Anny Duperey

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés d'un extrait de 'Le Voile noir' d'Anny Duperey

Réminiscence d’une belle sortie


La semaine avant Noël l’année dernière, le plafond de ma chambre s’est effondré !
 Tous les meubles ont dû être enlevés, et j’en ai profité pour mon bureau.
 Photos, feuilles inédites depuis de nombreuses années cachées dans les tiroirs.
 Parmi un tas de photos de ma famille, j’ai trouvé un album de photos de moi 
quand j’avais trois ou quatre ans. Sur chaque photo, je porte un ruban à cheveux.

Oh ! Une réminiscence ! C’étaient toujours des nœuds aux couleurs vives.

 Sur cette photo, ma mère et moi sommes en ville debout ensemble devant un magasin.
 C’est l’hiver pourtant ma mère porte nos manteaux sur son bras. 
Ma mère a l’air élégante, elle est habillée d’une robe en laine noire avec un collier de perles et des boucles d’oreilles. Je porte une tunique sur un pull, des chaussettes longues et des
 chaussures en cuir verni. 

En regardant la photo attentivement, je me souviens que la plupart de mes vêtements 
et ceux de mes filles étaient confectionnés par ma mère ! Elle a cessé de coudre à soixante-dix ans quand elle a oublié comment enfiler le fil de l’aiguille. Pour citer Madame Duperey : « Que d’attention, que d’heures de travail pour me vêtir et que d’amour dans les mains qui cousaient et tricotaient sans relâche”. Malheureusement je n’ai pas hérité de son talent de couturière.


Pourquoi étions-nous là ? Est-ce qu’on allait au cinéma ? Normalement ma mère portait un chapeau et des gants quand elle visitait la ville, mais ici elle est tête nue ! 
Qui était le photographe ? Mon père ? Ma tante ? Ça reste un mystère. Nous semblons 
très heureuses, nous sourions, nous nous tenons la main. Doucement la réminiscence d’une belle sortie me revient à la mémoire.
J’aimerais que ces souvenirs soient plus clairs et moins fugaces.

PAR ANN B

-

L‘objectif embué

Oh ! Une réminiscence ! Le souvenir d’une photographie ancienne. Le souvenir d’une sensation d’enfance qui commence vague et vite devient puissante. L'image coupe le souffle.
C’est le chapeau de ma mère, aux bords flottants, au-dessus de son visage riant. Ainsi revient la profonde douleur de ce jour-là, au bout de quatre-vingt-cinq ans. Je me revois debout, au premier plan, les joues sillonnées de larmes, les mains appuyées sur les yeux, une image pitoyable d’une enfant en détresse.
Pourquoi Maman est-elle si heureuse et ne se soucie pas de moi ? Est-ce qu’elle est incapable de voir que mon maillot est mouillé et plein de sable ?
En effet, personne ne fait attention à moi. Mon père bavarde avec Oncle Clive, un ami de rugby. Ils portent des maillots très modestes, assis en plein soleil. Ma mère et Tante Hazel portent des robes d’été et des chapeaux, assises tout près du mur de soutènement, à la recherche de l’ombre. Les deux femmes rient. Elles ont dû rire, réagir à une blague d’un des hommes. Faire des blagues et raconter des anecdotes restaient l’apanage des hommes dans la classe moyenne dans le Queensland avant la Seconde Guerre Mondiale.
Les vacances ne promettaient pas la cessation du travail pour les femmes. Pour ma mère, que de préparation pour partir, que d’emballage, pas seulement tous les vêtements, mais aussi les jouets et les livres. Pour les grandes fêtes, par exemple, Noël, que d’efforts pour faire aussi un gâteau spécial et pour apporter beaucoup d’autres mets délicats. C’était l'époque sans supermarchés ni dépanneurs.
Ce qui m’intrigue sur cette photographie, c’est l’apparence détendue de mes parents. C’est probablement ce qui a provoqué ma crise de colère… Serait-ce la première fois et le premier endroit où j’ai pris conscience que le monde entier ne dépendait pas de moi ?

PAR CARMEL MAGUIRE

-

La boîte révélatrice

Oh ! Une réminiscence. Mon enfance était un trou noir. En tant qu'adolescente à Sydney, la communication avec ma mère était rare, mon père était toujours absent. Le silence entourait la maison comme un nuage sombre, un monastère où seules les prières résonnaient dans l’obscurité. Ce n'est pas le plus agréable des souvenirs mais c'en est au moins un.

Je plongeais dans un monde isolé où les années de ma jeunesse étaient effacées.
Je vivais au jour le jour… Ma seule consolation était ma passion pour le français qui me transportait dans le monde de l'imagination. D'où venait cette passion ? Est-ce que c'était inné ?

C'était le lendemain de la mort de ma mère que j’ai trouvé la réponse…
J'ai osé entrer dans sa maison à Sydney où elle avait laissé quelques-unes de ses affaires.
Je fouillais dans son argenterie de qualité quand soudain une petite boîte avec un ruban de soie a attiré mon attention. Je l'ai ouverte délicatement. Une boîte pleine de photos !
J'ai pris la première photo… Je l’ai scrutée attentivement. 
J'étais frappée de voir ma famille toute alignée sur le porche d’un château. Au-dessus de la photo se trouvaient les mots écrits à la main : Versailles, notre résidence familiale. Versailles ! Résidence familiale !

En regardant de plus près, j'ai reconnu mon père en tête de file, debout comme un militaire, au milieu, il y avait ma sœur et moi à l'âge de deux ans et ma mère au bout de la ligne, ses mains jointes devant sa taille, ses yeux sans expression, son regard vacant. Derrière, se trouvait une deuxième rangée avec des servantes et des serviteurs, les bonnes portant un tablier blanc à froufrous, les serviteurs vêtus de gilets de couleurs foncées. Des souvenirs très vagues commençaient à me revenir… La sensation d’une vie choyée. J'ai dû parler français en ce temps-là, j’ai dû vivre une vie de luxe en France. J'ai dû vivre cela, oui...
Ce qui me fascine sur cette photo, c'est ce passé qu’on ne m’a jamais expliqué. Une famille avec qui je ne m'identifie pas. Un secret qui reste un mystère. Mais un paradis perdu que je peux rattraper.

PAR AMANDA

-




Using Format