Aimé Césaire
Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'Cahier d'un retour au pays natal' d'Aimé Césaire.
C’était une brave femme
Il n’y a pas à dire : c’était une brave femme.
Tout le monde disait qu’elle était une brave femme ; une très brave femme et une bonne mère.
Dévouée, fidèle, elle accompagnait ses enfants à l’école le matin, et les raccompagnait le soir. Elle faisait le ménage et la lessive sans se plaindre. Elle étendait le linge tous les lundis. Elle répondait aux besoins de tous. Mais…
Son isolement total la rendait silencieuse dans sa misère ; son amour maternel supprimait sa honte profonde ; sa peur de l’avenir obscurcissait ses pensées ; sa dépendance financière la rendait impuissante ; ses vœux de mariage se tapissaient parmi ses souvenirs lointains.
C’était une vraie brave femme
Et les Mères qui attendaient à la porte de l’école chaque après-midi ne voyaient pas les bleus sur les bras et le cou ? Et les Paroissiens à l’église le dimanche ne remarquaient pas les lunettes de soleil qui couvraient ses yeux ? Et les Voisins et Voisines ne remarquaient pas les cris des enfants ni les bruits de violence qui brisaient le silence du soir ?
Un jour, au lever du soleil, elle regarda les visages innocents de ses enfants endormis et elle vit avec clarté le choix imminent…
Et elle part, enfants et valises, après le petit-déjeuner de ce jour habituel. Nerveuse, pleine d’espoir, elle fait son chemin vers la tranquillité, la joie…
Et elle est libérée,
Libre et incertaine
Libre et courageuse
Libre et optimiste
Libre
et
digne.
PAR KAREN BRYANT
-
Une extrême beauté
Il n’y a pas à dire : c’était une femme d’une extrême beauté.
Nous, les femmes banales, l’admirons, jalouses.
C’était une très belle femme. Les couturiers de Paris, de Milan, veulent qu’elle porte leurs vêtements en soie, en laine ultra-fine, haut de gamme. On dit qu’elle est un top-modèle. Haute de stature, mince et chic, élégante. Elle arpente les podiums de défilé de mode avec ses gambettes chaussées de talons hauts. Marche avec la tête haute, les hanches en avant, sans sourire, sans cligner des yeux en face des flashes des appareils. Le maquillage épais définit les pommettes, déguise les cernes. Les faux-cils collés avec un adhésif, les yeux toujours écarquillés, les lèvres charnues formant une moue…. elle tourne….
Nous, les femmes banales, l’applaudissons.
C’était une femme d’une extrême beauté
fabuleuse, anormale….
Il n’y a que dix femmes sur la planète si belles, les top-modèles. Hautes de stature, hautes en salaire, maigres comme un clou, émaciées, écharnées. Ces femmes sont au régime tous les jours, elles fument pour supprimer l’appétit, pour garder le corps mince. Les injections de Botox empêchent les rides. Les paparazzi les poursuivent partout. Elles ne peuvent pas fuir la publicité. Les photos apparaissent dans tous les magazines de luxe, en papier glacé. Les photos manipulées – créer un peau sans défaut.
Les femmes d’une beauté extrême.
et la racaille des femmes banales, jonchées sur talons hauts, dit non !
La racaille rejette les talons
rejette les régimes
rejette le maquillage épais
rejette le Botox
rejette les vêtements de soie, les hauts de gamme
rejette le fardeau de la publicité
et arpente la terre ensoleillée
libre
et
normale
PAR ANGELA LOW
-
Seigneur, aie pitié de mon âme
Il n’y a pas à dire : c’était un bon prêtre.
Les Seigneurs disent que c’était un bon prêtre, un vrai bon prêtre, le bon prêtre à son bon diocèse.
Je dis hurrah!
C’était un très bon prêtre.
L’humilité et la piété l’enveloppaient comme une soutane noire ; boutonnée contre la lumière. Sa vie ponctuée par le rythme de la vie de son troupeau : Baptêmes : Funérailles : Mariages : Confessions : Première communion : une trahison sacrée. Obéissant, il enterrait les sentiments primordiaux pour choisir une vie d’abstinence et de solitude parmi la joie familiale qu’il dirigeait. Il marchait en spirale vers l’abysse ; La force écrasante de la nature battait l’humanité gutturale sans merci.
“Mon dieu mon dieu pourquoi m’avez-vous abandonné ?”
C’était un bon prêtre.
Et il ne lui venait pas à l’idée qu’il pourrait choisir un autre chemin, aveuglément propulsé par une émotion basse et répugnante. Un péché caché et défendu n’existe pas : Un rêve terriblement tentant : Un amour amer : Une violation diabolique. Une proie méritée.
“Souffrez, les petits enfants”
Je dis hurrah ! La vieille institution, grande, fière, impuissante…
Cueillis dans les bras maternels, tous bien aimés sans pitié… infestés d’une tumeur purulente et dormante qui se rompt et se répand sur l’innocence… une odeur d’encens écoeurante.
Et elle est sortie l’horreur, sortie et dévoilée
Dévoilée devant l’humanité
Dévoilée devant la loi
Dévoilée devant la foi
Dévoilée et sans absolution.
PAR CHRISTINE AUSTIN
-
Nos animaux de compagnie
Il n’y a rien à dire : nos animaux de compagnie étaient gâtés.
Les chiots arboraient des oreilles roses, une queue pourpre, une coiffure chic (gâtés, je dis)
les minous portaient un pardessus élégant en laine écossaise de la meilleure qualité sans regarder à la dépense (dorlotés, je déclare)
et des colliers en petits diamants pour les chatons, colliers discrets, pas ostentatoires (favorisés, je soutiens)
et le bœuf de première catégorie pour les chiens, cuit à point ou saignant selon la préférence de l’animal (domestiqués parfaitement, j’affirme)
Mais la femelle était morte
ayant mis bas sa 15ième portée…
son corps…. ravagé, je dis…
son cœur…. usé, ruiné, je déclare…
la femelle était morte.
Dommage, disent les éleveurs. Plus de la moitié de ses chiots ont été vendus à bon prix. Une perte, mais qu’importe, l’autre femelle fournira 10 portées de plus.
Comme nous, les animaux voient et entendent, ils sentent les dangers.
Comme nous, ils hurlent et gémissent, ils souffrent.
Mais c’est nous seuls qui jugeons et condamnons
nous seuls qui portons la culpabilité et la responsabilité
nous seuls qui avons le pouvoir de parler et de contester
mais sommes-nous les seuls qui soyons
sourds
et
muets ?
PAR ERIN GABRIELLE WHITE
-
Un pansement adhésif irréfléchi
Il n’y a pas à dire : ce chanteur-musicien, cette célébrité humaniste,
un coeur de sensibilité, de l’empathie en abondance…
Il avait un grand coeur
Tous les soirs Il voyait, courtoisie de la BBC,
sur le grand écran de sa télé
la famine, la misère, la souffrance
de l’Afrique –
un continent gâché,
la pauvreté enracinée.
Ces peuples avaient besoin d’être sauvés !
Et il avait besoin de les sauver !
Il avait un grand coeur
Il appela ses camarades, tous des célébrités :
« j’ai écrit une chanson et c’est pour nous »
Un véritable caroussel tournant de chanteurs !
Il avait un grand coeur
Á travers leur prisme on voit
une Afrique stéréo-typique non-reconnue :
privée de joie, prisonnière de la pauvreté,
les pauvres qui prient toujours,
les bouches béantes,
les sébiles sans fond aux mains tendues….
Les mots qui commencent son poème :
« Savent-ils que c’est Noël ? »
Mais la plupart des Africains sont chrétiens…
« Où rien ne pousse, pas de pluie ni de rivières coulent »
Mais rappelez-vous le Nil, le Congo et les autres….
« Dans notre monde d’abondance nous pouvons diffuser un sourire de joie »
Mais il vaut mieux diffuser moins de condescendance,
être moins paternaliste…
Et ainsi va la chanson du grand coeur.
Une fois,
deux fois,
trois fois
enregistrée
mais, s’il vous plaît, Sire, c’est nous qui avons besoin d’être sauvés.
Pas. Une. Quatrième. Fois.
PAR CM
-
La souffrance
Il n’y a pas à dire : ils ont toujours souffert.
Il y a toujours eu des enfants, les plus vulnérables, les plus faibles, les pauvres, qui ont souffert depuis la nuit des temps. Les innocents, notre avenir. On pleure leur jeunesse perdue. Les enfants, terrifiés à l’idée d’alerter leurs parents ou d’en parler. Menacés, intimidés, maltraités, par ces hommes de Dieu – ces abrutis – souvent enjôlés dans les familles peu soupçonneuses.
Ils ont toujours souffert
La souffrance infernale : les vies détruites, les âmes et les corps terriblement blessés, les familles déchirées, les suicides…
Ils ont toujours souffert.
Une enquête commença, après des décennies, ils sont grands maintenant ; le moment d’être entendus, d’être crus, d’avoir une voix…
Le cardinal, un homme dur, sans aucune compassion – étrange pour un prêtre. Lui, toujours la victime jamais le coupable. Tout est de la faute des autres. Il n’en sait rien. La réputation de l’église catholique plus importante que les enfants. Un homme de Dieu mais quel dieu ? Un dieu insensible, un dieu impitoyable ?
Honte à lui.
Au Vatican à n’importe quel prix…
Je dis bravo !
Ô quel courage et quelle fierté. Les enfants blessés…
Lentement et inéluctablement, ils peuvent être face à leurs bourreaux
face à leurs démons
face à leurs familles
face à l’église
face à eux- mêmes
face à l’avenir…
Soulagés
Et
Survivants
PAR DC
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Ils doivent être abattus
Il n’y a pas à dire… ils doivent être abattus
Hier, il y avait plus de 30 espèces de rhinocéros sur la planète… mais
aujourd’hui…
Hier, il y avait 65,000 rhinos noirs en Afrique mais aujourd’hui …
Ils doivent être abattus.
De 1970 à 2000, plus de 90% de la population de rhinos est descendue
… pourquoi ? pour leurs cornes !!!
en or… les cornes… le même prix – mais les cornes sont composées de la même kératine que mes ongles.
Ils doivent être abattus.
La plupart des pays en Afrique ont été ravagés par la guerre dans les années soixante dix – résultat…
Problème – pauvreté
Problème – manque d’éducation
Problème – pratiques malhonnêtes
Problème – disponibilités des armes
Problème – l’avarice chinoise et vietnamienne pour la poudre de corne pour leur médecine chinoise – Quelle comédie – les cornes sont composées de la même kératine que mes ongles. Tenez mes ongles et les vôtres !
Ils doivent être abattus
Les rhinocéros étaient sur la planète il y a 60 milliards d’années. Mais ils sont en voie de disparition. Aujourd’hui, nous avons seulement 5 espèces. En 1970 il y en avait 65,000 de ces animaux majestueux noirs en Afrique entière, aujourd’hui il y en a 4, 200.
Malgré la peine de 25 ans de prison le rythme du massacre des rhinocéros s’est accéléré en Afrique du Sud… un toutes les 21 heures.
Je dis qu‘ils doivent être abattus les braconniers pour décourager le massacre de cette espèce…
gardez-les
Sains
et
Saufs
PAR PH
-
C’était une belle exploitation minière
Il n’y a pas à dire : c’était une belle exploitation minière …
Les hommes d’affaires avides, avides, avides
nous ont incité à développer
à redévelopper
à développer encore plus
à tout prix
pour s’enrichir.
C’était une belle exploitation minière …
Le résultat ?
Le monde naturel est en passe de s’écrouler sous le poids de la destruction humaine. Les récifs de corail ont blanchi à cause de l’acidité des océans. La sécheresse a dévasté l’Afrique, la Chine, l’Australie. Il estdevenu plus difficile de cultiver les céréales et les graminées. Les rivières ont tari. Les millions de refugiés ont erré sans but jusqu’à ce qu’ils trouvent une habitation, un repas.
Un bilan sidérant de la domination de l’homme sur les bêtes et sur la terre, qui se vit depuis la Révolution industrielle.
C’était une belle exploitation minière…
Vivons dans la simplicité !
interdisons l’exploration du gaz de schiste
défendons le défrichage de la terre – soit sauvage, soit cultivée
faisons couler les paquebots du monde
abandonnons l’usage des pesticides et des produits chimiques dans nos fermes et nos jardins
Et abandonnons cette belle exploitation minière …
Rêve d’une terre bien nourrie et saine Les rivières limpides Les océans scintillants et miroitants Le gazouillement des oiseaux L’odeur de la pluie
Je dis oui ! Nous pouvons remettre le monde en état
Ensemble, de bon gré
Créatif
Et
Résolu
PAR ROSE CHENEY
-
C’était un bon endroit
Il n’y a pas à dire, c’était un bon endroit.
Les habitants disaient que c’était un bon endroit, un endroit bien placé pour aller au centre-ville, à l’hôpital, aux bonnes écoles, au boulot, aux lieux de loisirs. Les plus âgés disaient que les jeunes ne savaient pas que faire de leur futur, que les jeunes ne profitaient pas de leur jeunesse. Les jeunes disaient qu’ils saisiraient l’occasion de faire face au futur, de forger un nouveau chemin, de ne pas être prisonnier d’un destin non choisi.
C’était un bon endroit, une place pour s’enraciner, pour s’établir pendant des années, pour être jeune, pour chercher la voie peu foulée, pour se transformer en des êtres humains individuels, pas stéréotypés.
C’était un bon endroit. Les voisins allaient et venaient, toujours étrangers.
C’était un bon endroit. La rue était bordée d’arbres vieux et verts, avec peu de circulation. Mais en haut une autoroute d’avions faisait trembler les vitrines et perdre le son et le sens des mots.
C’était un bon endroit.
Et c’était un obstacle insurmontable pour achever les rénovations avec le boulot, les enfants, les travaux quotidiens – ces rénovations qui les avaient inspirés à acheter cette maison dans son bon endroit.
Et chaque jour, c’était la même routine : les enfants dans leur bonne école, les parents vers leurs boulots – sur les traces de leurs parents, et grandparents…Leurs rêves d’être des pionniers disparaissaient peu à peu…
Et peu à peu croît une vérité dans tout ce défi chaotique : que c’est bien une voie unique pour élever de bons citoyens, pour forger une vie spéciale et individuelle. Ils découvrent un endroit
paisible et harmonieux
sauf et accueillant
un bon endroit et un état d’âme
riche
et
profond
PAR GLENDA BUTLER
-
Petit ours câlin
Il n’y a pas à dire – c’était un petit ours câlin.
De couleurs différentes, de tailles différentes, partout dans le monde pour les jeunes et pour les vieux… les ours, peluches câlines, petits yeux brillants, bleus ou roses ou marron ; irrésistibles, à câliner… un cadeau pour le gosse, un cadeau pour la bien-aimée
C’était un petit ours câlin.
une consolation pour le solitaire, un réconfort pour le malade hospitalisé, mignon assis à côté des fleurs sur la table de chevet
C’était un petit ours câlin.
La douleur de ses dents pourries à force de ronger les barreaux de la cage est constante. La puissance, la majesté et la magnificence de la nature lui sont volées ; il est réduit en une masse souffrante et gémissante, se frappant la tête contre les barreaux, enfermé dans une cage pour le restant de sa vie, pour toujours, avec nulle part où aller.
et le robinet rouillé, grinçant, mis chirurgicalement dans son estomac est tourné – afin d’extraire un liquide alcalin amer et âcre, brun-verdâtre, pour soulager l’inconfort des hémorroïdes ou produire des cosmétiques
et de la poitrine recouverte de métal – pour l’empêcher de se gratter dans l’agonie – éclate un cri tel que les montagnes tremblent, que la terre toute entière l’entend et que la lutte mondiale contre la cruauté et l’injustice se met en marche.
il sera entendu
il ne criera pas en vain
il touchera les cœurs
il sera sauvé
il regagnera le respect
il trouvera la paix
il sera libre
libre
et
respecté
PAR MARGARITA