever la jambe et laisser sur la mosaïque la marque fluide de son passage. « Cave canem », pouf ! Est-ce qu’un chat assez pusillanime ferait attention au chien, comme l’étiquette le commandait.

Aemilia cessa de pleurer et elle continua la promenade. Tous les deux arrivèrent à la villa, vaste et luxueuse, de Julia Felix. Soudain, Brutus cessa de suivre sa compagne. Aemilia entendit ses cris et se tourna pour en connaître la cause. Brutus réalisa que l’air devenait plus oppressif et il entendit des sons inattendus. Ceux-ci firent jaillir dans sa mémoire les souvenirs troublants de la série de secousses telluriques des années 60, Il miaula d’une voix de lion. Aemilie, insouciante, continua sa promenade. Brutus retourna vers Aemilie et s’enlaça en « huit » autour de ses chevilles. « Arrête, arrête ! Tu dois m’obéir, je suis ta… » le reste de sa voix fut perdu sous 2,8 mètres de scories et 1,8 mètres de cendres qui engloutirent Pompéi pendant cette journée et la nuit suivante.

Brutus et Aemilie eurent, peut-être par un croc-en-jambe, fait leur entrée dans une cave très profonde où la jeune fille et son chat fringant se retrouvèrent pétrifiés, enlacés et contents.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Mimi et le Rat

Avant de partir en voyage d’affaires à l’étranger, Jean-Paul a assuré à sa femme, Mimi, qu’il avait réparé le toit de leur maison et qu’il était désormais impossible aux rats d’utiliser leur grenier comme lieu de sommeil pendant la journée.

Alors que le ciel commençait à s’éclaircir, Mimi, seule dans son lit, ouvrit largement les yeux. Elle ne fit aucun autre mouvement car elle avait entendu le même son qu’elle avait entendu si souvent auparavant. Et là encore, pas aussi fort qu’avant, mais toujours là. C’était vrai, c’était presque imperceptible, mais elle savait que quelqu’un ou quelque chose était en train de gratter de l’autre côté du plafond juste au-dessus de sa tête et elle l’entendait encore, comme un code morse sauvage, qui essayait de lui dire quelque chose. Ce n’était pas le fruit de son imagination. Mimi en était certaine.

Naturellement, elle avait peur des rats. Ils étaient sales, de viles créatures qui avaient provoqué la peste et la maladie et elle ne voulait pas partager sa belle maison avec un seul d’entre eux. Elle resterait immobile jusqu’à ce que cet intrus insolent se soit enfui et ait cessé de perturber ses pensées et sa vie.

Pendant ce temps, en haut, ce rat se sentait désespéré et devenait de plus en plus impatient, persuadé qu’il risquait très bien de passer le reste de sa vie dans un isolement solitaire sans amour et sans compagnie. En y pensant, il réalisa qu’il devait gratter avec plus de force, afin d’échapper à sa douloureuse solitude.

Mimi pâlit à ce moment précis car elle réalisa que quelqu’un avait réussi à escalader le mur extérieur près de la fenêtre de sa chambre et essayait de soulever les tuiles de ciment noir sur le toit avec une force criminelle. Mimi se leva et laissa échapper un cri à glacer le sang. Une tuile craqua dehors. En haut, le rat se figea. Puis, plus rien.

Une semaine passa calmement. Le matin du retour de son mari, Mimi, comme à son habitude, prit une douche chaude. Tout à coup, des centaines de petites mouches noires plurent du ventilateur sur le corps nu de Mimi.

On trouva le cadavre décomposé d’un bébé opossum dans le coin du grenier au-dessus de la salle de bain. Sa mère avait tenté en vain de sauver son petit du toit réparé.

PAR ROSLYN McFARLAND

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Henri et Vadim

C’était un jour ensoleillé, dans l’après-midi, en juin. Tout était tranquille dans la petite banlieue. Un gazouillis occasionnel d’oiseau dans un arbre rompait de temps en temps le silence. A l’intérieur d’une des maisons, il y avait un petit chien, Henri, un peu espiègle parce qu’il était jeune et qu’il avait encore beaucoup à apprendre. On n’entendait pas de jappement, car le chiot n’était pas seul, mais avec son propriétaire, Vadim, qui attendait le retour de sa charmante femme dans leur petite maison bien rangée.

Henri trouva une feuille et profita de la déchirer en lambeaux et de s’émerveiller du goût étrange du papier dans sa bouche. Soudain il sentit quelque chose de tranchant et de douloureux s’écraser contre son nez. Il glapit de douleur et de surprise. Puis vint la voix de son maître, le réprimandant durement. La queue entre les jambes, il trottina, mais Vadim n’avait pas fini, il lui ordonna de talonner, manifestement dans l’intention de lui infliger une peine supplémentaire. Henri décida cependant de se défendre et se tint debout, poils dressés sur la tête, grondant. Leurs yeux se rencontrèrent, la bataille de volontés avait commencé. Vadim avança, une arme à la main, son beau visage contorsionné, comme si quelque chose était déchaîné en lui. On ne savait pas s’il avait été endommagé par la guerre, ou si sa vraie nature n’acceptait aucune opposition. Paralysé de peur, Henri se figea. Un filet chaud coula le long de sa jambe, laissant une petite flaque sur le sol. Révolté par la vue, Vadim sembla faiblir le premier. Henri se reprit et boulonna à travers la pièce jusqu’au bout de la maison. Vadim retrouva ses esprits et le suivit calmement comme un chasseur réclamant enfin sa proie. Il entra dans la pièce et referma la porte.

Henri plongea sous le lit et se pressa dans un coin, ses yeux seuls brillant dans le noir. Il était en sécurité pour le moment, mais méfiant. Il regarda et attendit. Il y avait de la lourdeur dans l’air.

Soudain la porte s’ouvrit. Un rayon de lumière entra. Elle se tenait là…

PAR MARGARITA

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