Alphonse Daudet

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Tartarin de Tarascon' d'Alphonse Daudet

EXTRAIT #1

Le Baron Donald de Queens

Ma première visite chez le Baron Donald de Queens (1) dans son domaine de Mar-a-Lago en Floride (2) était mémorable. Le Baron acquit le manoir de 126 pièces en 1985 et conserva heureusement la majeure partie de l’extérieur d’origine, mais il ajouta une grande salle de bal. L’architecture de la villa suivait un style hispano-mauresque avec un extérieur en pierre calcaire, des tuiles et des sols en marbre.

De l’entrée principale avec ses magnifiques carreaux espagnols jusqu’à la grande salle de bal, le bâtiment avait l’air héroïque, opulent et prétentieux.

Ô le jardin du Baron Donald !... On y trouvait une petite forêt avec quelques arbres ; des palmiers, des eucalyptus (3), des séquoias (4). Et aussi un verger avec un millier de pommiers en fleurs (5). Le doux parfum des fleurs de cerisier dans la partie la plus formelle du jardin avec les azalées, les roses et les hortensias offrait un arôme délicieux et un spectacle magnifique. Il y avait aussi des portraits de lui dans les buissons de topiaires. Pensez quel sentiment ma visite me donna !

Imaginez-vous un hall d’entrée spectaculaire avec des miroirs aux proportions épiques. Cette célèbre partie de la villa était inspirée de la Galerie des Glaces à Versailles ; à côté de chacun des dix-sept miroirs dorés se trouvait une photographie d’un leader mondial. Sous chaque image, il y avait un écriteau décrivant sa relation avec le Baron Donald. Parmi les dirigeants figuraient des présidents mondiaux actuels tels que Vladimir Poutine (6), Kim Jong Un (7) et Xi Jinping (8). L’écriteau pour Kim Jong Un disait :


Cher ami, sage leader

et pour Poutine,

Un de mes meilleurs supporters.

Nous rencontrâmes le baron dans son bureau, il était vêtu de son costume bleu et de sa cravate rouge habituelle, ses cheveux était d’une couleur blond rougeâtre. Son visage était bronzé et il y avait une étrange odeur non-identifiable. Il avait un grand verre de coca-cola et une assiette de biscuits devant lui sur une table ornée d’or et de marbre. Son sourire raide était froid.

Cet homme, le Baron Donald de Queens, imprésario, entrepreneur, escroc, menteur, survivant, un pur sataniste.

(1) Le baron reçut son titre de monarque obscure d’Europe centrale ayant besoin d’argent
(2) Mar à Lago, c’est un domaine avec une histoire intéressante
(3) L’eucalyptus, gumtree
(4) Le sequoia, redwood tree.
(5) Malus hupehens
(6) Le président de Russie.
(7) Le président de Corée du Nord  
(8) Le président de Chine.

PAR ANN B

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Une vie fleurie

Dans une rue paisible, dans un coin d’une banlieue nouvelle, il y avait une toute petite maison conçue par mon oncle architecte pour sa belle-mère, ma grand-mère, il y a plus de soixante ans. Une minuscule maison blanche, deux chambres, une salle de bain, une cuisine et un salon. On arrivait par le sentier à travers le jardin fleuri. La porte d’entrée se trouvait à l’arrière d’une modeste terrasse ensoleillée, de côté, orientée au nord. Il n’y avait pas d’allée, pas de garage car elle ne conduisait jamais. La porte bleue était flanquée de deux grands pots, faits d’un ancien tonneau, dans lesquels poussaient des petits arbres de kumquat, Fortunella japonica, qui donnaient des fruits pour la marmelade. Un chat dormant au bon soleil. Je me souviens de Hi Jinx, une chatte tigrée, nommée d’après le cheval qui était le vainqueur de La Coupe de Melbourne en 1960, avec une cote de 50 à 1, mais au fil des années il y eut plusieurs autres chats.

Dans le jardin de devant poussait des fleurs normales, communes dans tous les jardins locaux : des roses, des marguerites, des fleurs de lis, des violettes dans l’ombre, des coquelicots, des sauges, un rosier. Ce rosier, très florifère, était fort admiré, mais son nom était oublié ; la plante avait été achetée chez le marchand de légumes. Le jardin derrière la maison était long et étroit. Sous le soleil, près des marches, on trouvait du persil, des fraises, quelquefois des pois de senteur. Mais en regardant au bout du jardin !… un énorme arbre qui dominait tout, un arbre héroïque qui jetait de l’ombre sur tout, un grand chêne, Quercus robur, ‘an English Oak’, un arbre remarquable et rare dans la banlieue de Strathfield. Ma fière grand-mère avait subtilisé un petit gland de Vaucluse House.

Après le tour du jardin, nous nous retrouvâmes dans le salon. Quelques petits meubles importés d’Angleterre se trouvaient ici… le placard d’angle sur le mur, le tabouret de laiton, même des tableaux encadrés de grandes cathédrales, un dessin de York Minster par l’arrière-tante Cleopatra, un jardin du Pays de Galles avec un sentier sur le côté. Un petit radiateur au gaz entouré par des étagères pleines de livres, des livres de poche Penguin avec leur couverture orange. Sur la cheminée, d’étonnants portraits photographiques de ma mère et ma tante, maquillées et illuminées comme des stars de cinéma des années quarante.

Le thé de cinq heures fut servi sur un plateau… la théière en porcelaine, le pot au lait avec son couvercle en filet avec une bordure perlée, le grand sucrier en argenterie, une passoire à thé, des tasses et leur soucoupe, et des assiettes en porcelaine fleurie, des cuillères à thé d’apôtre. Sa spécialité, des sandwiches au concombre, des tartelettes de fruits secs avec leur glaçage rose, et des ‘Welsh cakes’, des gâteaux gallois traditionnels cuisaient dans une poêle.

Ma grand-mère était galloise. Elle arriva en Australie après la première guerre mondiale, comme mariée de guerre. Elle était un petit bout de femme, mince, élégante, gentille, fougueuse, courageuse. Imaginez-vous, pour atteindre les placards du haut dans la cuisine, elle ouvrait les tiroirs et montait dessus comme sur une échelle. Elle devint veuve avec trois jeunes enfants, elle travaillait dans le centre-ville. Pendant la guerre, elle vécut en France avec les soldats, et travailla comme sténodactylo. Là, elle commença à fumer, et à parler français. Elle dut arrêter de fumer à l’âge de soixante-dix ans après une opération pour un cancer du poumon. Puis elle commença à apprendre le français à l’Alliance Française avec sa voisine Mme Braun. Elle mourut à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, toujours lucide, toujours avec des cheveux permanentés.

PAR ANGELA LOW

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L’art pour tous

Le changement de saison arriva souvent sans préavis en Amérique du Nord. Ainsi lorsque le vent fort et la pluie froide interrompirent ma première exploration de la ville de Boston, je me souvins des mots de mon hôtesse ce matin-là : « Il fait toujours chaud et sec chez Mme Gardner ». Ainsi, après avoir abandonné le Back Bay venteux et terne, une ancienne zone marécageuse nommée Fenway, j’entrai dans l’Isabella Stewart Gardner Museum, et je me trouvai dans le jardin d’une cour d’un palais vénitien du quinzième siècle qui en effet était chaud et sec, recouvert d’une verrière. Sous mes pieds, une étendue de carreaux italiens qui imitaient la beauté du tapis persan le plus exquis, et les arbustes à fleurs et les topiaires créaient un espace magique, abrité par tous les temps. Comment, au commencement du dix-neuvième siècle, avait-on pu construire ce jardin et, au-delà,  ce palais ?

Je découvris très vite que le palais ressemblait plus à une résidence qu’à un musée. L’éclairage n’était jamais fort, les dimensions des salles souvent modestes, il n’y avait pas d’étiquettes et d’écriteaux. Mais la collection était éblouissante : peintures, sculptures, meubles, étoffes, dessins, argenterie, céramique, manuscrits enluminés, incunables. Quand les yeux strabiques d’un cardinal apparurent à ma vue, je sus que j’étais arrivée dans la salle Raphaël, où Son Éminence, Tommaso Inghirami, le bibliothécaire du pape (il Bibliotecario di Papa) probablement en 1510, m’attendait sur le mur. La provenance des objets s’étendait depuis la Rome antique, l’Europe médiévale, la Renaissance italienne, l’Asie, le monde islamique, jusqu’au dix-neuvième siècle en France et en Amérique. Mais la naissance de cette folle merveille était l’œuvre d’une seule femme, capable de subjuguer un mari riche, un architecte fameux, des artisans et des ouvriers supervisés, des artistes et musiciens, même Henry James, le lion littéraire de la ville.

La vie d’Isabella, née en 1840 à New York, de parents aisés et convaincus des droits des femmes, mariée à vingt ans avec un banquier d’un an plus âgé fut bouleversée par la mort de leur garçon de deux ans en 1865. Incapable de concevoir d’autres enfants, elle avait trouvé sa consolation et un objectif dans la vie : l’art, les artistes et une détermination fringante de partager l’expérience de l’appréciation de l’art. Ses goûts et certaines excentricités ébouriffaient quelquefois les plumes de la haute société de Boston. Ces traits semblèrent plus notables après la mort de son mari en 1898. Imaginez l’horreur des riches et célèbres en 1912 lorsque, âgée de soixante-douze ans, Isabella apparut au théâtre portant un bandeau « Oh you Red Sox », en soutien pour son équipe new-yorkaise qui avait gagné le tournoi de base-ball.

Les deux portraits de notre héroïne, « Isabella Stewart Gardner » par John Singer Sargent en 1888 et « Isabella Stewart Gardner à Venise » par Anders Zorn en 1894, offrent peu d’indices sur le caractère de cette femme remarquable. La réalité de la force de sa vision est néanmoins partout dans ses réalisations. En donnant en cadeau des bâtiments et un million de dollars dans son testament, elle accomplit son rêve de donner à tout le monde l’opportunité de voir l’art le plus beau. On dit que les structures ajoutées par Renzo Piano en 2016 sont excellentes, mais je soupçonne qu‘Isabella ne pardonnerait jamais aux criminels le vol en 1990 des six Degas, trois Rembrandt parmi treize autres objets précieux. Des œuvres perdues à tout jamais, en dépit d’offres de récompenses immenses.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Une coiffe mythique

Bordant la cour de récréation de notre école se trouvait un petit bâtiment en bardage, gris et trapu. Cette humble structure, autrefois un garage, était le presbytère de notre vénéré curé, le père Frawley. De l’autre côté de cette même cour se trouvait l’imposante église de briques rouges avec son sanctuaire de marbre au fond duquel se trouvait la simple sacristie où dormait le bon prêtre. Ces bâtiments, comme le père Frawley lui-même, faisaient partie de mon enfance.

Derrière le soi-disant presbytère s’élevaient quelques arbres dont un abricotier (Prunus armeniaca) et un mûrier (Morus rubra), généreux géants qui donnaient une ombre bienvenue pendant l’été dans le Queensland. Et l’ombre n’était pas tout ce qu’ils donnaient !... Bien des weekends, mes amies et moi, nous nous dirigions vers ces arbres où nous cueillions goulument des mûres rouges et des abricots ronds et dorés comme le soleil d’hiver. Un tel exploit était, bien entendu, strictement interdit !... Mais si nous étions surprises en flagrant délit, nous avions toujours une excuse toute prête : nous devions cueillir des feuilles pour nos vers à soie affamés !...

Je me souviens bien de mon premier aperçu de l’intérieur de la demeure du père Frawley. C’était un samedi après-midi ensoleillé, il y a plus de 70 ans, où ma meilleure amie, Anne et moi décidâmes, sur un coup de tête et dans l’espoir d’une friandise, de rendre visite à notre curé. Lorsque nous nous présentâmes devant sa porte ouverte, le brave homme nous invita, sans hésitation, dans son presbytère (en réalité un atelier) et nous offrit un verre de sirop d’orange. Nous nous trouvions dans une pièce ombragée avec une image du Sacré-Cœur accrochée à un mur et un crucifix à un autre, un bréviaire usé sur un prie-Dieu et, dans le coin, une statue de la Vierge Marie avec une douce lumière bleue placée devant elle. Des piles de papiers étaient empilées pêle-mêle sur le bureau et là, au milieu de tout ce fatras, gisait la coiffe familière du curé. Imaginez notre surprise ! Nous étions habituées à voir le père Frawley portant ce couvre-chef, une partie de son uniforme. Qui était ce curé sans sa coiffe mythique ?

Nées pendant la Seconde Guerre mondiale et ayant grandi pendant les années qui la suivaient, nous ignorions étrangement son impact sur la vie des adultes qui nous entouraient. Plus tard, nous apprîmes que notre curé était, autrefois, un aumônier militaire, que son chapeau était un casque colonial porté sous les tropiques et que sa tenue perpétuelle (grosses bottes, veste et pantalons gris et légers), provenait des surplus de l’armée. Le curé, à la voix bourrue, qui nous saluait régulièrement dans la cour de récréation, avait un passé curieux.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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