Agota Kristof

Textes composés par les étudiants
du cours ATELIER DE LECTURE ET ECRITURE CREATIVE,
inspirés par 'L'invitation' d'Agota Kristof.

L'oiseau dans la cage

L'heure est arrivée.
Toutes ses corvées presque terminées.
Épuisée, elle s'est précipitée dans la salle de bain. Elle a pris une douche à la hâte.
A partir du moment où elle était retournée du coiffeur, elle s’est occupée de ses tâches assignées.
Elle se sentait comme un robot sans voix.
La voix de son mari a surgi de sa chambre.
- Ça va, chérie ? Comment c'était chez le coiffeur ? Combien cela a-t-il coûté ? Je te rembourserai à la fin du mois.
Elle s’était teint les cheveux en rouge, peut-être un acte de défi.
C'était passé inaperçu. Qui était cette personne devant le miroir ?
Elle ne connaissait pas cette personne !
La voix de son mari continuait.
- Ça va, chérie ? Il ne te reste plus qu'à te détendre. J'espère que tu seras prête. Ils seront ici d'une minute à l'autre !
On a sonné.
Bien coiffée, bien maquillée, mais pas assez pour la mettre à l'aise ; sa robe tachetée de poussière de cheminée et son visage marqué de tristesse.
Elle émergeait, appliquant la touche finale à la table.
- Chérie, tu pourrais ouvrir la porte ? Je viens tout de suite, il a crié de la salle de bain. J'ai juste le temps de me raser.
Tous les invités ont fait irruption dans la pièce, chantant en unisson ‘Bon anniversaire !’
Elle a souri d’un air forcé.
- Quelle chance d'avoir un mari tellement généreux. Il nous a dit qu'il t'a traitée comme une reine !
Finalement le mari a émergé, effleurant ses cheveux parfaitement coiffés et redressant le revers de son costume Armani, acceptant leurs félicitations avec une fausse humilité.
- J’ai tout organisé pour qu'elle se sente choyée et adorée. Ça m’a fait plaisir. Mais il reste encore une surprise à la fin du mois.
- Je voudrais que mon mari en prenne note. Quel mari exemplaire ! a exclamé une des invités.
- Oui, aujourd'hui ma femme a été gâtée comme une reine. C'était mon cadeau, a répondu le mari, appréciant les feux de la rampe. D'abord, on va lever nos flûtes de champagne. A ma belle femme que j'adore !
Elle se détestait pour sa soumission, son incapacité d'échapper de cette illusion d'un mariage idéal.
Bon anniversaire !
‘La fin du mois’, ‘bon anniversaire’ circulaient dans sa tête comme un chant funèbre, présage  des choses à venir.

PAR AMANDA

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Une autre invitation 


Pierre rentrait du métro chez lui, l’humeur gaie. La semaine avait été satisfaisante. Puis il s’est souvenu que le lendemain était l’anniversaire de sa femme, Céleste.
Quand il a ouvert la porte d’entrée, il a senti un bon parfum : un mélange de fleurs !
- Mon Dieu !!  J’aimerais avoir un jardin, mais pas à l’intérieur !
- Salut Pierre, regarde les compositions florales, ne sont-elles pas magnifiques ?
- Je ne connais pas grand-chose aux fleurs, mais je sais qu’elles sont toujours chères !
- Non, Valérie m’a proposé de les apporter chez moi, nos clients ont dit qu’ils avaient assez de fleurs pour leur soirée.
- Tu as l’air très heureuse, Céleste.
- Oui, je suis tellement reconnaissante que tu m’aies permis d’aider Valérie chez le fleuriste, au cours de ces quatre mois.
- Eh bien, c'est ta cousine après tout et l’argent supplémentaire nous a été d’une grande aide, n’est-ce pas ? 
- Oui, bien sûr. J’ai appris beaucoup de choses sur les nombreuses fleurs différentes du monde entier.
- Eh bien, je n’aurai pas besoin de t’offrir de fleurs pour ton anniversaire ; une jolie carte ça suffira, comme d’habitude.
- Oh, ne t’inquiète pas, Pierre, maintenant j’ai un certain âge, mieux vaut oublier les cadeaux d’anniversaire ?
- Trop vrai ! Je pense que je vais faire une autre promenade avant le diner.
- D’accord, si tu veux.
Pierre a commencé à réfléchir à sa relation avec sa femme. Céleste était une femme douce et aimable, jamais critique. Peut-être avait-il été trop dur avec elle ?
Trois camions de nourriture sont passés devant lui, ils portaient une enseigne “ STAR TRAITEUR “sur le côté des véhicules et ils se sont arrêtés devant chez lui.
Son mari a surgi.
- Que se passe-t-il ? Je ne comprends pas, Céleste ! Qu’est-ce que tu fais ?
- J’ai organisé un diner d’anniversaire préparé par le meilleur chef de la ville. J’ai commandé de la musique, du champagne et des guirlandes lumineuses. Mes amis et moi allons danser et nous amuser, une chose dont j’ai rêvé toute ma vie. Rejoignez-moi pour une nuit inoubliable ou ce sera notre dernier souper ensemble. 

PAR ANN B

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L’invitation (la suite)

Lundi matin, le mari part au bureau à l’heure, en disant avant son départ :
- Je rentrerai à la maison plus tard ce soir, chérie. Ça va durer assez longtemps. On organise un diner pour le chef dans le resto « Chez Renard », celui que tu aimes tant. Ne prépare rien pour moi ce soir, chérie.
- Euh... d’accord. Ça a l’air sympa.
- Bises, ma chérie. Mais, attends … est-ce que tu peux aller chercher mon nouveau costume au pressing aujourd’hui ?
- Oui, mais je vais passer mon entretien d’embauche avec la directrice dont je t’ai déjà parlé. C’est aujourd’hui.
- D’accord, mais essaye de le faire parce que demain j’ai l’entretien avec le président, que j’attends depuis un bail.
- Je vais essayer de faire de mon mieux. Ne t’inquiète pas.
Monsieur Gérard, qui habite dans l’appartement à coté, ouvre sa porte au moment où elle part.
- Bonjour madame, vous êtes très jolie aujourd’hui. Vous avez un déjeuner spécial ?
- Bonjour Monsieur Gérard. Non, pas du tout, j’ai un entretien d’embauche, et je dois dire que je suis un peu nerveuse.
- Madame, je vous souhaite la meilleure des chances.
Son sourire la réconfortant, elle sort du bâtiment pour prendre le train. Quelques secondes après, le deux continuent sur leurs routes respectives.
Elle soupire de soulagement à chaque pas.
Chez elle, le téléphone sonne. Il essaie encore une autre fois. Après la troisième tentative, monsieur abandonne.
Plus tard dans l’après-midi, les deux voisins se croisent encore une fois par hasard.
- Ah Madame, comment s’est passé votre entretien ?
- Merci, Monsieur Gérard, bonsoir… j’ai obtenu le poste, je suis aux anges !
- Quelle bonne nouvelle, Madame ! Je vous invite à boire un verre pour célébrer cela !
Le téléphone sonne et resonne chez elle.
-Je m’appelle Sophie

- Enchanté Sophie, je suis Max.

PAR SOLVEIGH

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Le repas

Sa femme, sans dire un mot, lave les salades, épluche les pommes de terre, prépare la vinaigrette, et met en ordre le plan de travail où il a renversé une marinade achetée pour les côtelettes.
On sonne à la porte. Tous les deux se lèvent mais il se dépêche.
- Attends, chérie. Toi, tu prépares l’apéro. Je vais ouvrir la porte.
Tandis qu’elle va préparer l’apéritif, oublié par son mari, Paul arrive. Célibataire, un ami du mari depuis le lycée. Il ne prête aucune attention au comportement excessif du mari.
- Ça suffit ! Où est ta femme ? Ce n’est pas ta fête à toi, quoi !
- Je travaille sans cesse depuis midi. Elle, au contraire, s’occupe pour le moment.
- Elle est occupée, comme d’habitude, mon ami, parce que tu es d’une exigence insupportable. Oh, la voilà. Bon anniversaire, Marianne. Voici des orchidées, très belles, mais totalement sans comparaison possible avec toi.
La femme sourit. Le mari fronce les sourcils, et il se dépêche vers la porte pour répondre à la sonnette.
Marc et Josette entrent, et puis Damien arrive, tout seul. Il explique que sa femme, Anne, a eu un mal de tête au dernier moment et n'a pas pu l’accompagner. Sous les bruits d’accueil enthousiastes de leur hôte, Josette murmure quatre mots à son mari.
- Anne a la chance.
Ainsi le repas procède. L’apéro de kir, les salades et les pommes de terre sont excellents. Les côtelettes sont pas mal, et l’hôte assez délicat pour réserver à sa femme celles qui sont carbonisées.
La conversation coule chaque fois que le reste des invités se montre capable d’insérer une phrase entière dans le monologue soutenu par l’hôte, qui raconte beaucoup d’anecdotes de sa vie, comme ado, comme soldat, comme tout.
Après le café, préparé par sa femme, les amis les remercient, les saluent et se lèvent pour partir. Inaperçu par les autres, Paul déclare à la femme.
- Quitte-le, Marianne, viens vivre avec moi, maintenant !
Sa réponse est douce.
- Un jour, peut-être.
Les amis partis, le mari bâille et, entouré des dégâts du repas, il annonce sa décision.
- J’ai travaillé si dur aujourd’hui que je suis totalement épuisé. Le reste est à toi, c’est ton domaine après tout.
Une heure plus tard, elle va au lit, à côté de son mari ronflant. Il y a Paul, si charmant, si obligeant. Au moment de s’endormir vient sa dernière pensée d’anniversaire.
- Tomberai-je de Charybde en Scylla ?

PAR CARMEL MAGUIRE

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L'invitation (la suite)

Dans la cuisine, elle prend l’ancien tablier, comme d’habitude, pour protéger sa robe de soirée. Elle épluche les pommes de terre, un tas de pommes de terre. Combien de personnes a-t-il invités?  Elle lave la salade avec un peu de vinaigre, comme d’habitude, pour enlever les limaces. Quelles bêtes dégoûtantes ! Elle fait sècher la salade dans le panier à salade accroché au-dessus de l’évier. Et puis elle fait la sauce de la recette habituelle, de l’huile, du vinaigre, une pincée de sel et une pointe de moutarde.
Son mari réapparait.
- Oh non ! Pas ce bol, chérie. Utilise le grand du buffet. Il sera plus impressionnant pour nos invités.  Et où sont les couverts à salade en argent ? J’espère qu’ils sont propres. Sinon tu aurais dû les polir.
Enfin tout est prêt, les bougies allumées, la salade en place. La table élégamment mise avec une nappe blanche, les couverts en argent, étincelants, les flûtes à champagne. Les côtelettes sont dans le plat près de la cheminée.
Dans la cuisine, elle fait la vaisselle, dans une bassine. Elle se dit qu’il y aura beaucoup de vaisselle après le dîner. Elle regarde par la fenêtre des personnes qui passent, peut-être en route pour un bon restaurant où ils n’auront qu’à s’asseoir à table.
Le mari fait les cent pas dans le salon. Il a l’air nerveux, anxieux. Elle se tait.
Soudain on sonne. Le mari se lève d’un bond.
-    Ne bouge pas, chérie. Je vais aller ouvrir la porte aux copains.
-    D’accord, chéri. Mais qui est là ?
Les premiers invités, un couple. Elle ne réussit pas reconnaitre les voix, mais le nom… ah oui ! c’est le patron du bureau de son mari.

PAR ANGELA LOW




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