Eric-Emmanuel Schmitt

Textes composés par les étudiants
du cours 'Ecrire pour le plaisir',
inspirés par 'M. Ibrahim et les Fleurs du Coran' d'Eric-Emmanuel Schmitt.

TEXTES #1 : une personne importante

Sans M. Ibrahim

L’autre jour, mon thérapeute m’a demandé ce qu’aurait étéma vie sans M. Ibrahim. Le pauvre bougre… sa question a ouvert les portes à toutes sortes de mauvais songes. Je savais bien ce qui me serait arrivé sans ce papa adoptif. Chaque jour je rencontre des tas de mecs dont la vie est une pagaille parce qu’ils ne sont pas tombés sur un M.Ibrahim. Je les rencontre à la prison où je travaille et la prison est précisément là où je serais aujourd’hui sans ce cher homme. Quand mon père à moi a disparu, s’étant jeté sous un train le jour de mon 13ième anniversaire, M. Ibrahim est venu à mon secours. Sans lui, je serais encore fâché, déprimé, attristé et vachement confus comme les autres cons de ma tribu. Et on m’aurait confié à la police qui m’aurait confié, à cause de mon jeune âge, à l’Assistance sociale qui m’aurait confié à une famille jugée sage qui m’aurait rendu dare-dare à l’Assistance sociale aussitôt que les membres de la dite-famille auraient découvert mes habitudes de mentir, voler, bouffer, me battre et voir les putes et ensuite l’Assistance sociale m’aurait trouvé une autre famille estimée même plus sage que la première et quand elle, elle aurait fait les mêmes découvertes, alors j’aurais fini dans le système de détention juvénile d’où je serais passé, bien qualifié, à la prison pour adultes, pas comme directeur comme aujourd’hui mais comme détenu. Sans M. Ibrahim, cet itinéraire aurait été sûr et certain. Maintenant c’est à moi de partager le don que M. Ibrahim m’a transmis. Tout simplement, pour chacun et chacune, sa vie.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Guide, philosophe et tante

Ma mère était une femme sans prétentions, si ce n’est spirituelles.  Je n’ai jamais été capable d’imiter ni sa sainteté ni ses gâteaux. À ses filles, des fois, elle citait une maxime héritée de sa mère. L’original était un poème de Charles Kingsley qui commence par ‘Soyez vertueuses, jeunes filles, et abandonnez les idées qui aspirent à l’intelligence’.   Depuis un très jeune âge, j’aspirais àdevenir les deux, belle et intelligente. Par coïncidence, une nouvelle tante est arrivée juste à temps pour résoudre le dilemme.

Patricia Noelene s’est mariée avec mon oncle favori. Elle était belle, grande, charmante et sophistiquée. Née à la ferme en province, elle avait beaucoup de connaissances sur les plantes et les animaux, et elle n’avait pas les manières d’une dilettante. Avant son mariage, elle était infirmière dans un grand hôpital à Sydney. Je la mitraillais de questions sur des sujets que mes parents escamotaient toujours, mais elle ne les évitait pas. Vlan, les mystères de la reproduction humaine étaient dissipés. Ce n’était pas important que les exemples de conception, de gestation et de naissance fassent souvent allusion aux brebis, aux bœufs, ou même aux kangourous.

La nouvelle tante appréciait aussi l’art, l’architecture, la décoration d’intérieur, et la mode. Par-dessus tout, elle était très douée pour acheter et vendre les propriétés immobilières. Elle n’était pas devenue riche à cause de son amour pour les enfants ou de sa croyance immuable dans l’importance de la famille. Les locataires avec des enfants, en retard sur leur loyer, n’avaient jamais peur de l’expulsion. 

Comme ado, ma compréhension du grand monde acommencé par l’influence de ma tante. Comme adulte, ma vie a été inspirée par sa largeur d’esprit, et par sa bonne volonté envers une enfant. Quand j’ai dû casser le cochon pour acheter un appartement, ma tante s’est assurée que je ne serais pas escroquée. 

Dans les affaires importantes et insignifiantes, elle ne me faisait jamais faux bond. Une véritable guide !

PAR CARMEL MAGUIRE

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Monsieur Robins

La personne qui a eu une influence marquée sur moi était mon professeur de musique à l’école, Monsieur Kenneth Robins. À l’école primaire, toutes nos institutrices étaient des femmes, et quand Monsieur Robins est arrivé pendant notre deuxième année de lycée, c’était une révélation.

C’ était un homme très gentil, dans la trentaine ou quarantaine. Il n’était pas particulièrement beau, il était de taille moyenne, et il avait les cheveux blonds, dégarnis mais il avait des yeux bleu brilliant, un sourire merveilleux et un grand sens de l’humour. La plupart de nos autres professeurs étaient des femmes âgées. Notre ancienne professeur principale était très vieille et était à l’école depuis de nombreuses années. Son goût pour la musique était démodé et traditionnel.

M. Robins semblait apprécier toutes les formes de musique. Il jouait du moderne et du classique, du jazz et de l’opéra. Il  nous a encouragées à écouter des compositeurs du monde entier.

Il nous a fait découvrir la musique baroque, nous avons écouté des noms inconnus tels que Rameau, Vivaldi et Scarlatti ; il disait que BixBeiderbecke était le plus grand musicien de jazz de tous les temps. Nous avons écouté Maria Callas et Edith Piaf. Son intérêt et son enthousiasme  nous ont ouvert un nouveau monde musical.

Il jouait du violon et du piano, parfois il invitait un collègue musicien à jouer pour nous. Je me souviens d’un ami, qui jouait de la contrebasse dans le SSO et aussi dans un groupe de jazz. M. Robins aimait chanter ; des paroles de chansons apprises par cœur. Surtout il  m’a encouragée à chanter. J’ai dû lire les partitions que je trouvais très difficiles. Il était un professeur très patient car parfois je chantais faux. Finalement je suis devenue plus sûre de moi et ma capacité vocale s’est améliorée.

Le point culminant de ma carrière scolaire était de jouer un rôle principal dans l’un des premiers opéras de Mozart : Bastien et Bastienne. Je lui devais tout. Le monde de la musique s’était ouvert grâce à lui et sa main tendue comme à travers une fente musicale.

PAR ANN B

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Kathleen

J'ai de tristes souvenirs de ma jeunesse . Mon père voyageait beaucoup . Je manquais d'affection de ma mère . Ma seule consolation, c'était Kathleen, une amie de mes parents. Je n’ai jamais su son âge mais elle me semblait vieille tout en étant jeune de cœur . Se tenant toujours droite et grande, élégante, aux yeux saphir étincelants, ses cheveux tirés lâchement en chignon, avec une pince . Elle s'habillait d’une façon originale sans suivre la mode . Elle avait beaucoup de dictons : « Ce qui compte, c'estde rester fidèle à soi-même ».

J'ai passé beaucoup de temps avec elle, le plus souvent pendant les vacances scolaires. Chez elle, le jour commençait avec le petit déjeuner à une table bien dressée de couverts et assiettes, les serviettes de table ( jamais en papier ! ). Elle avait une alimentation saine, avec des légumes cueillis dans son jardin, dont elle était tellement fière. « Coca Cola, c'est de l'eau de chaussette sale ! »

Elle m'a fait découvrir le monde de la lecture. Je me souviens des après-midi sublimes lorsque nous faisions un tour de jardin . Puis sur le banc du jardin, elle me lisait avec sa voix musicale les passages de La Fontaine et les histoires courtes d'Oscar Wilde. Le soir, je dormais dans un grand lit juste à côté de son lit. Avant de m'endormir, j'attendais qu'elle commence sa routine . Elle démêlait ses cheveux qui tombaient jusqu'à sa taille et puis elle les brossait soigneusement . L'ange de la nuit, déployant ses ailes pour me protéger .

Toutes les deux semaines, elle m'emmenait dans son hôtel préféré, l'hôtel Windsor. Nous  prenions le thé l'après-midi, en écoutant du piano. Un piano dans un salon de thé, c'était merveilleux ! Pour cette occasion, elle s'habillait  toujours en costume rouge, rouge à lèvres assorti .

Un jour, nous avons décidé de célébrer son anniversaire au Windsor. Lorsque je suis arrivée, elle ne semblait pas à l'aise . Habillée en costume rouge comme d'habitude, elle semblait prête. « Cette fois-ci, je n’y vais pas, ma chérie » Je savais qu'elle ne voulait pas donner d’explication. J'avais remarqué une petite larme au coin de son œil. Je suis partie sans dire un mot .
C'est la dernière fois que je l'ai vue. Elle avait maintenu sa dignité jusqu'à la fin…

PAR AMANDA

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TEXTES #2 : le père


Préceptes et pièges

Les enseignements et les principes de vie transmis par mon père

Chaque matin, mon père était le premier de la famille àse lever.  Pendant beaucoup d’années, avant son arrivée au chevet avec une tasse de thé, ses filles faisaient semblant de dormir.  Les aînées instruisaient les plus jeunes, « N’entrouvrez les yeux.   Restez endormies. »  Avis inutile. Rien ou personne n'était capable de détourner notre père de sa vocation. « Vous vous levez, mes filles. La meilleure partie de la journée est perdue ».   Quelques moments plus tard, Papa ouvrait les volets et allumait la radio pour nous encourager à faire des exercices de culture physique présentées à l’ABC, par Capitaine Hatfield, un homme avec un accent anglais que j’avais appris à détester.  Comme Monsieur Ibrahim, Papa avait continué sa croyance dans les exercices physiques jusqu’à la fin de sa vie.  Il a persisté aussi dans son amour du sport : un autre attachement qu’il n’a jamais transmis à ses filles !

Sur d’autres choses, il a eu beaucoup plus d’influence.  Mon père raffolait des langues. Contrairement à Momo, il n’était jamais « déçu par les dictionnaires ».  Dans sa vieillesse, il lisait le Shorter Oxford de la première à la dernière page.   Dans sa jeunesse, il devait abandonner l’ambition de devenir journaliste de sports, à cause de l’insuffisance financière à nourrir la famille par des articles et rapports.  Il nous a aussi transmis son addiction pour les nouvelles, de journaux, de radio, de télévision.  Contrairement à ma mère qui avait une grande foi religieuse, le Vendredi saint était insupportable pour mon père car il n’yavait pas de journal matinal. Sans leçons ou sermons, il savait nous transmettre son intérêt pour le pouvoir et la beauté du langage et nous inspirer. 

Nos fréquentations au bord de la mer en famille étaient toujours fréquentables.  Papa avait toujours insisté : « L’eau de la mer est le meilleur médecin, grâce au sel. –Mais, Papa, l’eau est froide et il n’y a pas de soleil.  Nous ne voulons pas y entrer. »  Il ne tolérait jamais les obstacles aux bienfaits de la mer, nous étions obligées d'y entrer et d’apprendre à nager.

Par-dessus tout, il détestait la tromperie. Imaginez la culpabilité chaque samedi quand je jetais au jardin la tasse de thé faite de gousses de séné, que mon père croyait bon pour les intestins des enfants.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Un père idéal

Hier, ça faisait 30 ans. Une éternité. Mais ses mots sontgravés dans ma mémoire : je sais, Momo, je sais ce qu’il y a dans mon Coran. Ce matin, je les répétais à Benjamin, mon cadet. « Mais Papa, a-t-il protesté, ce sont tes mots ! » J’ai ri. C’est vrai. Je canalise les mots de Papa à mes enfants et, avec un peu de chance, je leur transmets aussi son esprit. C’était un homme si sage, si fin, si généreux, patient, tolérant, tendre... Impossible de décrire M. Ibrahim, mon cher père adoptif. Je n’avais que 13 ans, l’âge actuel de Benjamin, quand j’ai fait la connaissance de M. Ibrahim. A cette époque-là, j’étais confus et perdu (et orphelin, en plus) mais, peu à peu, grâce à M. Ibrahim, le monde où j’habitais, un monde insondable et épouvantable, s’est fissuré et une main a émergé pour prendre la mienne. Un miracle. Je me sentais aimé. Je n’étais plus seul. Et quoique je n’eus que 17 ans quand ce papa à moi a disparu, le pli était pris, j’étais devenu son vrai fils. Maintenant, je partage tant d’histoires avec mes mômes, je revis tant de souvenirs : tel le jour où Brigitte Bardot est venue à l’épicerie pour acheter une bouteille d’eau et M. Ibrahim lui a fait payer 20 fois le prix correct et puis a fait rougir la Bardot par sa flatterie irrésistible et le jour où, en remarquant mes chaussures usées, il m’en a acheté une autre paire en annonçant qu’on devait prendre soin de ses pieds car on pouvait changer de chaussures mais pas de pieds. C’était un homme de sagesse pratique, M. Ibrahim, avec un sens de l’humour coquin. Grace à lui, j’ai appris à voir le monde plus distinctement, à entendre plus clairement… sans colère, sans crainte, sans culpabilité.  Le monde avait l’air plus accueillant. Rien ne pouvait scandaliser Papa. Devant lui, j’ai osé révéler un tas de choses dans mon tiroir secret, là où je gardais mes méfaits les plus sérieux, mais, vus à travers ses yeux, rien ne semblait honteux ou indigne. Tout était accepté. Apparemment, j’étais normal ! En effet, j’étais son fils parfait et lui, c’était assurément mon papa idéal ! Nous nous étions choisis l’un l’autre.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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Papa Hugh

Mes premiers souvenirs de mon père sont un peu vagues. Il était dans l’armée pendant la guerre et il semblait aller et venir régulièrement. J’avais huit ans quand il est rentré de Nouvelle-Guinée et nous étions une famille de cinq. Mon père, ma mère, mes deux tantes et moi  !  Être élevée par quatre adultes était plutôt difficile ! Mon père était très indulgent, un vrai papa poule  ! Mes parents étaient très prudents avec l’argent mais Papa était toujours très généreux avec moi. 
«   Salut Papa. Ça va  ?
-  Très bien, merci. Et toi, tu vas bien  ?
-  Non, J’ai dépensé  tout mon agent de poche ce mois-ci.
-   Qu’est ce qui se passe ? Tu as des problèmes de budget  ?
-   J’ ai essayé Papa, j’ai vraiment essayé d’être économe, mais ça n’a pas marché..>>
Mon Père et mon grand-père étaient entrepreneurs et ils étaient actifs dans le bien-être de la communauté. Ils  ont siégé au conseil local pendant de nombreuses années ; mon père et mon grand-père étaient aussi maires de la municipalité. 
«  Pourquoi es-tu si triste, Papa  ?
-  Connais-tu le mot corruption  ?
-  Oui , Papa, c’est très mauvais, c’est un crime, n’est-ce pas  ?
-   Oui, le conseil a été accusé d’avoir accepté des pots-de-vin pour construire des appartements à Darling Point. La réputation du conseil est menacée  !  >>
L’honnêteté et l’intégrité étaient les principes par lesquels  mon père  vivait.
«  Papa, Papa j’ai un secret  !
— Ben oui, ma chérie.
—  Les parents de Janet divorceront et elle  a le cœur brisé mais je ne dois rien dire  !
— Garder la confiance d’une amie est la chose la plus importante et la plus loyale que tu puisses faire. Sois sympathique, écoute-la, souviens-toi que les secrets restent entre ces quatre murs.  >>
Mes parents adoraient organiser des fêtes, où ils appréciaient un verre ou deux. Parfois mon père avait du mal à digérer  ; mais une mignonette de Fernet Branca semblait le guérir.
Hugh, mon père était un mari aimant, un père  adorant, c’était un fervent partisan de la fidélité, et il avait un  amour et un respect pour l’humanité.

PAR ANN B

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Mon père extraordinaire

Mon père était très beau.
Avec ses yeux scintillants, son physique athlétique et ses cheveux bouclés, il ressemblait à Paul Newman.
Lorsque ses cheveux sont devenus gris, il est devenu encore plus beau.
Chaque soir, dès l'âge de deux ans, il venait dans ma chambre avant de m'endormir et il me lisait des histoires.
Commençant avec The Talking Teapot d'Enid Blyton, j'étais plongée dans le monde des fées.
Jusqu'à mes devoirs scolaires qu'il lisait patiemment, ajoutant ses commentaires. J'aimais bien sa voix mélodieuse et douce, jamais boudeuse. Il n'élevait jamais la voix.
Tous les soirs, j'attendais qu'il vienne me lire une histoire au lit et finalement me donner un gros bisou sur le front. Chaque matin, on faisait du yoga. J'admirais son corps athlétique et souple, ce qui m'a inspiré à commencer des leçons de ballet. Un nouveau défi. En même temps, j'améliorais ma posture et j'apprenais la musicalité. Je plongeais dans un autre monde où j'oubliais tous mes soucis.

A l'âge de seize ans, lorsque le bronzage était à la mode, j'ai grimpé sur le toit en tôle de l'abri du jardin avec mes camarades d'école, mettant de l'huile de salade pour accélérer notre bronzage.
C'était mon père qui m'a avertie des dangers du soleil.
« Si tu continues comme ça, tu ressembleras à un pruneau. »
Je n'ai plus jamais bronzé.
Ses conseils étaient toujours efficaces, sauf à propos du jardinage.
« Jardiner, c'est bon pour le cœur, me disait-il.
- Je ne veux pas me salir les mains .
-Mettre les mains dans la terre te rendrait heureuse. »
En dépit de son discursif Je n'étais pas convaincue.
Mon père n'aimait pas le gaspillage.
Il réparait même ses chaussettes.
Son proverbe préféré : « Qui ne gaspille pas n'est jamais démuni. »
Peut-être cela a expliqué mon cadeau pour mes treize ans : un tuyau d’arrosage avec des trous réparés.
Depuis ce temps-là, je n'ai plus jamais fait de jardinage.
Mon père avait le don de forger mon estime et de me faire sourire, un ami sincère qui ouvrait les chemins par sa parole.
Son influence est gravée dans ma mémoire.

PAR AMANDA

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TEXTES #3 : la religion


Des rituels religieux

Je voudrais discuter le sujet des rituels religieux en trouvant une définition du terme.
Le mot ‘rite’ vient du latin ‘ritus’, rituel est de ‘rituales libri’. Un rite est un cérémonial réglé par la coutume ou par la loi, une cérémonie rituelle est toujours religieuse. Un rituel suit une séquence de mots, gestes ou actions dans un endroit spécial, et ils peuvent se trouver dans toutes les sociétés humaines.
Des événements  majeurs marquent le cycle de la vie dans toutes les religions, et leur importance sont célébrées avec des rituels. Ceux-ci incluent la naissance, l’adolescence, le mariage et la mort. Les saisons de l’année sont célébrées par les festivals et rituels depuis les temps primitifs. Les rituels annuels sont liés aux croyances religieuses  : Noël et Pâques pour les Chrétiens, Ramadan pour les adeptes de l’Islam et Yom Kippour et la Pâque par les croyants juifs.
La musique est au cœur du rituel et du culte depuis les temps anciens. Les cloches et les tambours se trouvent aussi dans les religions indiens, chinois et japonais. Chanter des prières ou des cantiques sont courant dans la plupart des pratiques religieuses. L’orgue et le chœur font partie des rituels chrétiens à partir du cinquième siècle après Jésus Christ. Dans l’Islam, la musique est intrinsèque au chant rituel et à l’appel à la prière. M. Ibrahim voyait le chant coranique comme une voie d’élévation, une purification qui rapproche l’esprit à Mahomet puis à Allah. 

Tous les rituels dont nous avons discuté ont profité à leurs adeptes et devraient être traités avec respect.
La pratique de la circoncision masculine, un rite juif et islamique, est maintenant considérée par de nombreux membres du corps médical comme une forme de maltraitance des enfants. La circoncision féminine, pratiquée dans quelques pays de l’Afrique est illégale ici, mais les filles sont souvent sorties clandestinement vers un état africain pour la procédure. De nombreux rituels semblent désavantager les femmes. Les temples de Bali interdisent aux femmes d’entrer à certains moments du mois. Malheureusement la même règle s’applique aux synagogues orthodoxes. Ces rituels et attitudes médiévaux ne méritent pas le respect !
En somme je dirai que les rituels existent parfois pour dominer l’humanité, mais surtout pour marquer et fêter les moments importants de la vie.

PAR ANN B

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La science et la religion, sont-elles compatibles ?

Pendant l’histoire humaine, une multitude d’opinions se sont accumulées sur ce sujet.  Et beaucoup de ces opinions se sont montrées très résistantes au changement.  Après quatre cents ans, l’Église catholique a reconnu l’injustice faite à Galilée ; ainsi le changement est possible.
Il y a eu des efforts brillants pour débrouiller les liens entre Dieu et l’homme. Je pense aux héros dévoués simultanément à la recherche de la compatibilité entre la foi et la science.  Charles Darwin, élevé comme il se doit dans une famille croyante, était séduit par les possibilités de découvrir la nature de toutes choses vivantes.  Teilhard de Chardin, jésuite, philosophe, paléontologue, astronome, s’intéressait à l’alliance de la science et de la foi ; il a formulé une conception globale de la place de l’homme dans l’univers.  Et leur récompense ? Aucun des livres théologiques de Teilhard n’a été édité de son vivant, à cause de l’Église.  Darwin a eu un succès inattendu après la publication de son livre, Sur l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle.  Les éclairés parmi le clergé anglican regardaient l’idée de la sélection naturelle comme une conception de Dieu, nouvelle et noble.  Beaucoup d'autres ont adopté le truc tordu que Darwin avait écrit que l’homme est descendu du singe, et rigolaient aux caricatures des journaux montrant Darwin avec un corps de singe.
Quelques croyants de religions chrétiennes et autres continuent à croire que les mots de la Bible sont exactement les paroles de Dieu. ou d’un de ses agents divins. Aux adhérents contemporains, les observations détaillées faites par Darwin pendant trente ans et dans beaucoup de pays, semblent du blasphème. Avec un tel esprit, on peut aussi regarder la suppression des œuvres de Teilhard comme un acte vertueux.
Personne ne veut relancer les engueulades du dix-neuvième siècle, mais je veux que l’on puisse rediriger la passion des jeunes pour les médias sociaux vers la science merveilleuse qui continue à révéler les grands secrets de notre univers en expansion.  Les théologiennes - entre autres - partout dans le monde, ont reconnu que nous sommes faits de poudre d’étoiles et que le Big Bang n’est pas fini.  Le discours entre la science et la religion n’a jamais été si plein de possibilités.

PAR CARMEL MAGUIRE

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A chacun son chemin

Ce matin, mon ami, Abdullah, est mort. C’était aussi le meilleur ami de Papa, ce cher vieillard de 97 ans. Je l’ai vu récemment car il avait séjourné chez moi et ma famille à la fin de l’année dernière. Il était venu pour fêter l’anniversaire de Papa qui aurait eu 100 ans en décembre s’il avait vécu. Ensemble, Abdullah et moi avions passé des nuits entières à nous rappeler Papa, ses habitudes, ses attitudes, gestes, croyances, et surtout sa devise : « je sais ce qu’il y a dans mon Coran ». Je lui avais montré mon exemplaire du Coran, un livre précieux que Papa m’avait légué. Je lui avais montré les deux fleurs séchées placées entre les pages du Coran et la lettre écrite par Abdullah lui-même à Papa il y a longtemps. Ensemble, nous avions effleuré les fleurs si fines, si fragiles, nous avions lu la lettre si émouvante, si malicieuse, nous avions pleuré et ri. J’avais une confiance absolue en Abdullah. Ensemble, nous étions dans la présence de Papa comme si, avec lui, nous avions déjà rejoint l’Immense. Mais, depuis longtemps j’étais perplexe. C’était vraiment bizarre, cette amitié entre Abdullah et M. Ibrahim, mon Papa. C’étaient deux hommes vachement différents l’un de l’autre : M. Ibrahim, l’épicier arabe du coin de la rue à Paris, toujours là, avec son air doux et calme, le petit commerçant sur qui tous pouvaient compter, l’homme qui aimait son Coran mais ne croyait pas aux livres et, par contraste, Abdullah, le savant, l’homme de lettres, le derviche tournant du Croissant d’Or, un homme parcheminé, plein de mots rares, féru de son Rumi. Leur lien était un mystère. Un soir, après un verre ou deux de Suze anis, j’avais abordé le sujet. Abdullah m’avait souri sans parler. J’étais resté silencieux en me rappelant les mots de Papa : pas de réponse, Momo, c’est une réponse. J’avais appris, grâce à Papa, à attendre, sans bouger, à attendre… et enfin, Abdullah avait parlé…  

Aujourd’hui, le jour de sa mort, je me rappelle ses mots : « A chacun son chemin, Momo, et chaque chemin est unique. Chacun est seul. Mais, ce qui attire l'homme vers l'homme, comme dit Rumi, c’est l’affinité qui les lie. Personne n’est seul. » J’ai remarqué la lueur étrange dans son regard quand il a mentionné Rumi. C’était la même lueur chaleureuse que j’avais vue dans les yeux de M. Ibrahim 30 ans plus tôt quand il avait flirté avec Brigitte Bardot dans son épicerie. Hommes différents, oui, mais assurément, la même flamme. En effet, à chacun son chemin.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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La science et la religion sont-elles compatibles ?

L'histoire de leur interaction est complexe.
Dans ma jeunesse, les études supérieures scientifiques étaient considérées par certains professeurs comme un grand risque : celui de perdre la foi. Les scientifiques ont depuis lors pris conscience des limites de leur démarche ; les théologiens ont pour leur part reconnu la nécessité de soumettre les textes à la réflexion. Mais des interrogations subsistent : l'adhésion à un dogme est-elle acceptable pour un esprit scientifique ?
On trouve historiquement de nombreuses situations où science et religion sont en conflit.
Pour le philosophe britannique Bertrand Russell, mathématicien scientifique, homme politique romancier et libre penseur, le credo religieux relève des faiblesses de l'esprit humain alors que la démarche scientifique relève de ses forces. Il affirme que la science nous incite à abandonner la recherche de la vérité absolue et à y substituer ce qu'on peut appeler la vérité technique.
La vérité technique, dont parle Russell, est celle issue de théories vérifiées par des expériences qui nous permettent de comprendre notre environnement et d'agir sur lui.
Selon Richard Dawkins, théoricien de l'évolution, « la science n'est pas seulement corrosive envers la religion, la religion est corrosive envers la science. Elle enseigne aux gens à se satisfaire de pseudo-explications surnaturelles et triviales et les aveugle au sujet des explications merveilleuses et réelles que nous avons à portée. »
Ceux qui considèrent que science et religion sont complémentaires soutiennent souvent que la science ne contredit pas l'intervention de Dieu mais la requiert et que la science répond aux « comment » alors que la religion répond au « pourquoi ».
La science et la religion n'abordent pas les mêmes questions.
La science décrit les phénomènes, les mécanismes, les principes auxquels nous sommes soumis, en un mot le « comment » de l'existence. Cependant, les limites de la science actuelle sont bien réelles, comme le met en évidence Pierre Karli de l'Académie des sciences : « Notre soif de signification d'espérance n'est pas prise en compte par la science car on ne sait pas l'introduire dans les équations ! »
Si la science et la religion constituent deux sphères différentes, on pourrait soutenir qu'elles peuvent tout de même cohabiter sans conflit si elles n'empiètent pas l'une sur l'autre.
Selon Russell, il existe un domaine où science et religion ne sont pas en conflit : celui de « l'émotion mystique » ou « état d'esprit religieux. »
Il reconnait « la valeur des expériences qui (dans le domaine des émotions) ont donné naissance à la religion. »
Près de cinquante ans après la mort de Russell et malgré l'avancée fulgurante des connaissances scientifiques, on peut s'étonner du retour de la religion dans la société.
Pour conclure, je dirais que, par rapport à la compatibilité de la science et de la religion, les idées sont diverses mais, à la fin, c'est l'échange des deux principes que l'on doit considérer pour le bien de l'humanité.
Nous nous devons en premier lieu de déterminer ce qui est le plus important pour l'humanité.

PAR AMANDA

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TEXTES # 4 : la mère


Caroline, ma mère

Aujourd’hui, je pense à Maman. Ça fait exactement 20 ans qu’elle est morte à l’âge de 85 ans… qui est mon âge actuel… ce qui donne à réfléchir… Et je réfléchis souvent depuis que Caro, ma fille, cherche des infos pour écrire l’histoire de notre famille. En ce moment, elle fait des recherches sur la vie de ma mère, sa Mémé, surtout pendant sa jeunesse. Que dire ? Je suis dérouté par ses questions innombrables, par sa vive curiosité. Tout ce que je peux dire facilement à propos de ma mère, Caro le sait déjà. Et, pour décrire tout ce qu’elle ne sait pas, je n’ai pas de mots. Caro et ma mère, Caroline, étaient très liées… ce qui n’est pas surprenant étant donné qu’elles se ressemblaient comme deux gouttes d’eau : toutes les deux étant sensibles, intelligentes, réservées, paisibles (sauf quand provoquées par une injustice, surtout contre les femmes) et ayant une passion pour les animaux et l’environnement. Je suis fier d’elles et de tous leurs exploits ! Mais, comme d’habitude, j’évite de faire face au grand dilemme de ma vie : comment dire à ma fille que ma mère m’a abandonné à l’âge de rien-du-tout, qu’elle s’est simplement volatilisée en me laissant aux (bons) soins de mon père, son mari, un pauvre bougre royalement déprimé et qu’elle s’est soudain pointée 13 ans plus tard juste après son suicide ? Quelle horrible histoire ! Mais ce ne sont que les faits, pas le cœur de notre histoire.  Après la mort de Maman, l’avocat m’a donné un cadeau de sa part, un exemplaire des poèmes de Rumi qu’elle avait annotés et une lettre touchante qu’elle m’avait écrite. Je les ai lus des centaines de fois et chaque fois je chiale comme un veau mais, à travers ses mots, j’en suis venu à comprendre l’impossibilité de sa situation au moment de ma naissance et la profondeur de sa douleur et de son amour. Je n’ai partagé sa lettre et ses annotations avec personne, sauf avec ma femme. Mais aujourd’hui, j’ai pris une décision : le moment est arrivé pour les partager avec mes enfants, Caro et Ben. Je leur dois la vérité à propos de leur Mémé et de leur Papa… c’est une histoire qui leur appartient et je n’ai pas le droit de les en priver. En effet, c’est leur histoire… leur identité.

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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La lettre

Chère maman,

Après longtemps et beaucoup de défis, j’écris fièrement aujourd’hui le mot ‘maman’.  Je me souviens de tes mots, il y a au moins dix ans, quand tu m’as dit, « Il y a des enfances qu’il faut quitter, des enfances dont il faut guérir ».

Cette lettre est une expression de gratitude, trop retardée par ma répugnance à vidanger la souffrance de mon abandon pendant mon enfance.  Quand j’observe ta joie, et leur joie, les après-midis passés ensemble avec mes enfants je sais que je dois t’écrire à propos des circonstances de ma vie que tu n’as pas partagée.

Quand le deuil pour Monsieur Ibrahim, mon vrai papa, avait diminué, j’en avais émergé plein de confiance.  Grâce à son legs, j’avais assez d’argent et assez d’avis sages.  Même plus important, à dix-huit ans, je venais de partir pour mon voyage vers l’indulgence.   Et de sitôt un évènement surprenant.

M. Alphonse, le nouveau curé, est entré dans l’épicerie.  Il s’est présenté comme un frère mendiant pour demander des aumônes pour les pauvres du quartier.  « Pour tous les pauvres ? Je lui ai demandé – Bien sûr, il a répondu immédiatement. Tous. » Je le regardais, en prenant bien mon temps, et je lui ai demandé « Tous ? Les clochards, les voleurs, les filles de la Rue paradis, les Juifs, les Arabes, les propres à rien ?  - Assurément, Mohammed.  Dans la rue, on dit que tu es soufi, comme ton père décédé, que la paix soit avec lui.  Tu t’opposes au légalisme et cultives une bonté intérieure. »

Ainsi a commencé mon association avec M. Alphonse, le curé.  C’est une amitié simultanément très chère et qui vaut la peine.  J’ai beaucoup contribué à sa cause ; il m’a donné beaucoup de cadeaux.  Son cadeau le plus merveilleux, c‘est celui d’être simple, d’être libre, dans les mots du vieil hymne des Shakers. Firouzeh, ma femme, est quelquefois complexe, mais j’ai trouvé ma beauté dans la sienne, comme M. Ibrahim me l’a promis.

Maman, après toutes les plaies, toutes les méprises, tous les faux-semblants, il faut que je t’écrive que je t’aime, et tu es ma mère qui ne m’a pas abandonné depuis que tu m’as découvert de nouveau, déguisé en Momo.

Je t’embrasse très fort.

PAR CARMEL MAGUIRE

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Le Fauteuil

Je ne connais pas grand-chose aux meubles. La fonction semble plus importante que le style ! Ma femme préfère les designs modernes, et après notre mariage, elle a voulu changer toute la décoration. J’ai insisté pour garder le vieux fauteuil en velours. Il était un peu minable peut-être, mais très confortable.

Grand-mère est décédée hier. Elle a eu une crise cardiaque pendant son sommeil. Son mari m’a téléphoné tôt ce matin. Il m’a dit qu’elle n’avait pas souffert. Je me suis demandé comment il en était si sûr ? Les garçons et moi sommes allés dire un dernier revoir ; ma femme a préféré rester chez nous et prier pour elle. Arrivés à la morgue, Ali me tenait la main très fort pendant que nous la regardions.

«  Elle a l’air endormie mais vide.

- Pourquoi son visage est-il d’une couleur si étrange ?

- Car elle rêve toujours. »


Quand nous sommes rentrés chez nous, Ali m’a dit : « Papa, j’ai un secret !
-   Qu’est-ce que c’est ?
 - C’est à propos de Grand-mère ! Elle veut que tu cherches quelque chose dans le fauteuil du salon. »
J’étais complètement déconcerté. Ali est revenu en brandissant une enveloppe.

« Voilà, c’est pour toi, Papa. Grand-mère pensait que le fauteuil était une bonne cachette !  Voilà, l’enveloppe était coincée sous le coussin ! Elle l’a cachée quand tu étais dans le magasin. C’était notre secret !

- Tu es très fidèle, mon fils ! »
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J’ai commencé à lire :  « Au revoir, Mohammed, mon fils chéri. Tu resteras Moïse dans mon cœur, pour toujours. Au début, je n’étais pas sûre, tu n’avais que treize ans quand je suis revenue dans ta vie. Peut-être que c’était la culpabilité, peut-être que c’était la curiosité qui m’a fait te chercher. Comme je te l’ai dit alors, j’étais très jeune quand j’ai épousé ton père et je n’ai jamais aimé le père de Moïse. Mais j’étais prête à aimer Moïse !  Cependant il avait disparu ! J’avais le cœur brisé.
Ton père était un homme triste et amer. Le peuple juif a souffert pendant la guerre et il s’est blâmé pour la perte de sa famille. Popol était un mythe, il a représenté le succès que son père n’a jamais atteint. Pardonne-nous ! Adieu, ta mère. »

PAR ANN B

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Lettre inattendue

Un jour dans l'épicerie que Momo avait hérité de Monsieur Ibrahim, le facteur a glissé une lettre écrite avec un stylo plume dans la fente de la porte d'entrée.
Sans attendre un instant, Momo l'a ouverte. Il l’a lue attentivement :

Mon cher Momo,
Alors que la fin de ma vie approche, je veux t'ouvrir mon cœur.
Je ne sais pas comment décrire ce mélange d'émotions. Ce duel en moi.
J'ai toujours eu une grande difficulté à exprimer mes émotions et il m'a fallu beaucoup de courage pour t'écrire cette lettre.
Et je regrette qu'il m'ait fallu tant d'années pour m'expliquer.
Je t'assure Momo que j'étais prête à t'aimer, mais je ne me sentais pas capable de m'occuper de toi comme une vraie mère.
J'ai rencontré ton père quand j'étais jeune et je me suis mariée avec lui pour échapper à la vie chez mes parents.
Ensuite j'ai choisi une vie hédoniste et égoïste pour m’échapper de ton père cette fois-ci et refaire ma vie.
J'ai cherché le bonheur en accumulant les possessions matérielles.
Cette vie m'a apporté le vide, le néant !
Je me suis dit que je n'avais pas le droit de tout détruire pour penser à mon bonheur.
Mais je n’avais aucun amour-propre.
Ceci qui m’amène à cette pensée philosophique : lorsque l’on ne s’aime pas, on n’a rien à donner de bon ni d’intéressant.
Hélas Momo, cela ne m'excuse pas mais je te prie de considérer ces mots.
Je t'assure que tu es mon seul fils : il n'y a pas de Popol, ce frère imaginaire est le fruit de ton père. Il n'existe pas.
Plus les années s'écoulaient, plus je me sentais incapable de partir à ta recherche.
Nous ne nous connaissions pas jusqu'à ce que je sois venue te chercher après la mort de ton père.
Il m'a fallu beaucoup de courage pour reprendre contact avec toi après toutes ces années. Pendant tout ce temps, tu aurais dû grandir entouré de l'amour de ta mère et je le regrette.
Lorsque tu n’as pas admis que tu étais mon fils, j'ai tremblé de tous mes membres.
J'ai compris ta nervosité et ton repoussement.
Momo, pas un jour ne s'est passé sans que je pense à toi.

J'écris cette lettre non pas pour ton pardon mais pour que tu continues ta vie plus tranquillement.
Je t'embrasse bien affectueusement,
Ta mère.

PAR AMANDA

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TEXTE #5 : le voyage


ISBN2-7441-7890-X

Eric-Emmanuel Schmitt, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Paris : Editions France Loisirs, 2001. 85p. ISBN 2-7441-7890-X.

Dès la première phrase du roman, l’auteur saisit l’attention du lecteur.  Avec un enfant, un cochon et des putes, l’histoire se doit d’être captivante.  Dès le début, les personnages, les scènes, les objets et les incidents se présentent en images si vivantes que cet ouvrage, et quelques autres du même auteur, ont remporté des succès aussi grands sur scène qu’en librairie.

Monsieur Ibrahim, comme le titre le suggère, est le principal acteur de ce drame, et il a toutes les meilleures lignes.  De son introduction comme ‘une branche greffée sur son tabouret’ à son épicerie à la rue Bleue, il est le centre de l’action et le pivot autour duquel la vie de Momo, le narrateur de l’histoire, se déroule.  Momo est un garçon seul et au seuil de l’adolescence, dont les rapports avec son père sont tendus et ceux avec sa mère inexistants.  Pour lui, rien n’est certain, sauf la froideur de son père et du foyer, et la chaleur de l’épicerie chez ‘l’Arabe qui n’est pas un Arabe’ et des filles de la rue Paradis.   Le personnage du père émerge, avec assez de détails, pour expliquer sa froideur et son malheur.  Le rôle de la mère reste atténué, mais les évènements de la rue et les incidents des voyages offrent quelques petites scènes pleines d’intérêt.  La visite de Brigitte Bardot à l’épicerie est une esquisse typique, en forme de clin d’œil.

A travers les conversations entre Monsieur Ibrahim et Momo, on peut entendre la voix d’E-E. Schmitt, le philosophe et le professeur.  Le philosophe propose que ‘La lenteur, c’est ça, le secret du bonheur’ et que ‘Toutes les branches du fleuve se jettent dans la même mer’.  Le professeur, habitué d’enseigner aux lycéens, suggère que les différences entre les religions existent seulement par leur odeur.  Ibrahim partage aussi sa connaissance du monde en donnant à Momo ‘plein de trucs pour soutirer de l’argent à [son] père sans qu’il en rende compte’.  Les avis offerts avec humour et affection sont quelquefois acceptés !

Pour moi, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran étincèle d’humour et d’esprit.  La touche est souvent légère.  Momo rapporte sa première expérience sexuelle avec ‘une vieille de vingt-deux ans’.  La scène de l’achat de la voiture est matière à farce.  En contraste, la leçon en sensibilité ne requiert que sept mots : « Momo, pas de réponse, c’est une réponse ».   Je recommande ce roman à tous, jeune et vieux, pour la beauté de la langue et les idées de tolérance.  Au coeur de la lenteur adoptée par Monsieur Ibrahim, le lecteur peut aussi y entendre la musique, douce et triste, de l’humanité.

PAR CARMEL MAGUIRE

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 M. Ibrahim et son Coran

« Je sais ce qu’il y a dans mon Coran.» Avec de petites variations, on trouve partout ces mots de M. Ibrahim dans le récit d’Eric-Emmanuel Schmitt, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (Editions Albin Michel, 2001). Dans ses conversations avec Momo, son fils adoptif, M. Ibrahim fait cette déclaration si souvent que les mots en deviennent sa devise personnelle. Mais, nulle part n’explique-t-il ce qu’il veut dire par ces mots. Nulle part, ne cite-t-il les mots de son Coran. Par conséquent, nous, les lecteurs, ne savons pas lesquels sont ses extraits préférés ou, même s’il en a. Nous ne savons pas exactement ce que M. Ibrahim trouve dans son Coran parce qu’il ne nous dit pas, du moins pas directement. Néanmoins, tout n’est pas perdu : tout le long du récit, on trouve des indices.

D’abord, M. Ibrahim nous donne une définition négative : « Le Coran n’est pas un manuel de mécanique. » p.59. Ce commentaire est un conseil à Momo qui cherche un « truc » pour apprendre à conduire leur nouvelle voiture. Mais M. Ibrahim lui conseille de ne pas réduire le Coran de cette manière. Le texte sacré n’est pas un manuel pratique. Il n’offre pas une liste de choses à faire et ne pas faire. En revanche, « c’est utile pour les choses de l’esprit. » p.59. En plus, M. Ibrahim  offre une affirmation positive : « La beauté, Momo, elle est partout. Où que tu tournes les yeux. Ça, c’est dans mon Coran. » p.42. C’est la seule fois que M. Ibrahim fait allusion, de manière moins énigmatique, à ce qu’il trouve dans son Coran. C’est la beauté du monde.

Il est noté que M. Ibrahim parle toujours de mon Coran et pas du Coran. C’est son Coran à lui, c’est-à-dire, c’est une œuvre qu’il s’est appropriée, jour après jour, pendant sa longue vie. Le Coran, pour lui, n’est pas un texte, un livre, un recueil de mots morts. En effet, il dit qu’il ne croit pas aux livres : « Lorsqu’on veut apprendre quelque chose, on ne prend pas un livre. » p.41. Pour apprendre quelque chose, on parle avec quelqu’un, ce qui est précisément ce que M. Ibrahim fait avec Momo. Ils se parlent. Le roman entier démontre l’art du dialogue à travers les conversations entre un vieil « Arabe », un soufi et un jeune Juif, un enfant deux fois abandonné. Pour M. Ibrahim, le Coran est une parole vivante, une parole qu’il met en pratique.

M. Ibrahim a l’habitude de boire régulièrement un verre de Suze anis et un jour Momo l’interroge parce qu’il croit que les musulmans ne boivent pas d’alcool. La réponse de M. Ibrahim est révélatrice : « Oui, mais moi je suis soufi. » p.32. Et les caractéristiques du soufisme que Momo découvre dans le dictionnaire sont également révélatrices : « Opposé au légalisme, (le soufisme) met l’accent sur la religion intérieure. » p.33. Pour M. Ibrahim, sa religion est privée, elle n’a rien à voir avec un ensemble de règles, avec un conformisme à certains rituels. C’est une affaire de cœur, l’affaire de son cœur à lui. M. Ibrahim ne nous révèle ce qu’il trouve dans son Coran qu’à travers ses relations ouvertes avec tout le monde, surtout avec Momo. C’est la vie de M. Ibrahim et toutes ses interactions avec le monde qui révèlent ce qui est dans son Coran. Ce sont, vraiment, les fleurs du Coran. Quelles belles fleurs pour nous, heureux lecteurs ! 

PAR ERIN GABRIELLE WHITE

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La lenteur et le secret du bonheur

« La lenteur, c'est ça qui est le secret du bonheur. »
Une croyance populaire veut que vitesse soit synonyme de progrès et d'efficacité.
Ne dit-on pas le temps, c'est de l'argent ?
La vitesse est souvent un instrument de déni, un moyen d'éviter des problèmes plus profonds.
Au lieu de faire face à ce qui ne va pas dans nos vies, nous nous distrayons avec rapidité et agitation.
À force de suivre un rythme infernal, nous nous sentons submergés et dépassés.
Ralentir est l'antidote de cela.

Écrit par Éric Emmanuel Schmitt, Monsieur Ibrahim et Les Fleurs du Coran est une histoire poignante qui parle d'un garçon juif de douze ans qui devient l’ami du vieil épicier musulman, Monsieur Ibrahim.
Pendant leurs voyages, ils entament une conversation sur le bonheur.
En racontant sa vie, Monsieur Ibrahim dit : "Toute ma vie, j'aurai beaucoup travaillé, mais j'aurai travaillé lentement… en prenant bien mon temps… La lenteur, c'est ça le secret du bonheur."

C'est un message intéressant qui est pratiqué par de nombreuses philosophies et religions.
Le mouvement doux trouve son origine à la fin des années 1980 dans un restaurant de Bra dans le nord de l'Italie. Des passionnés de gastronomie et des militants sociaux s'y rencontraient et partageaient des idées.
Lorsqu'ils apprirent que la chaîne de restauration rapide (« fast food ») McDonald voulait ouvrir une franchise sur l'une des places historiques de Rome, des milliers d'italiens consternés se rassemblèrent pour protester. Non aux hamburgers, oui aux pâtes !

Dans le manifeste de slow food, on peut lire : « Nous sommes asservis par la vitesse et avons tous succombé au même virus insidieux : le fast life qui perturbe nos habitudes imprègne l'intimité de nos maisons et nous oblige à manger du fast food. »
Mais la philosophie douce ne consiste pas à tout faire à la vitesse d'un escargot. Il s'agit de chercher à tout faire à la bonne vitesse. Être présent, dans l'instant… Savourer les heures et les minutes plutôt que de simplement les compter.
Vous connaissez les gens qui parcourent les pays juste pour avoir le plus grand nombre de tampons sur leur passeport. Ceux par exemple qui restent dans un hôtel de luxe à Bangkok et qui, lorsqu'ils quittent le pays quatre jours plus tard disent : « J'ai fait la Thaïlande. »
Les voyageurs lents font le contraire. Ils « vivent » le pays au lieu de le « faire. »

Être constamment pressé nous empêche de nous impliquer dans notre propre vie et encore moins dans celle de ceux qui nous entourent.
La lenteur privilégie la simplicité et les choses essentielles, comme la famille, les amis et les loisirs et permet donc de se reconnecter à nous-même.

PAR AMANDA

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