Andreï Makine

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Le testament français' d'Andreï Makine.

Adagio

Ils restèrent assis en silence après que la dernière note plaintive de l’Albinoni Adagio eut disparu, dans la voiture, au-dessus de la falaise, et il la regarda avec des larmes dans les yeux …. tout à coup, sans un mot, il ouvrit la porte et sortit. Il se tenait là, pendant un certain temps, et disparut dans l’obscurité.

Elle resta immobile, remarquant à peine son absence, vaincue par la tristesse et la solitude écrasante que ce morceau de musique avait fait surgir en elle, s’étreignant à la recherche du confort de ses propres bras. Était-ce un souvenir, profondément ancré dans son âme qui était remonté à la surface ? Ou un désir de ….

Il lui devint insupportable d’y rester plus longtemps, regardant la radio silencieuse avec ses deux boutons … et le capitonnage de faux cuir brun, le volant au cercle coupé, les poignées de porte en métal luisant dans la faible lumière de la lune, toute une réalité impersonnelle, statique, niant la tristesse inexplicable et belle à laquelle elle voulait se cramponner.

Elle sortit de la voiture et fut frappée par l’incroyable qui se produisait sous ses yeux. C’était Grégory, en équilibre sur le dessus de la clôture au bord de la falaise, les cheveux farouches au vent, les bras écartés, contestant les éléments de la nature. Elle se figea. Il faisait froid, elle sentait le sel sur son visage et pouvait entendre le grondement de la mer. Il criait quelque chose et elle avait peur : – Ne pas fais ça ! – C’est mon monde, mon univers, ma musique et je te donne tout, à toi ! – Mais tu dois descendre ! – Dis-moi que tu m’aimes ! Sa voix était contraignante, urgente, comment pouvait-elle négocier cela ? « Oui, oui, je t’aime, à travers ta musique », cria-t-elle dans le vent. Elle ne pouvait pas trouver d’autres mots…

Car elle ne pouvait pas, même maintenant, avouer un amour qui serait faux. Non, à cet instant, dans cette fraction de seconde, elle espérait que Grégory comprendrait : c’est la vérité de la musique qui a le pouvoir d’atteindre le cœur. Et oui, cela peut alors peut-être conduire à l’amour vrai.

Elle se dirigea lentement vers lui, la main tendue, plaidant. Il lut la sincérité dans ses yeux, prit sa main et descendit.

PAR MARGARITA

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Les échos de Sappho

Ce qui suit est un passage des Mémoires de Clothilde de Rosnay (2015). L’auteur y cite un extrait – daté de mercredi, 28 février, 1985 – du journal de sa grand-mère, Caroline Robinet de la Serve, défunte en 2000. Juste avant cette citation, De Rosnay annonce qu’elle peut se rappeler clairement le jour où sa « Grand-Grand « lui a raconté le destin de l’œuvre de Sappho, poétesse grecque du 6ième siècle avant. J.-C, et que tous les détails de cette histoire tragique sont restés gravés dans sa mémoire : la destruction délibérée de ces ouvrages par l’Eglise et par les Turcs au cours de mille ans. Combien d’œuvres avaient été détruites ? Sappho a composé au moins 500 poèmes qui étaient arrangés en neuf livres dont le premier à lui seul comptait 1,320 lignes. Et aujourd’hui, qu’en reste-t-il ? Sept cents lignes intelligibles ! Pas plus de sept cents lignes de cette poétesse prolifique, la première poétesse lyrique de la tradition occidentale, la première voix individuelle d’une femme.

« Mais quand j’ai dit : « la première voix individuelle d’une femme », Thilde a tressailli, s’est redressée… Et l’incroyable s’est produit. Elle s’est penchée au-dessus de moi, son visage très proche du mien, ses yeux presque fous, sa voix criarde… – Et Platon ? Les dates de Platon ?… – Euh… vers 400 av. J.-C, ai-je murmuré, alarmée par son regard déchainé. – Et Homère ? a-t-elle crié. – Je ne suis pas sûre.… probablement au 7ième siècle av. J.-C, ma voix… un chuchotement. Je voulais la calmer, l’apaiser, la bercer dans mes bras comme je le faisais quand elle était bébé. – Au 7ième siècle ! Donc, il a vécu avant Sappho, cet Homère, et son œuvre a survécu, non ? Son ton était rude, dédaigneux. – Nous ne connaissons pas les dates exactes, mais oui, avant Sappho. Voyant le fil de ses pensées, je devinais sa prochaine question. – Et ces hommes importants, combien de leurs œuvres existent encore aujourd’hui ? la totalité, je suppose ? – Oui, pratiquement. A ce moment-là, elle a disparu, cette petite-fille, si chère à mon cœur avec sa tête tondue, ses chevilles tatouées aux ailes discrètes juste visibles au-dessus de ses bottines noires. Elle était ma messagère des dieux, cette gamine. Je l’adorais… les sanglots émergeants de la salle de bain me brisaient le cœur. Mais enfin elle est reparue, sérieuse, avec deux tasses de thé. La conversation n’était pas finie. – Je ne comprends pas, m’a-t-elle dit calmement, comment ces sept cents lignes de Sappho ont survécu. J’ai souri. – Grâce aux hommes importants, Aristote, Platon et les autres, qui les ont citées, ma chérie. Et grâce aussi à des momies. – Des momies ?!… – Oui, des momies… A la fin du 19ième siècle, deux archéologues allemands ont découvert plusieurs bandes de papyrus dans la bouche de crocodiles momifiés. Et comme par miracle, les mots de Sappho !… Silence stupéfié… Puis, Thilde et moi avons éclaté de rire. Quelle blague ! Ces paroles précieuses utilisées, par hasard, comme rembourrage dans la bouche de crocodiles. La toute-puissance de la parole poétique ! Et pourtant, je sais bien que l’écho de cette histoire s’affaiblira si personne ne la transmet… Après son départ, je me suis promis que j’enverrais à Thilde les mots célèbres de Monique Wittig : « Il y a eu un temps où tu n’as pas été esclave, souviens-toi. Tu t’en vas seule, pleine de rire, tu te baignes le ventre nu … Souviens-toi… ou, à défaut, invente ». Dans les échos de Sappho résonnent les échos de nos vies. »

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Le manteau de Proust

Oui, c’est un miracle ce manteau de Proust, un manteau croisé, doublé de fourrure de loutre et râpé, usé, mangé par les mites…

Dans les années soixante, le décorateur de Luchino Visconti travailla sur une adaptation d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust pour le cinéma. Par hasard, il fut présenté à un homme d’affaires français – un parfumier – passionné de l’écrivain, qui possédait une grande collection de ses biens, et qui lui raconta l’origine de cette obsession.

Un jour, dix-sept ans après la mort de Marcel, cet homme d’affaires souffrit d’une appendicite et le médecin traitant était Monsieur le docteur Robert Proust en personne, le frère de Marcel. Le nom de ce parfumier ? Jacques Guérin. Après l’opération, ce monsieur – qui était un homme cultivé, raffiné et sensible, avec une vraie délicatesse d’esprit – rendit visite à Robert Proust pour payer la facture et il y découvrit l’œuvre complète de l’écrivain, écrite de sa propre main. La passion naquit.

Mais le docteur mourut et sa veuve, Marthe, voulut déménager de leur appartement. Elle laissa derrière elle un bureau en bois de poirier du deuxième Empire, avec des poignées de laiton, et une bibliothèque, qui appartenaient à Marcel. En revanche, la plupart de ses papiers et manuscrits, ses documents et calepins, avaient été brulés par la veuve. Jusqu’à la fin, elle n’exprima qu’une politesse froide à l’égard de son beau-frère, une sorte d’indignation perpétuelle. Non, elle ne voulait pas laisser de trace de l’indécence de Marcel.

Mais par le biais d’un négociant en objets d’occasion, rencontré par hasard et peu scrupuleux, Guérin mit la main sur une énorme collection de correspondance privée de l’écrivain, des partitions de son ami Reynaldo Hahn, des photographies familiales et la première édition de Du côté de chez Swann. Ce négociant révéla que la veuve lui avait offert tous les objets qui restaient de Proust – qu’elle les lui avait donnés pour qu’il fasse ce qu’il voulait de ces biens – un tapis, son lit de laiton couvert de satin bleu usé, sa canne et sa Légion d’Honneur. Interloqué et ému, M. Guérin s’écria « C’est un trésor ! » Il acheta tout sur le coup pour les installer chez lui où il recréa la chambre de Proust.

L’incroyable se produisit : au fond de l’atelier du marchand, Jacques Guérin dénicha le manteau de Proust, très usagé, que Marthe avait offert au négociant pour se chauffer les jambes à la pêche. Le jeune homme le présenta à M. Guérin qui le fit nettoyer, et passa une commande à un ébéniste pour que le manteau soit conservé dans une boîte de teck.

En 1992, Jacques Guérin vendit toute sa collection de manuscrits de Proust aux enchères. Ensuite, il fit don des meubles et des objets personnels de Proust au musée Carnavalet, où on peut les admirer aujourd’hui… tout sauf le manteau qui, entouré de papier de soie dans une boîte en carton, est entreposé dans les archives du musée. Oui, il est trop fragile pour être exposé en public.

PAR ROSE CHENEY

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Le spectacle

Lorsqu’elle arriva sur les lieux du spectacle – dans le magnifique port de Sydney – pour rencontrer son fils et voir Turandot, l’opéra , elle vit tout de suite que son fils – un adolescent boudeur – n’était pas du tout content. Mais, non ! C’était une soirée parfaite, le temps était doux, la mer scintillait au crépuscule : plus tard, la lune brillerait d’une lueur tremblotante.

<< L’héroïne va mourir, je suppose >> dit-il, d’un air moqueur. << Non, pas vraiment, on verra >> répondit-elle, déçue, mais essayant de rester calme. Oui ou non ? insista-t-il. Elle se tut, ne voulant pas entamer une conversation avec lui. Elle trouva leurs places dans les gradins et regarda autour d’elle : c’était superbe… les gratte-ciel imposants de la ville se reflétaient dans les verres de vin ; en arrière-plan, l’Opéra et le pont, les ferrys qui traversaient le port et le faible murmure du clapotis de l’eau. Et sur scène, des décors frappants, avec la pagode chatoyante, la tour impressionnante et les formes dramatiques audacieuses ; un dragon énorme dont la longue queue semblait interminable et qui ressemblait à la grande muraille de Chine et à son histoire en dents de scie. Le spectacle commença, la musique de Puccini avec ses grandes mélodies exaltées et intensément émouvantes. Turandot, la princesse – glaciale, hautaine, belle – chantant de sa tour. Pure magie ! Et puis Calàf, l’étranger : ce beau et magnifique ténor à la voix enchanteresse, obsédé par cette princesse brutale mais irrésistible. Et l’incroyable se produisit. A la fin de son aria bien connue, il maintint le contre-ut… Et tout d’un coup, il frappa la tête du dragon. Les flammes jaillirent de sa gueule. Une vague de chaleur passa sur les spectateurs. La mère vit que les yeux de son fils s’animaient. Il y avait une scène très touchante où Liu, la petite paysanne chinoise amoureuse de Calàf, tout en suppliant, se tua. Il demanda d’une voix brisée de sanglots : – Maman, pourquoi a-t-elle dû mourir ? C’est trop triste. – Oui, c’est l’opéra. En quittant les lieux, il lui avait demandé pardon, disant que c’était super, surtout le dragon et les feux d’artifice et les couleurs vives… Donc, ils partirent, la mère au cœur soulagé, son fils fredonnant à ses côtés. Alors, elle comprit que Puccini prônait une humanité claire et émouvante dans cette histoire pleine de poésie. Il mettait de grandes douleurs dans les petites âmes. Une histoire à perdre le souffle.

PAR DC

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Les collines bleues – le jour où le drame est mort

Cela avait commencé en toute innocence – un acte de bonté de sa part – mais depuis plus de quarante ans, il vit dans un grand vide de silence, perdu et piqué par sa propre tromperie.

C’est arrivé il y a longtemps, quand il était producteur de la série épique radiophonique Les collines bleues dont les émissions avaient commencé en 1949. Au fil des 27 années suivantes, chaque jour à 13 heures et pendant 15 minutes au début du Country Hour, se déroulait la vie domestique quotidienne, simple et intime, de plusieurs familles qui habitaient dans une petite ville fictive australienne. Toujours annoncée par la même mélodie mélancolique qui montait comme une spirale de fumée bleue de Dandenong à Darwin, Les collines bleues était devenue une institution qui avait fascinée un large public d’auditeurs. Être à côté de la radio à 13 heures était aussi automatique que mettre la bouilloire pour faire une tasse de thé.

En tant que producteur il était habitué à recevoir un flux constant de demandes d’auditeurs pour des renseignements, tels que: “Je suis allé en vacances, pourriez-vous me dire ce qui est arrivé pendant mon absence ?” Un jour, le studio a reçu une lettre signée “Claire” et adressée personnellement à Meg MacArthur”, un des personnages de la série… cette lettre était accompagnée par deux petites bottines en laine, tricotées pour le nouveau-né de l’un des personnages! Tout le monde dans le studio trouvait cela hilarant, même le producteur.…mais, néanmoins, celui-ci lui avait répondu pour dire merci – et il lui avait semblé plus gentil de signer “Meg”.

Comme il aurait dû s’y attendre, Claire avait répondu, ravie de recevoir une réponse de “Meg”… et ainsi avait commencé une longue période de correspondance entre l’auditrice Claire et le personnage fictif “Meg”. Claire, bien sûr, continuait à suivre la vie de Meg tous les jours, à 13 heures, mais elle était convaincue que les autres auditeurs n’avaient pas accès à ce côté de Meg qui lui était spécialement réservé. Comme le temps passait, une connexion s’était établie entre les deux femmes, qui s’était transformée en une amitié forte et intime. Les lettres de Claire, reflétant parfois un peu de folie, révélaient sa vie sur une grande station, en tant que femme d’éleveur de bétail sur le bord du désert central : l’isolation, le manque de famille et d’amies, les camions postaux irréguliers et peu fréquents, et les saisons qui suivaient les périodes de mousson: la wet et la dry. Mais la révélation la plus poignante était le manque d’affection de son mari : un homme taciturne qui préférait la solitude ou la compagnie des ouvriers. C’était l’amitié de Meg, Claire l’avait souvent écrit, qui avait rendu tolérable un environnement où elle se sentait piégée depuis le début de son mariage : “Sans ton amitié, je ne serais pas saine d’esprit”. La santé mentale de Claire n’était jamais un sujet dont Meg discutait en retour de courrier.

En 1976, et peu après la décision de l’ABC Radio de mettre fin aux Collines bleues, le producteur a dû faire face aux conséquences de sa tromperie. L’annonce publique serait faite à une date fixe, en grande fanfare. Quel serait l’impact de la disparition de Meg sur l’état mental de Claire ? Elle se rendrait compte que la voix, qui était là depuis si longtemps pour la rassurer que le monde était à peu près comme elle le voyait, n’avait jamais été vraie ? En face de tant d’inconnues et avec un sentiment d’angoisse, il s’était mis à écrire avec le coeur lourd: “Chère Claire, il y a quelque chose que je dois te révéler…”

Pas un mot de Claire depuis…

PAR CM

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Des Hommes et des Dieux

La première scène du film se déroulait dans une chapelle en pierre où des moines portant de longues robes blanches chantaient, ‘a capella’, un chant grégorien en français. Le prieur levait devant lui la Bible ornée d’argent, tout le reste était sombre et simple. Des mots étaient superposés sur la scène, une citation du psaume 82 << Vous êtes des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut. Cependant vous mourrez comme des hommes, comme des princes vous tous tomberez. >>

La chapelle se trouvait dans un petit monastère d’un village isolé au milieu des montagnes algériennes, dans les années 1990. Il n’y demeurait que neuf moines qui menaient une vie simple, une vie paisible de contemplation, dans l’ordre cistercien. Peu à peu, on découvrait leur vie quotidienne. Le prieur intellectuel qui parlait arabe et étudiait le Coran ; Frère Luc, médecin, qui s’occupait du dispensaire et soignait les voisins musulmans ; les autres qui cultivaient des légumes, qui produisaient du miel de leurs ruches et le vendaient au marché local, et qui s’occupaient d’un troupeau de moutons. Ils partageaient leurs repas, comme une famille proche, ils riaient, comme des amis. Ils avaient tissé des relations fraternelles avec les villageois musulmans. Mais c’était une époque difficile, des terroristes avaient égorgé des travailleurs croates, et toutes les autorités et les militaires exhortaient les moines à partir. Après des débats profonds, tous les neuf avaient voté, pour les raisons diverses, de rester chez eux, dans leur monastère menacé. Et l’incroyable s’est produit… pendant que je regardais, une grande peur m’a envahie. Oui, les terroristes sont arrivés avec des armes. On les voyait, dans la scène finale, qui s’éloignaient avec sept moines, à travers la neige, et disparaissaient dans le brouillard de la forêt.

J’étais choquée. Ce film, si beau, m’a donné la chair de poule. J’ai frissonné sous le soleil chaud de Sydney.

Le film était tiré d’une histoire vraie. Mais où étaient les moines maintenant et où étaient les deux survivants ? Après un peu de recherche, j’ai découvert un entretien avec le dernier moine de Tibhirine. A 88 ans, le frère Jean-Paul habite maintenant au Maroc ; il est le dernier témoin, après avoir passé plus de trente ans en Algérie, en tant que moine. Sans rancune, il raconte la perte de ses amis, ses frères. Il cite les mots courageux du prieur face aux terroristes, exactement les mêmes mots que l’on peut entendre dans le film. On apprend la mort des moines, leur assassinat, presque deux mois après leur disparition. Les cercueils finalement découverts, lestés de sable, avec les têtes décapitées à l’intérieur. Les corps jamais retrouvés. Et jusqu’à ce jour, on ne sait s’il faut attribuer Le Crime de Tibhirine au GIA (Groupe Islamique Armée) ou si c’est l’armée algérienne qui avait fait une bavure. Mais, dix ans après, ce film fait revivre une grande tristesse envers ces hommes bons, ces innocents, qui ont été les martyres d’une guerre civile qui n’avait rien à voir avec leur religion.

PAR ANGELA LOW

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Les fleurs de cerisiers

Et pourtant, cette histoire eut un écho… C ‘était à Tokyo. Mon amie me rendit visite et nous partîmes voir le festival de ‘’O-ha-na-mi’’ dans un endroit connu : le cimetière d’Aoyama au printemps. C’était le festival des fleurs de cerisiers. Je ne lui dévoilais pas notre destination.

Lorsque nous arrivâmes dans le vieux cimetière, elle soupira avec agacement ‘’Eh ben dis donc !!! Pourquoi m’as-tu emmenée ici ?? Nous marchâmes lentement vers les monuments si sombres avec leurs inscriptions tristes et qui portaient peut-être les souvenirs de ceux qui étaient venus au cimetière ce jour-là. Pas à pas, elle monta les escaliers raides et soudain… elle vit une scène extraordinaire. Non, les gens disposaient des couvertures par terre. Ils étaient là pour participer à une heureuse fête saisonnière ! Ils étaient vêtus de leurs vêtements de bureau, costumes-cravates pour les hommes, jolies robes colorées et hauts talons pour les femmes. Ils buvaient de l’alcool avidement et mangeaient un pique-nique au goût marqué sous les arbres qui s’étendaient à l’horizon et qui étaient couverts de fleurs de cerisiers.

Elle regarda cette scène avec intérêt pendant quelques moments, comme si c’était une pièce de théâtre. Evidemment, elle trouvait cette scène surprenante et joyeuse : les gens qui se baladaient, riaient et parlaient avec une vivacité extraordinaire ; les travailleurs avec leurs patrons dans une ambiance de convivialité, dans un endroit qui n’était pas habituellement un lieu de bonheur. Oui, dans un cimetière ! Les bons vivants parmi les morts ! Et l’incroyable se produisit. Elle se tourna vers moi, en regardant les fleurs qui étaient belles, fragiles et éphémères, et qui voletaient dans l’air comme des papillons roses s’allongeant doucement par terre. D’un ton grave et triste, elle dit que cette image, dans cet endroit si sobre, lui rappelait que la vie était aussi belle et courte que les fleurs. Un éclat de conscience lui traversa l’esprit et elle pensa à sa mortalité car nous ne passons qu’un court moment sur la terre. ‘’ Oui, mais sois heureuse !, lui dis-je. Il est important de savoir profiter de la vie et de se permettre un bref répit dans notre journée ’’. Elle répondit ‘‘ Finalement, penser à notre mortalité nous permet de vivre avec plus de vigueur ’’.

C’est donc, au milieu des reliquaires saupoudrés de rose et en voyant les fleurs de cerisiers qui tombaient doucement sur ​​les groupes heureux assis par terre, que nous prîmes le temps de nous perdre dans nos propres pensées de la vie et de la mort.

PAR PH

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